Marion, Vassil, Mathieu, Jamel, Tantôt, Tati et tous les autres

Première semaine finie. Le week-end est bien mérité. Même si les Atomics, c’est pas comme les veillées, c’est dans le théâtre, on a eu l’occasion de revoir plein de gens en lien avec les veillées, des gens qui nous ont programmés les années précédentes, qui aiment les veillées, et puis des gens qui y ont participé, comme par exemple Marion, qui a fait celle de Lomme avec nous, qui est circassienne, fil-de-fériste. Elle est venue avec Vassil, qui lui aussi est circassien, et avec qui elle a monté les projet Issue, qui est suivi de très près par la compagnie. Il y a aussi Matthieu, dans Issue, qui a fait la veillée de Nantes avec nous.
Et puis on a eu aussi l’immense plaisir de revoir Jamel. Le temps est passé vite, plusieurs années depuis cette veillée à Tremblay en France, où on a rencontré Jamel. On avait fait une interview passionnante de lui, et on en a gardé un morceau qui est dans les Atomics. Il nous a montré son travail actuel. Toujours le dessin. Il croise l’art nouveau et le graf. Il prend des techniques de l’art nouveau qu’il croise avec des techniques artistiques arabes, les motifs géométriques, et puis la calligraphie. C’est magnifique. Travailler par le dessin à ennoblir, à magnifier des personnes que l’histoire n’a pas favorisé, petite fille afghane ou jeune femme berbère. On se dit qu’il faut absolument qu’il y ait une suite, qu’on trouve un moyen de travailler encore avec Jamel.
On a aussi encore profité du plaisir d’être à la fabrique et de rencontrer les autres compagnies qui y sont en résidence, l’équipe de Tantôt et celle du Tati roulant, dans cet état d’esprit toujours chaleureux, généreux, de Culture Commune. Première semaine finie.
Reste encore une semaine. Si elle est aussi riche que celle qui vient de passer, on est impatients. Il ne faut pas oublier de se ménager, d’économiser nos fatigues, mais on est impatients.

nous rassurer

Henri de Bergerac nous a dit alors vous faîtes un spectacle et vous n’ envisagez de le reprendre que dans un an. Pourquoi pas avant. Pourquoi pas tout de suite. Qu’est ce qu’on peut répondre. Dire qu’on avait prévu de faire ce spectacle beaucoup plus tard. Qu’il s’agit d’un essai, d’une tentative même si ça a l’allure d’un spectacle fini. Surtout depuis qu’on a rajouté les images des habitants sur leur pas de porte, en fin de semaine. On a beaucoup transformé le spectacle en une semaine. Dire qu’on n’avait pas prévu de jouer à ce moment ci. Mais dans un an. Dire qu’on n’avait pas prévu d’organiser de tournée mais que tout compte fait, on va le tourner tout de même. Dire qu’on est un peu perdu. A force de vouloir sortir des sentiers battus et de n’être rangé dans aucune case, on ne sait plus comment on s’appelle. Dire que ça ne peut pas être toujours pareil. Que tout n’a qu’un temps. Alors qu’il faut envisager le changement. Des présentations différentes. Pour échapper à l’ordre établi. Qu’on n’est pas éternel. Qu’il faut rendre de la vie à ce qu’on fait. Ne rien figer. Ce serait illusoire. On est sorti des théâtres pour aller dans les rues. Comme une autre façon de faire de la politique. Que l’intérêt c’est ce vers quoi on tend et qu’on n’ atteindra jamais. Qu’on finira bien sûr par tout laisser en plan. C’est toujours comme ça. Mais qu’on voudrait rester intact malgré tout. Dire que c’est comme inviter des amis à une grande table-spectacle, à une discussion pour dire qu’on est là. Acteurs et spectateurs. Que la planète tourne et qu’elle est pas sensée tourner sans nous. Nous rassurer. Bien sûr parler des Veillées. Un pan de vie. Donner des nouvelles. Le spectacle, les Atomics, c’est la célébration des Veillées. Le spectacle est un rituel. Nous sommes des gens du voyage. Et les Atomics, c’est une célébration, un rendez vous, une invitation à se retrouver. Avant de reprendre la route. Avant d’aller, on l’espère,vite, à Bergerac.

henri

Les nuages des premières représentations se sont un peu dissipés. Le brouillard est un peu retombé. Pourtant aujourd’hui il pleut averse. On avait tous une grosse envie de week end. Hier on a explosé la jauge. On n’était plus assez de tous ceux qu’on est pour discuter avec tout le monde. Puisqu’on a bien dit qu’une part importante de ces représentations-ci c’est la discussion avec le public. Avec les gens. Après la représentation, on prend deux minutes pour reprendre son souffle et on part vers les gens. Hier c’était fin de semaine et les gens étaient là de partout. Nous n’avions pas assez de toutes nos bouches pour dire, raconter, essayer d’expliquer et de nos oreilles pour entendre, comprendre, s’approprier tout ce qu’on nous donne, propose, pour repenser le monde et tout ce qu’on fait. Pourquoi on le fait, comment l’améliorer, comment continuer… On se dirait sur une Veillée. On veut voir tout le monde mais on n’y arrive pas. On se dit, si on ne voit pas tout le monde, on n’aura pas fait ce qu’on devait faire. On a dit qu’on discuterait avec chacun. C’est pour ça qu’on avait décidé de jouer dans la petite salle. Pour une petite jauge. Pour ce dialogue. Cette rencontre. Cet échange. Henri Devier est venu de Bergerac. De la Gare Mondiale. Bergerac, c’est la première Veillée qu’on a faite en dehors du bassin minier.

la quatrième

La quatrième est passée. Bien passée. Bien sûr c’est très facile de dire qu’il y a du monde puisqu’on joue dans la petite salle deux de la Fabrique et la jauge est très limitée. On a de la chance de jouer beaucoup. On peut ainsi changer des moments du spectacle, revoir des textes, rajouter des images; ça correspond à ce qu’on avait imaginé. Une présentation discussion avec le public qui nous permet de réfléchir ensemble au travail qu’on fait. On avance bien. Et aussi au bout de la semaine la fatigue se fait sentir. Parfois après le spectacle on tient à peine debout. Mais les discussions sont très intéressantes. On revoit plein des gens chez qui on a fait des Veillées. Les gens sont de bon conseil. Mais ça demande de bien écouter. Les premières représentations ont été plus hards. On parle beaucoup entre nous. Tous les jours on fait un point tous ensemble. Pour qu’on puisse dire comment on a vécu la représentation de la veille. Pour laisser un peu échapper la vapeur de la cocotte minute. Et après le spectacle, après avoir beaucoup parlé avec les gens, on plaisante un peu. Hier à table on a tous parlé avec l’accent alsacien parce que Charlotte, qui joue dans le spectacle, est alsacienne.

faut assurer (2)

La troisième est passée. On n’a pas pu voir tout le monde. On a refait le spectacle. On a refait le monde. France 3, la télévision est venue filmer des répétitions et le spectacle en entier. On ne remercie jamais assez ceux qui travaillent pour faire venir les gens au spectacle. Fred, à Culture Commune qui se bat pour que les journalistes régionaux et nationaux viennent à Loos en Gohelle. Et Fred qui fait à manger avec Julien pour que tout le monde puisse rester manger à la Fabrique. Après le spectacle. Tout le monde. Tout ça demande énormément de travail. Enormèment de courage. Ce soir, c’est donc la quatrième. On avait enlevé dix minutes de spectacle la veille. Hier on n’a rien changé… Après toutes les tensions accumulées, hier on a profité un peu. Faut tenir bon. Le spectacle est particulier. En dehors des clous. C’est une forme de laboratoire avancée. On s’est dit, c’est une performance, comme on dit en arts plastiques. Une forme d’art brut. On s’est dit que ce qu’on nous dit après le spectacle doit enrichir notre réflexion. Pour avancer, chercher, travailler encore. On prend des risques. Faut assurer.

inquiétante étrangeté

Va falloir assurer! On joue tous les soirs. Oh là! ça pose dix mille questions d’avoir fait ce spectacle! Dix mille, c’est peu dire! On voulait marquer le coup des sept ans de veillées. On n’est pas déçu du voyage. On peut dire que ça questionne sacrément. Après le spectacle comme c’est toujours le cas à la Fabrique, on se retrouve au bar pour discuter avec les gens. C’est la convivialité; ça permet de discuter avec les spectateurs de ce qu’ils viennent de voir. Mais (comment dire?) le spectacle est source de nombreuses interrogations alors c’est un peu particulier. Une inquiétante étrangeté. Toute vue des choses qui n’est pas étrange est fausse.Va falloir assurer!