La Veillée est un prétexte

Au fur et à mesure du projet, la Veillée se révèle être de plus en plus un prétexte. Un prétexte dans le bon sens du terme et dans son sens littéral : pré-texte, ce qu’il y a avant le texte, avant la parole. La Veillée, est un prétexte donc, un support, un vecteur, une piste de lancement, dédiés pleinement à la rencontre, dans les premiers regards qui s’échangent, les corps qui se rapprochent, ceux qui s’offrent pour une danse, une musique, un mot, une image.
La Veillée, c’est comme un outil qui permet de retrouver notre humanité première, animale, celle où on se regardait, se reniflait, se frôlait pour se découvrir, s’apprivoiser, ce connaître mieux.
La Veillée c’est comme une arme de construction massive qui détruit les frontières, celles de la peur d’aller vers l’autre, vers l’inconnu, celles qui nous cantonnent à ne faire que se croiser sans même un regard, celles qui nous empêche de s’ouvrir pleinement aux autres.
Sans la Veillée il n’y aurait pas toutes ces rencontres inattendues, incongrues, belles, touchantes, il n’y aurait pas tous ces univers si différents qui cohabitent simplement, il n’y aurait pas de valse sur la place du marché, il n’y aurait pas de danses au milieu d’un supermarché, d’une entreprise, d’une rue, il n’y aurait pas toutes ces portes du territoire qui s’ouvrent pour une mini/rencontre/cadeau.
La Veillée c’est une machine à créer ces instants de vie là où il n’y en aurait pas.
La Veillée c’est un ouvre-boite qui décloisonne, c’est un mixer qui mélange, c’est un couteau suisse qui découpe des tranches de vies, c’est une moissonneuse-batteuse qui récolte un champs d’humains, c’est un distillateur qui collecte l’essence même des gens, c’est un métier à tisser qui tend une toile invisible et pourtant palpable entre tous.
La Veillée c’est ce prétexte nécessaire, c’est ce qui vient avant le texte, avant la parole pour la donner, la libérer, l’offrir cette parole. Celle des uns et des autres, de ceux qui probablement ne l’auraient jamais eu, cette parole.
Tom, veilleur d’ici

Petit mot

Prendre le temps d’une rencontre. Oser un sourire, un regard. Et oser recevoir ce sourire, ce regard. Écouter, échanger. Prendre le temps, deux minutes, 1 heure ou plus, pour se poser, rigoler, parler, ou ne rien faire, alors qu’on a 10 000 trucs à faire. Casser le rythme infernal.
Ouvrir sa porte, ouvrir sa fenêtre, ouvrir ses yeux, ouvrir son cœur. Revenir à l’essentiel. Oser l’aventure, le saut vers l’inconnu. Être en mouvement, avancer, même doucement.
Veiller à être perméable aux émotions, aux sensations, à soi, aux autres, à la vie. Veiller à être là, présent, pleinement. Veiller à ne pas l’oublier.
Françoise, veilleuse danseuse.

C’est pas parce que tout ferme qu’on ne peut pas tout ré-ouvrir.

Aujourd’hui, avant que ce soit l’heure d’aller à la première ouverture éphémère de l’épicerie (à 15h, ce mercredi 27 mars), on va sonner chez Solange, à 48 mètres de là. On nous a beaucoup parlé d’elle : « Solange, Solange Védie, la dame de l’épicerie, l’épicerie d’avant, l’épicerie de Saint-Agil ».
On sonne donc, on n’a pas prévenu qu’on venait, mais on tente. Il faut sonner plusieurs fois, Solange était en train de se reposer, parce qu’après, justement elle veut aller à l’épicerie éphémère, mais elle nous accueille. Solange nous fait entrer, elle a entendu parler de la veillée, par son amie Simone (de l’ancien café-restaurant, que nous avions rencontrée pour une conversation filmée) et par sa fille (que nous avons rencontré par hasard à la boucherie Delain, avec qui nous avons fait une séquence de portrait chinois). On s’attable dans le salon qui est l’ancienne épicerie et Solange raconte.
En 1958, elle et son mari reprennent le fond de commerce de l’épicerie qui était à vendre. Ils ont mariés depuis deux semaines en arrivant à Saint-Agil. Tous les deux enfants d’agriculteurs (elle d’Arville et lui du Gault-du-Perche) et ils ne veulent pas devenir agriculteur. Au début, c’est Solange qui s’occupe de l’épicerie (qui est un bout de leur maison) et son mari travaille dans les assurances vie. Mais Solange nous explique que vendre des assurances, c’est vendre du vent, alors, il a arrêté au bout de 4 ans et m’a rejoint à l’épicerie. Ils achètent un camion d’occasion et il fait « les tournées », c’est-à-dire les livraisons pour les clients, dans les fermes, à Boursay, à Arville, à Choue, au Gault-du-Perche, à La Fontenelle, à Oigny, à Saint-Avit, et même jusqu’à la Chapelle-Guillaume dans l’Eure-et-Loir.
Ils seront les épiciers de Saint-Agil, pendant presque de 40 ans. Solange nous raconte que les parisiens qui passent aujourd’hui l’appellent encore Madame Spar. « Qui c’est qui ne me connaît pas ? Et mon mari, c’était pire parce qu’il avait un peu l’sirop de la rue et il aimait beaucoup parler, participer, il a été président du syndicat d’initiative, il a été dans le conseil à la fin de l’épicerie, à partir de 1995, puis réélu en 2001, il était même adjoint, ça ça ne me plaisait pas, parce que je lui disais : ‘oh, on pourrait être tranquille maintenant, et toi tu t’en vas’. ».
Des ‘Fontaine’ aux ‘Védie’ l’épicerie a été là pendant au moins de 100 ans. On souhaite le même succès à l’épicerie éphémère.
L’épicerie éphémère. Aujour’dhui, ouverture éphémère de 15h à 19h. L’ouverture officielle est prévue le 5 mai, au moment de la brocante de Saint-Agil. Le local est prêté par la mairie, à l’épicerie associative, pour une année, de mai 2019 à mai 2020.
À 15h06, la première cliente arrive. Elle prend du pain (qui est à prix libre aujourd’hui, parce que les boulangers le trouvent un peu cuit, nous on le trouve vraiment très bon), et une part de cheesecake. Cette cliente raconte qu’elle vient toutes les semaines à Saint-Agil, elle aime bien saint-Agil, ses beaux-parents étaient de là, elle vient souvent, et c’est comme ça qu’elle avait repéré le jour et les horaires écrits sur la porte pour cette ouverture éphémère. Elle est venue exprès. Laura, une des bénévoles qui font vivre ce projet d’épicerie, lui pose des questions : on aimerait ouvrir deux jours par semaine, 1 fois en semaine, 1 fois en weekend, vous avez un jour favori ?

Les brodeuses de L’Écho du clocher penché de Oigny.

Nous sommes allées hier, entre veilleuses à l’atelier de travaux manuels de Oigny, exclusivement féminin aussi.
Une grande tablée, avec beaucoup de choses dessus, des morceaux de tissus, des aiguilles, des ciseaux, des rubans, des modèles papier, du crochet, des mains qui s’affairent.
Nous annonçons que nous allons filmer les mains au travail et Gisèle nous lance que si elle avait su, elle aurait fait ses ongles !
Tout de suite, le ton est donné, ici on s’amuse, et Gisèle, la doyenne, fait rire régulièrement la joyeuse assemblée. Elle a un foulard rose autour du cou, un sourire en étendard et elle nous livrera ça et là quelques secrets croustillants de la vie de Oigny que nous ne citerons pas !
Nous serons donc ici une demi-heure entre femmes, comme une parenthèse de confidence, et un moment, le souvenir des hammams au Maroc, entre femmes de toutes générations qui se racontent, me fait esquisser un tendre sourire.
Nous découvrons un exemple de Patchwork réalisé, « La caravane de Mimi », une œuvre qui leur demande entre 4 et 6 mois de travail ! Elles ont un modèle commun et chacune ensuite y met les tissus, les couleurs et les petits détails en plus de son choix.
Nous découvrons aussi des objets insolites, comme ce porte aiguilles en verre qui appartenait à l’arrière grand mère de Marie Catherine qui réalise en ce moment un mémory pour son petit fils ; voilà donc un objet délicat qui aura servi plus de 5 générations de cette famille !
Nous découvrons également que cet atelier et tout ce qui anime Oigny est organisé par l’Echo du clocher penché, association qui a été créée pour l’organisation de la brocante d’abord puis pour proposer des ateliers comme celui-ci ou celui de cartonnage et aussi quelques soirées ou ballades qui semblent être bien agréables !
Pour finir, nous leur proposons de dire à la caméra une citation choisie dans une large liste, nombreuses sont celles qui se prêtent au jeu, et Gisèle nous enchantera encore de quelques réflexions bien senties !
Merci à toutes.
Sophia, veilleuse d’ici.

Hier soir on était sur les ondes

Chaque soir de cette deuxième semaine, on peut écouter en direct sur le site de l’Echalier la radio de la Veillée de 18h à 19h. Lundi c’était les gens du Cheptel et de l’Echalier qui étaient autour de la table. Et hier soir c’était HVDZ. Vous pouvez réécouter l’émission en suivant ce lien :

https://audioblog.arteradio.com/blog/134615/podcast/134974/l-emission-du-mardi

Ce soir c’est le tour des artistes qui nous accompagne, et demain ce seront certain.e.s des habitant.e.s qu’on a rencontré. Pour écouter en direct, c’est là :

http://www.lechalier.fr/radio-veillee/

C’est pas parce que…

C’est pas parce qu’on habite à la campagne qu’il ne se passe rien
C’est pas parce qu’on est à la campagne que ça sent bon
C’est pas parce qu’on vit à Mondoubleau qu’on vit pas aussi à Paris
C’est pas parce qu’on habite dans le Loir-et-Cher qu’on a les pieds dans la boue
C’est pas parce qu’on a un bébé qu’on peut pas être veilleurs
C’est pas parce qu’on a une voiture qu’on peut pas prendre son vélo
C’est pas parce qu’on est différent.e.s qu’on est pas compétent.e.s
C’est pas parce qu’on a un magasin d’informatique qu’on peut pas accueillir la radio
C’est pas parce qu’on est châtelaine qu’on ne fait pas tout à la brouette
C’est pas parce qu’il y a pas d’éclairage public qu’on voit pas très bien dans la nuit
C’est pas parce que tout ferme qu’on peut pas tout ré-ouvrir
C’est pas parce qu’on est à la retraite qu’on a le temps de venir à la Veillée
C’est pas parce qu’on est d’ici qu’on en sait plus que ceux qui viennent d’arriver
C’est pas parce qu’il n’y a pas de spécialité locale qu’on se régale pas à table
C’est pas parce qu’on vient d’ailleurs qu’on est pas d’ici, ou l’inverse
C’est pas parce qu’on est parti qu’on est pas ravis de revenir
C’est pas parce qu’on fait de la trompette qu’on peut pas danser
C’est pas parce qu’on est dans le Perche qu’on a pas peur des chevaux
C’est pas parce qu’on se camoufle sous une couette orange qu’on devient invisible
C’est pas parce que le CPE est là qu’on peut pas sauter par la fenêtre
C’est pas parce qu’on est collégienne qu’on peut pas être Antigone
C’est pas parce qu’on est pressés qu’on accorde pas une heure de son temps
C’est pas parce qu’on dit non pour être filmé qu’à la fin on dit pas oui
C’est pas parce qu’on sait pas danser qu’on danse pas
C’est pas parce qu’on est provinciaux qu’on a pas des idées capitales
C’est pas parce qu’on est tous éloignés qu’on peut pas se retrouver
C’est pas parce qu’une épicerie s’appelle éphémère qu’elle ne va pas durer