Variations surréalistes, c’est quoi?

Le point de départ une salle de classe normale avec tables, chaises, sacs, cahiers, activités en bon ordre. Cela donne la photo A. Ensuite, on prend tous les éléments utilisés pour la photo A et on les met autrement. Cela donne la photo B. La salle de classe attendue devient une salle de classe inattendue. D’une chose réelle, on en invente une irréelle juste en changeant la disposition. Dans la photo A comme dans la B, c’est la même salle de classe, on a rien ajouté, rien enlevé.  

 

Danser sans musique

La proposition d’Hervé à la terminale menuiserie : « Donner un mot – un seul – qui pour vous caractérise votre lycée. Puis faire un geste qui  raconte ce mot. » Et ça commence. Et petit à petit on s’étonne de voir l’écart entre  les mots proposés (prison, merde, ennui, pourri, nul…) et la façon dont chacun s’investit dans le jeu proposé. Tous se concentrent pour reproduire et s’approprier au mieux les gestes des autres, tous se mobilisent pour retenir l’enchaînement et pouvoir danser ensemble. Au fur et à mesure, entre les gestes donnés par les lycéens (des gestes qu’on utilise généralement pour dire sa colère ou pour insulter), Hervé propose d’intercaler des pas, des changements de directions, des inversions de jambes. Une chorégraphie se construit.  Et la danse apparaît. On dirait qu’ils ont tous oublié de penser « prison-merde-ennui-pourri-nul ». Et quand la sonnerie retentit, personne ne s’arrête, personne ne part, on continue à danser, on veut reprendre. On recommence encore deux ou trois fois l’enchaînement fabriqué ensemble avant de se dire qu’il faut quitter la salle.

 

Réel ou Irréel ?

La proposition d’une Variation surréaliste : « Et si à partir d’une classe réelle (déjà vue partout) on en crée une jamais vue, une irréelle. »La salle de classe d’abord bien organisée, en plein travail, se retrouve en formation U au centre et c’est un rire qui va du plus petit au plus grand, du buste en arrière aux jambes en l’air…Et puis une autre proposition vient de la classe  : « Et si on faisait des tableaux comme une succession de situations figées qui font une scène ».

 Le titre est : Comme une embrouille basique.

Le déroulement est le suivant :

1. Autour l’air surpris

2. C’est tendu, elles se rapprochent

3. Elles s’attrapent : « Faut les séparer »

4. Là c’est fini….

Alors ce roman-photo réel ou irréel ?

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Quand on arrive …

On a commencé par « varier surréalistiquement » autour de l’objet salle de classe et surtout d’ailleurs de l’objet livres, cahiers, voir classeurs car ces derniers jonchés en grand nombre les tables. Ça a donné un tableau découpé en situations auxquelles ils ont donné des titres : 1. Tu m’écris, je t’écris, on s’écrit et moi je lis – 2. La plage c’est la classe – 3. C’est la règle du jeu mais j’ai perdu – 4. Petite retouche avant la pause – 5. La revanche de ma trousse 2ème épisode.

On a fini par discuter sur la question de ce que ça signifie pour eux d’être à Évry ou dans l’Essonne. C’est avec la classe dite des nouveaux arrivants, c’est-à-dire que cela fait 3 mois à un an qu’ils sont là. Alors on évoque les premières impressions  qui sont pour eux encore fraîches : des choses qui questionnent « Pourquoi, il y a deux lycées ? » – « Tout le monde fume » – « Tout le monde parle vite », d’autres qui plaisent « L’exigence au niveau des retards, c’est bien » – « Toutes les propositions qui nous sont faîtes »  ou encore « La gratuité de l’école » et d’autres qui interpellent « la nourriture de la cantine n’a pas de goût » !

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Se poser la question…

Avant de sortir « Vous avez des origines d’où madame ? » « Euh ».   Alors là, contre toute attente, je suis gênée de ne pas vraiment savoir, surement de quelque part en France un peu au nord et un peu au sud mais un vague souvenir d’Italie, ou est-ce un rêve ? Je reste muette, un peu sidérée et évoque cette possibilité d’Italie. « Ah, oui je m’en doutais. » Bon très bien, à vérifier. Ici, on ne parle pas vraiment des origines mais on parle de ce que signifie d’être ou d’habiter à Évry ou en Essonne. Alors ? ….. Me poser la question par rapport à l’endroit où j’habite.  On peut à tout moment me la renvoyer et alors là …. Bien sûr on rassure en disant  que la réponse peut être rapide et automatique, une chose qui vient en tête mais quand même ce n’est pas une question banale…

Peut-on tout dire?

Il y a-t-il des choses que l’on ne peut pas dire ? Et y a-t-il des choses que l’on ne peut pas entendre ? « Est-ce que une personne qui nous demande de dire ce qu’on veut, peut ne pas vouloir entendre ce que je veux justement dire ? ».  La réponse est oui. La proposition d’une rencontre même instantanée ne peut pas faire abstraction de ce dans quoi elle s’inscrit. La parole est donnée, certes mais ce qui est dit doit être court, c’est le jeu de l’instant. Certains sujets justement ne supportent pas le format court et même sont en eux-mêmes déjà  des raccourcis  qui font monter des comportements et des pensées extrémistes et violentes. Le risque de l’instant, c’est la parole réduite, ciselée, coupée de son endroit et c’est en même temps sa force. C’est dans l’accumulation que ces paroles prennent leur sens. Mais certaines ne rentrent pas dans ce dispositif car elles sont en elles mêmes déjà réduites.

Mise en scène de souvenirs de lycée : les autres idées.

La dernière classe, avec laquelle on a mis en scène des souvenirs, nous en a cités plusieurs qui nous ont beaucoup fait rire, mais que l’on ne pouvait pas remettre en scène. Florilège.

-On pourrait jeter des cacahuètes  sur une situation qui part en cacahuète

-A la cantine, les autres m’envoient chercher de l’eau et quand je reviens, je n’ai plus que l’os du poulet que j’ avais commencé à manger dans mon assiette. Du coup, je ne bois plus à la cantine.

-Tu te souviens de l’histoire de ce mec avec le fromage ? … Mais c’était toi ! Ah ouais ! Je me souviens. Je m’étais gardé un tartare pour plus tard. Je l’avais mis dans la poche de mon blouson. Je l’avais oublié. Et le soir, la BAC me contrôle sur le quai du RER. Et le mec me palpe longuement au niveau de la poche de blouson. Et puis je me rend compte que ça pue le fromage et que j’en ai partout…

-Il y avait un gars qui portait toujours des chaussettes de foot. Et quand on lui demandait pourquoi, il nous disait : je pensais qu’on avait foot. Mais on n’avait jamais foot ! Et puis il avait une chaussette rouge et blanche sur un pied, et une verte et blanche sur l’autre. Et le lendemain, il avait inversé les couleurs de pieds. On n’a jamais compris.

-On est en cours. La prof se tourne vers le tableau et on se met tous par terre. Elle se retourne et nous voit tous par terre.

Le lycéen photographiant son lycée

« Allons faire une photo de votre lycée. Votre lycée par vos yeux. Qu’est-ce que vous voulez  montrer ? Quel est l’objet, le lieu, le détail qui caractérise, qui représente votre lycée pour vous ? La chose qui vous intrigue ou vous obsède ? » Et hop, en route dans les couloirs, les escaliers, les coins cachés, avec un lycéen ou une lycéenne. Un par un. Chacun nous mène vers le lieu qu’il veut que l’on photographie.

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La machine à café, c’est pour la tranquillité et pour la soif.

La fresque de la cafète, parce que ce grand dessin c’est une bulle, c’est ce qui a dans la tête de celui qui est assis au bureau et qui dessine.

L’horloge, parce que ça ne bouge jamais.

Les télés accrochées au plafond dans les salles de classe. Elles ne sont jamais allumées, elles ne servent à rien.

Le « rainté », c’est un coin où on se pose toujours avec mes potes (c’est comme ça qu’on l’appelle : le Rainté – c’est le terrain).

Le banc mosaïque, dehors, pour se poser au soleil.

Le tableau d’absence des profs, parce j’espère toujours qu’ils ne seront pas là.

Le chauffage, parce que parfois il fait très froid dans le lycée.

L’ascenseur, parce qu’on n’a pas le droit de le prendre, même avec une cheville cassée.

La pelouse pour se poser sur l’herbe, pour s’allonger dans les heures de trou.

Les bancs du bâtiment B, pour les jours où il fait froid.

Le miroir du bâtiment B. À chaque fois que je me sens obligée d’aller me regarder avant de continuer.

La boutique, parce que nous c’est le commerce.

Le « bocal », c’est là où on va pour les retenues et les exclusions.

Le bateau, ça fait trois ans que je suis ici et je ne sais toujours pas à quoi il sert.

Mon stylo 4 couleurs, c’est la seule chose que j’ai toujours avec moi.

Le babyfoot, je suis un geek du baby.

L’alarme de la sonnerie, parce que j’ai toujours envie de casser la vitre.

Le portail pour partir.

Cet arbre, parce que j’aime la végétation.

Un damier, que j’ai réalisé tout seul à l’atelier  – il n’est pas encore fini.

L’établi, parce que c’est là que je passe le plus de temps.

Les vestiaires, parce que c’est là qu’on se retrouve le matin et qu’on se quitte le soir. Et chacun personnalise le sien.

Ce petit coin, c’est la cachette de Perret, on est très peu à la connaître.

Cette bande par terre, juste au pied du portail, c’est  repère des mégots et c’est là que je suis avec mes potes.

Les brouettes, quand c’est de la pause, on les met dehors et on dort dedans.

Un parpaing parce que c’est ce qu’on voit toute la journée.

Cette porte parce qu’elle est toujours fermée et que ça nous oblige à faire le tour et à cause de ça on est toujours en retard.

Cet espace vide, parce qu’avant c’était notre endroit favori, mais c’est fini,  ils ont déplacé les trois bancs qui étaient là.

L’escalier, parce qu’on a souvent cour au troisième étage.

L’accueil de la vie scolaire, parce que j’y suis tout le temps : je suis toujours en retard ou absente.

La porte verte qui est toujours fermée et que ça nous oblige à faire le tour et à cause de ça on est toujours en retard.

Cet espace vide, parce qu’avant c’était notre endroit favori, mais c’est fini,  ils ont déplacé les trois bancs qui étaient là.

L’escalier, parce qu’on a souvent cours  au troisième étage. L’accueil de la vie scolaire, j’y suis tout le temps : je suis toujours en retard ou absente.