des mines, du vélo, des copains

Rendez-vous fixé à dix heures chez Monsieur André Pereira – ancien mineur.
Il est visiblement très heureux de nous recevoir. Envie de communiquer, de raconter : vie professionnelle, amicale, tout y passe.
Il avait préparé – et nous offre – une pile de documents. Un cadeau précieux qui sent encore le charbon. Des ouvrages techniques sur le tassement des sols, des grilles de salaires, des plans divers…
On va faire quelque chose avec ça. Un petit livre, peut-être. On verra.
Dans la cuisine d’André, François et Paul nous attendent. Tous enthousiastes.
Pendant l’interview, François répond en écho à André, et Paul reste muet et souriant.
André part dans tous les sens. Pas assez d’une heure ou d’une heure trente pour raconter trente six ans de métier.
André est le deuxième garçon d’une famille de huit enfants. Quatre garçons et quatre filles. Père portugais qui travaillait au rail. André a été galibot à 14 ans et en retraite à cinquante ans. Il est silicosé à trente cinq pour cent – seulement trente cinq pour cent – peut-être que c’est grâce au sport : il a des diplômes de gymnastique, de natation, et il fait du vélo – jusqu’à deux cents kilomètres en une journée – avec les copains, pour passer du bon temps. Il nous sort son album photo spécial vélo. C’est beau.
Il nous a parlé du remblayage des fosses. Il a pris une feuille blanche et fait un croquis, pour être clair. Il parle de sites précis, dont on oublie les noms, où le remblayage ne se faisait qu’au premier étage. En dessous, la montée des eaux fait remonter le grisou, récupéré par gaz de France. François dit « c’est de l’or en barre ».
André parle de sa vie de famille.
Et puis il revient sur des histoires coquines, avec les femmes, au triage, quand il était galibot.
Ça se termine sur un apéro, des histoires drôles.
On rentre à la base avec le sentiment d’avoir vécu un moment magique.

Au fil des Pas-de-Portes

Ce matin on a croisé un homme qui nous a dit avoir participé à la construction de la tour du 19 de Lens. Qu’il a 86 ans, qu’il a été trieur parce qu’il n’était pas très costaud. Et qu’il fait 17 km de vélo par jour, pour ne pas s’encroûter.

Une dame nous a invités dans son jardin pour poser à côté de son « baroud », une berline du temps des mines.

Un monsieur nous a ouvert la porte en robe de chambre et il nous a dit : « repassez dans 5 min, je serai en tenue de sécurité ». Et quand on est revenu, il avait mis son uniforme et on a fait son portrait à côté de son fils sur le pas de la porte.

Une femme nous a dit de repasser à 13h pour la filmer, mais elle a changé d’avis entretemps.

Un homme a reconnu Sandrine, et il a dit qu’elle était la fille de ses voisins du bas de la rue. Mais en fait non.

Les gens sont très accueillants et espèrent qu’on sera bien accueilli chez leurs voisins.

Le personnage principal

Cette rencontre a lieu à l’initiative de Chantiers Nomades et de la compagnie HVDZ en collaboration avec Culture Commune. C’est la troisième fois qu’on organise une rencontre avec les Chantiers Nomades et Culture Commune. A chaque fois, c’est une nouvelle recherche, des nouvelles tentatives, d’autres essais. C’est après un travail de ce type qu’on avait eu l’idée de faire les Sublimes et puis Base 11/19. C’est la première fois qu’on travaille de cette manière, en ateliers séparés. C’est la première fois aussi qu’on parle d’en faire un film. Aux habitants qu’on croise dans la rue, on dit on fait un film et le personnage principal c’est le quartier.

Fin de deuxième journée

Les uns et les autres reviennent. Vont et viennent dans le quartier. On a fait trois groupes. Trois ateliers. Un atelier pour le scénario avec Philippe, un atelier pour la réalisation avec Daniel et un atelier avec Les Veilleurs. Martine et Nathalie ont rendu visite à Madame Caron, Place Lorraine. Catherine et Flora ont vu Mme et Mr Depre. Didier et Christelle sont chez Mme et Mr Sita. Ce matin Martine et Yann ont rencontré Mr A. Pereira qui a participé à la fermeture de la fosse 11/19. Didier et Hervez sont allés chez Colette qui tenait le café chez Claude et Colette du temps où les mines tournaient encore. Colette a connu les mines en activité, la fermeture des mines et les nouvelles activités du site depuis l’installation de Culture Commune. Elle raconte volontiers le temps où les Métallovoices débarquaient dans son café, un groupe de théâtre de rue et de salle  et les soirées mémorables qui s’en suivaient. Yann qui participe à cette nouvelle Veillée Poétique du réel fait partie des Métallovoices. Jérémie a parcouru le quartier tout au long de la journée avec Sandrine et Eric. Ils ont rencontré un ancien mineur dont Jérémie avait fait un portrait vidéo  (dans une série qu’on appelle les pas de porte) lors d’une précédente veillée dans le quartier en 2004. Il nous a dit que son fils qui habite du côté d’Annecy, à Sallanches l’avait vu dans le spectacle Base 11/19 dans lequel sont projetées plusieurs séries de portraits vidéos d’habitants du bassin minier du Pas de Calais. Il a dit c’est bien ce que vous faîtes. Jérémie et Eric en ont fait un autre portrait vidéo. De lui et de sa dame. Pour l’instant la question qui se pose c’est de savoir la place de la fiction dans le film qu’on réalise. Philippe et Daniel se demandaient comment mêler fiction et documentaire. On devrait en discuter ce soir. A l’atelier scénario chacun s’est demandé comment reprendre les paroles des habitants comme un texte de fiction.