Mémoire, présent, questions.

Didier et Marie n°3 se posent des questions sur la mémoire.
La mémoire qui reforme les souvenirs de façon légèrement différente à chaque fois qu’elle les réactive.
Marie n°1 se pose des questions sur l’instant présent.
L’instant ne peut il pas être toujours présent si l’on pense à lui alors qu’il vient d’être passé?
Guy cherche des surnoms emblématiques pour chacun d’entre nous.
Il récite également quelques vers de poésie.
Didier se demande s’il y a du citron ou de l’anis étoilée dans la recette du poulet ce midi.
Lucien se demande où serait le café  dans cette cité, s’il y avait un café.
Parfois, certaines réflexions entendues au QG, dans l’une ou l’autre bouche, poussent à se demander si l’on passe ou non un jour à l’âge adulte.
On pense et on rit bien.

Deux guerres et une bataille

Pierre m’a expliqué hier: en 1914, y’avait les corons. Tous détruits. L’église aussi, détruite: les obus. Ils ont tout reconstruit, mais ils ont fait des cités pavillonnaires à la place. Les mines étaient puissantes, elles se sont fait plaisir: y’a pas deux maisons identiques. Elles ont toutes une particularité. L’église a été reconstruite puis détruite à nouveau. C’est pour ça que si on regarde la cité des Provinces, de haut, on voit voit encore le dessin du plan de l’église, entre les deux écoles.

En 1945, tout était à l’arrêt. Le gouvernement de l’époque a demandé aux mineurs de faire un effort supplémentaire pour extraire cent mille tonnes de charbon par jour, de travailler le dimanche, pour sortir le pays de la guerre et amorcer la reconstruction.

Il y a…

A la cité des provinces,

il y a un city-stade,

il y a de belles écoles,

il y a Armelle qui a trouvé un obus dans son jardin,

il y a des maisons rénovées, des maisons qui seront rénovées, des maisons fermées,

il y a la rue Léon Blum et ses commerces,

il y a les gites d’Elsa et Pierre,

il y a de la neige ce matin sur les terrils,

il y a des gens qui dressent leurs chiens sur le stade le dimanche matin,

il y a l’anniversaire de Jérémie,

il y a les jardins des cités-jardins,

il y a des briques, des briques et des briques,

il y a les belles chaussettes de Marie sur le radiateur,

il y a les très bons plats que The Sisters’Canteen nous préparent tous les midis,

il y a Récup’tri qui font un super boulot  dans le cadre de la réinsertion des personnes au R.S.A.,

il y a beaucoup de chiens, des petits, des gros, des gentils, des moins gentils,

il y a Mr Gapa et sa Harley Davidson,

il y a M. et Mme Petit et leurs enfants qui nous ont fait un café fort, et avec qui ont a bu une « Fée Torchette »,

il y a 3 Marie(s) dans l’équipe et ça nous perturbe,

il y a Guy qui mange tout le chocolat,

il y a la joie d’être là,

il y a un amour des habitants pour leur cité,

il y a une nostalgie dans l’air,

il y a une volonté de réveiller la belle endormie comme dit Didier,

il y a Cartoon’s qui s’occupe des enfants le mercredi après-midi,

il y a la danse à l’amicale, le Karaté et le tir-à-l’arc aussi le samedi

il y a des pigeons bleus, il y a des pigeons gris, il y a des pigeons blancs mais les colombes, ça n’existe pas selon les colombophiles…

il y a un American staff qui a failli nous manger en porte à porte,

il y a eu la peur, la peur et la re peur et la joie d’être en vie voire entiers,

il y a Damien qui ne quitte pas son sweet capuche Culture Commune,

il y a Lucien qui a un look de communiant aujourd’hui mais personne n’est dupe,

il y a des priorités à droite à tous les coins de rue,

des sens interdits, des impasses, des voies uniques, des rendez-vous manqués, des faux horaires de train, des rues qui se croisent,

il y a Guy encore qui divague,

il n’y a plus de yoga du rire, c’est interdit à la compagnie,

il y a la déception et la frustration de certains membres d’HVDZ qu’on brime plus souvent que les autres,

il y a Martine qui monte, qui monte, qui monte…quand redescendra t-elle?

il y a toutes les petites formes que nous voulons offrir aux habitants,

il y a les blagues de Didier,

il y a Mourad qui danse dans le vent glacé,

il y a notre Q.G. au 11, rue du lyonnais.

 

 

 

 

 

 

La Philosophie de l’arc

Didier, Damien et Lucien étaient samedi après-midi dans le petit local derrière la grande salle de l’école des garçons, au milieu des arcs accrochés au mur pour interviewer Mr Fievet et Mme Pollet du Club de tir à l’arc. Ces deux passionnés nous expliquent les différences entre l’arc et son cousin à poulie : le compound, la façon dont ils sont arrivés là, le beau parcours de Mme Pollet, qui a été loin dans les championnats de l’équipe de France, se battant sur la route pour être reconnue dans ce sport en tant que femme. C’est elle qui entraîne aujourd’hui les jeunes et moins jeunes recrues.

Le tir à l’arc est très actif à la Cité des Provinces, à la fois pour les adhérents, mais aussi lors des Temps d’Activités Périscolaires avec les enfants de l’école, ou encore avec les personnes handicapées d’ici et d’ailleurs. Il y a une équipe qui participe aux Championnats de France Handisport.

Parfois le club part en virée pour organiser un safari avec des animaux de la jungle (crocodiles, lions, etc.) reconstitués en 3D !

M. Fievet et Mme Pollet s’assombrissent légèrement quand on évoque la reprise de l’association par la future génération. Ils ne voient pour le moment pas qui aimerait assurer la relève.

Pendant ce temps, Jérémie et Mourad prennent des images de l’attaque à l’arc du cerf en mousse qui brame désespérément.

C’était mieux maintenant

Madame Bichon nous attendait un peu plus tôt. C’est lundi, il neigeait, la route était boueuse et nous sommes en retard. Madame Bichon nous dit d’emblée qu’elle n’est pas à l’aise devant la caméra, mais elle a finalement plein de choses, de trucs, de machins intéressants à raconter sur la cité des Provinces où elle a presque toujours vécu. Quand elle raconte, on peut se figurer un tableau très vivant: les gens, dehors, qui sont liés par leurs relations de travail, de voisinage, d’amitié. Les enfants qui jouent dans les rues pavées ou « au champ » (qui était en fait une sorte de petit bois et qui est devenu le citystade). Les voisins qui se dépannent d’un peu de sucre ou d’un bricolage à accomplir.

Madame Bichon compare le passé et le présent. Si elle dit souvent que c’était mieux avant, en l’écoutant on trouve quand même que c’est pas mal maintenant aussi. Le monde a changé, c’est sûr. Peut-être effectivement est-il plus violent. Peut-être passe-t-on plus de temps devant la télé et moins de temps dans la rue, et ça distend les liens. Peut-être les enfants grandissent-ils avec un cadre moins strict. Pourtant, des personnes comme Madame Bichon, qui aiment à accueillir les étrangers, qui font attention à ce que les enfants d’aujourd’hui ne vivent pas les mêmes difficultés que les enfants d’hier, qui voient les qualités d’autres cultures que la sienne, des gens comme ça nous font nous dire que c’est pas si mal, maintenant, à la Cité des Provinces.

Porte à porte dominical

Didier et Lucien faisaient du porte-à-porte ce dimanche après-midi dans la rue Saint-Pierre pour proposer aux habitant.e.s de participer aux portraits chinois et citations face caméra.

Certain.e.s semblent s’être absenté.e.s, d’autres avec qui nous discutons longuement ne veulent pas être filmés. Alors peut-être que dans le film on ne verra pas que nous nous sommes sentis bien accueillis ce dimanche, mais ce Welcome pailletés sur porte fermée ressemble bien à notre après-midi.

et tombe la neige, impassible manège…

Ce matin, les équipes se sont rendues de justesse à leur rendez-vous: on avait prévu les bouchons matinaux de sortie de grande ville, mais on avait pas prévu de se prendre une telle averse de neige. Problématique routière mais nous sommes finalement tou-te-s arrivés à l’heure pile à nos divers rendez-vous:

Mourad, Marie 1, Damien et Jérémie dans les classes de l’école élémentaire Pasteur; Lucien, Marie 2 et Marie 3 chez Madame Bichon, habitante de la rue d’artois et Guy et Didier avec les ouvriers de Récup’tri. Martine monte tout ce qu’on a déjà filmé depuis notre arrivée samedi matin.

Hier soir, Didier et Martine ont joué leurs petites formes dans le beau gite en bois d’Elsa et Pierre, nous étions 17 bien serrés, bien au chaud à les écouter et regarder leurs propositions puis nous avons pris un pot de l’amitié tous ensemble.

On était bien…

 

La cité des provinces, cité du monde

Tous de retour au quartier général, 11 rue du Lyonnais, cité des Provinces, à Lens. On a travaillé fort aujourd’hui. Parcouru la cité dans tous les sens. Plus de six kilomètres de cité des Provinces. Croisé plein de gens. Mangé une tarte aux myrtilles chez l’ancien directeur de l’école du quartier et président de l’association du tir à l’arc. Discuté cinq minutes avec des jeunes ados qui adorent le rap, Rohff, 2pac et les frites. Rentré chez une dame qui avait bloqué sa grille d’entrée avec un tendeur qu’on a ouverte. Marie L. nous a crié qu’un chien courrait sur nous. Un american staff. On a fait demi tour et on a refermé la grille avec le tendeur avant que le chien n’arrive à nous. Rencontré des jeunes qui venaient tout juste d’emménager. Sur la cité des Provinces depuis deux jours. Le jeune Thomas a bien voulu répondre à nos questions et dire une citation parmi toutes celles qu’on lui proposait. Frappé chez une dame qui ne se remettait pas de la mort de son mari à la mine. Il y a longtemps. N’a jamais pu accepter cette insondable injustice. Croisé des gens qui répondent aux questions mais ne veulent pas être filmés. Plein d’habitants nous disent qu’ils viendront voir le fim-spectacle dimanche à 11h ou 15h. Là où nous avons réalisé nos Veillées (ancêtres des portraits), là sur la cité des Provinces, là où on nous parlait toujours de la mine, l’histoire se transforme, les gens n’ont parfois plus de lien familial avec ce qui fut la culture de dizaines de générations. Il reste l’inscription de bassin minier au patrimoine mondial de l’humanité. Et la Base 11/19 et ses sublimes terrils.