Mathilde

On a eu un public peu nombreux mais précieux. Il y avait des veilleurs. Il y avait Catherine, qui était sur la veillée Poétique du réel et faisait, on se souvient, entre autre, du Danil Harms avec des collégiens : je vais t’éclabousser de soupe.
Il y avait aussi Jo-Anna, qui ne rate rien de ce qu’on fait, depuis des années, depuis les interventions de la compagnie à l’époque où elle était en terminale au lycée Condorcet. Elle a fait une veillée en stage avec nous, au 11/19.
Et puis il y avait Mathilde. Quel bonheur de revoir Mathilde. De la voir rire dans le public, aux éclats, devant ce troisième Jerk virtuose. Mathilde a fait toutes les veillées depuis le début, ou presque, son avis compte beaucoup. On a glissé de petites dédicaces discrètes pour lui témoigner à quel point cette histoire là est aussi la sienne.

H to H, et merde, merdum et bon voyage

On a tous des petits rituels avant le spectacle. Des rituels personnels et des rituels collectifs. Des rituels utiles – comme faire ses mises ou préparer son matériel, se mettre en tenue, régler les niveaux… – et puis des inutiles, des futiles, des petits plaisirs, comme chanter des chansons. Les salutations au soleil suivies du lion, pour Camille, Dorothée et Charlotte. Ecouter de la musique en se chauffant, pour Hervé. Didier chercher Youki, le chien imaginaire. Ça, ça veut dire que l’heure approche. On est tous solidaires et on cherche Youki, aussi. Il y a H to H. C’est comme ça que Charlotte a appelé le moment où, tous, on se déchaîne une bonne fois en écoutant Highway to Hell d’AC/DC. Merci Jean-Pierre. C’est une idée de Jean Pierre de balancer la musique à fond. Il dit pas trop prés du spectacle, sinon, tout le monde est énervé, ni trop loin, puisque c’est pour réveiller. Il dit : faut savoir bien choisir le moment d’H to H. On se défoule en sautant. Il y a le moment de maquillage. Celui du repassage, un jour sur deux. Il y a le passage de Maggie et Olivier. Il y a les embrassades presque brésiliennes avec des merdes, merdum et bon voyage.

on va rien lâcher

C’était une bonne représentation hier. Donc la septième. Comme les Veillées qu’on fait depuis sept ans. On avance bien. Hier il y avait des gens  de partout. Du Luxembourg. De Amiens. Du Centre national des Arts du Cirque dont Julien avec qui on a fait des Instantanés à Wingles et Avion. Nos premiers Instantanés. Les gens du Luxembourg avaient un très beau chien noir avec eux. Comme le chien noir dans le film de Tarchovski, le Stalker. Marie, qui joue dans le spectacle ramène son Yorkshire vendredi soir. Elle dit, ces chiens c’est pas ce qu’on en a fait. Ces  chiens  étaient utilisés dans les mines du Yorkshire en Angleterre pour trouver le charbon au fond des mines et détecter la présence du gaz, le grisou. On a beaucoup parlé hier soir encore. Refait le spectacle. Refait le match. Refait le monde. On a eu avant hier des gens du Parti de Gauche et hier soir des gens du NPA. Tout le monde a trouvé la démarche intéressante. Parce qu’elle participe d’une rencontre avec les gens. Et que c’est un théâtre porteur de paroles et aussi qui sait servir et se servir de la danse, de la vidéo, du cirque et du théâtre. De divertissement et d’engagement disait, ce philosophe théoricien du NPA. C’est sûr, le spectacle est particulier. On a entendu dire de nous qu’on n’envisageait de ne plus faire de théâtre. Qu’on n’irait plus voir de théâtre. Certains ne seraient pas d’accord, plus d’accord avec notre manière de faire, d’envisager le théâtre.  Nous sommes sur des chemins de traverse. On ne peut pas se contenter de ce qui existe. Ce qu’on fait ne tient pas du renoncement. Bien sûr que non. Bien sûr on peut ne pas être d’accord. Mais il ne s’agit pas de renoncement. Qu’est ce qu’on n’y peut si on ne veut pas jouer des règles de la distinction? Et on continuera de faire du théâtre! Comme on l’entend! Les Veillées, les Atomics, c’est du théâtre. On va pas lâcher!

maggie

La sixième est passée. On a joué hier soir. On a croisé les élus de la ville de Maisnil les Ruitz d’où Maggie qui travaille avec nous est originaire. On va faire une Veillée à Maisnil les Ruitz et Ruitz et Houchin au début du printemps. Les gens sont venus pour se rendre compte de ce que représente une Veillée. On dirait que les Atomics permettent de mieux comprendre les Veillées. Notre travail est lié. Maggie connaît un monde fou à Maisnil. On pourrait faire une veillée autour de Maggie qui serait le fil rouge de notre présence à Maisnil. Hier on a bougé pas mal de séquences dans le spectacle. Du coup hier soir on a un peu savonné. On a bougé trop de choses dans l’après midi et on n’a pas eu le temps de se faire aux changements. On a raté une séquence complète. On n’aurait pas dû faire tant de changements en quelques heures avant de jouer. Mais c’est difficile de connaître les limites. Jusqu’où on peut changer. On se dit, on continue à chercher, il ne faut pas que ce soit tous les jours pareils, il ne faut rien figer. Et on perd la notion des limites. On était furieux hier soir. On avait du mal à parler avec les gens. On aurait voulu exploser.  Faire le clown. Et mourir dans un éclat de rire. Pourtant ça fait partie du travail; on discute avec les spectateurs pour envisager d’autres manières de faire l’art et la culture. Plus démocratiques. Le spectacle est le prétexte à toutes ses conversations. Mais on s’est dit qu’on n’avait pas joué comme on aurait dû. Et ça nous obsédait. Mais c’est pas comparable avec ce qui s’est passé lundi dernier où c’était très violent. Les réactions des spectateurs, je veux dire. On aurait voulu disparaître dans un trou de souris. Hier on n’avait plus qu’à s’en prendre à nous mêmes. Du coup ce matin encore on est en colère. Quand tu penses à tout ce monde qui travaille tant sur les Atomics. Tous les jours. De dix heures du matin jusqu’au bout de la nuit. Tu te dis que t’as pas le droit de rater une séquence complète dans ton spectacle. Tu te dis, si déjà tu faisais ton boulot correctement, jusqu’au bout. Si déjà tu pensais qu’on ne fait pas mille changements en un après midi parce que tout le monde va s’y perdre, forcément, tu pourrais réclamer un peu plus de… Oh je ne sais pas quoi en fait. On s’est calmé dans la voiture en rentrant. On s’est perdu sur les routes du bassin minier. Exprès. On est passé devant la clinique de La Clarence. L’endroit est magnifique. Dans la nuit. J’ai pris ma drogue jusqu’à Calonne Ricouart.  On s’est retrouvé à Calonne Ricouart dans la côte de La Clarence. Après j’ai tourné vers Divion. Par la chaussée Brunehaut.  On est mardi et faut se reprendre. Faudrait revoir les danses. Mais aujourd’hui on ne change rien. Juste revoir ce qu’on a fait hier.

dieppe zeebrugge etaples

On pourrait aller à pied jusqu’à Dieppe, Zeebrugge ou Etaples. Et ramener du poisson. Mais en attendant il y a les Atomics et les Instantanés à Roubaix la semaine prochaine. On attend du monde cette semaine. Peut être y a t il un petit creux de fréquentation ce soir et demain? En tout cas, quelle bonne idée de jouer quinze jours (dans la petite salle)! Les choses vont vite! Déjà on se demande quelles questions on va poser aux lycéens de Van der Meersch la semaine prochaine au cours de nos errances dans le lycée. Pourtant il reste plein de travail à faire sur les Atomics. Cet après midi et demain, on va revoir les textes théoriques du spectacle. La façon de les dire. Même si c’est bien, on les dit un peu trop vite. Du savoir froid, comme on dit au Pavé. Franck Lepage dit qu’il a appelé sa SCOP le Pavé parce que soixante huit est la dernière révolution internationale qu’il y ait eue et que c’était la cible théorique principale de le droite française aux dernières élections présidentielles. Il dit aussi que l’égalité des chances est une grossière imposture. C’est soit l’un, dit il. Soit l’autre. Soit le système politique est basé sur l’égalité. Soit c’est un système inégalitaire et si on a de la chance on s’en sort, si on n’a pas de chance, c’est tant pis pour nous. Un système où l’homme est un loup pour l’homme. Il nous faut un peu ralentir le débit. Faut qu’on laisse un peu de temps aux spectateurs pour assimiler ce qu’on dit, mais bien sûr il n’est pas question de tout ralentir. On risque de perdre le rythme du spectacle. Aujourd’hui, c’est la sixième. On s’est donné rendez vous à trois heures. On joue à 19h. On parle tellement avec les gens après le spectacle que la journée de travail ne fait que commencer à ce moment là. Jusqu’au milieu de la nuit. Voire au delà…