La précarité sociale n’oblitère pas la précarité ontologique

Des fois, je me dis que j’aurais pu rester à Ferfay cité 3 au moins quelques années de plus et puis je me dis que ça n’aurait pas été possible. C’était trop tendu avec mes parents. Et que tout compte fait, c’est très bien comme ça. A quelques années près, de toute façon, je n’aurais pas pu éviter la décompensation psychique dont j’ai été victime, sans m’en rendre compte. J’étais bien trop ignorant de ces choses là. C’est toujours une affaire de classes sociales. De psychisme et de classe sociale. J’aurais dû faire deux années de Bourdieu en cours privé (!) avant d’entamer quoique ce soit. De Bourdieu et de Marx. Pour y comprendre quelque chose. Pour savoir où je mettais les pieds. J’aurais été bien préparé. Un peu de Freud là dessus et le tour était joué. J’aurais tout fracassé. J’étais tout fracassé. J’aurais tout analysé avant même de foutre les pieds à l’université. A Lille. Je ne pouvais pas imaginer que ça allait être à ce point déroutant et fou et que je le deviendrais à mon tour. Je ne pouvais plus me regarder dans la glace. C’est pour ça qu’Ivanov, monté par Lacascade, ça m’a tant touché, l’histoire de l’homme de trop et par la suite tout ce que j’ai pu lire de Annie Ernaux ou Didier Eribon.

Devenir ce qu’on est

Attendu une petite heure dans la voiture. Christophe nous a sauvé la mise. Malgré son téléphone qui est tombé dans l’eau et la soude. Il nous a ramené les clefs du bureau. On a eu accès aux disques durs pour le remix de la Veillée sur la Redoute. On a ouvert qu’un volet. Ça n’est pas comme une vraie journée de travail. Juste un détail de la Veillée à modifier. Jérémie avait besoin de retrouver des images dans les archivages. Ça n’est pas facile de s’y retrouver, dans la montagne de tout ce qu’on a filmé, depuis 13 ans  bientôt. On tombe sur des choses qu’on a totalement oubliées ou qu’on n’arrive plus à situer dans le temps. Pour peu, on prendrait une ville pour une autre. On a cependant tout bien stocké depuis le début. Bien rangé. On a tout gardé. C’est précieux. C’est une preuve, des traces. Une manière de formuler le passé. De le jalonner. Remonter d’une Veillée à une autre, c’est remonter dans le temps. Rassembler des fantômes qui nous ont faits ces treize dernières années. C’est remonter aux sources. Et sans relâche se demander pourquoi on a fait ça.

Bashung/Manset

… / Comme un lego avec du sang / Comme un lego avec des dents / Comme un lego avec des mains / Voyez vous tous ces êtres vivants ? / Vêtus d’acier / Vêtus de noir … / Comme un lego mais sans mémoire / Pourquoi ne me réponds tu jamais? / Sous ce manguier de plus de dix mille pages / A voir le monde de si haut / Comme un damier / Comme un légo / Comme un insecte mais sur le dos / Comme un damier / Comme un lego / Comme sur le sable un imputrescible vieux rafiot / C’est un grand terrain de nulle part / Avec de belles poignets d’argent … / La lunette d’un microscope, on regarde dedans / On voit des petites choses qui luisent / Comme dans ces siècles de la longue nuit / Dans le silence ou dans le bruit / Dans le soleil ou dans la nuit / Voyez vous ces êtres vivants ? / Quelqu’un a inventé ce jeu terrible, cruel, captivant, les maisons, les lacs, les continents / Comme un légo avec du sang / Voyez vous tous ces humains ? / Danser ensemble, à se donner la main / S’embrasser dans le noir à cheveux blonds / A ne pas voir demain comment ils seront / Force décuplée des perdants / Car si la terre est ronde et qu’ils s’agrippent / Par delà c’est le vide … / Vêtus d’acier / Vêtus de noir / Comme un lego mais sans mémoire / …

Bookafé à Bruay Labuissière

Maggie monte un projet de BooKafé à Bruay La Buissière. Elle a mis en place un crownfounding. Manquent plus que quelques sous pour arriver à 100% des prévisions. C’est un super projet de rencontres, d’échanges, de discussions, de conférences et de repas et plein de bons trucs et belles trouvailles humaines. Passionnant. Ça se situe dans l’ancien bistrot L’Autrement, pas loin de la piscine Arts Déco. Les dernières possibilité de participer au crownfounding s’arrêtent le 28 déc 2015 . Plus cinq minutes à perdre. L’adresse, http://www.facebook.com/Bookafebruay/photos/a.904864159557365.1073741827.900862323290882/994310897279357/?type=3&theater

RICARDO MONTSERAT GALINDO EN Hommage à Alain Jouffroy

Être-avec, de Alain Jouffroy, grand poète et éditeur, parti hier.

Je n’irai jamais jusqu’au bout de moi,
N’irai jamais jusqu’au bout du monde,
Mais j’y vais !
Idiot, je suis mon propre inconnu,
Ma lucidité est la NUIT
Où j’habite, stupidement, son envers.
Je m’y terre, sans dire merci.
Mais j’erre et fais du bruit
Dans l’universelle cacophonie.
Personne n’existe ? Moi non plus !
J’écris parce que les mots se tuent.
Mais je parle dans ma mort
Comme la foudre dans les nuées.
Je sauve, vivant, le verbe voir.
Personne n’écoute ? Tant mieux !
Personne ne répond ? Mieux encore !
Je suis l’optimiste de la désespérance
Et me moque de tous les yeux !
Dieu ! — Tu le sais, mon vieux =
Le réel, qui te nie,
N’est pas délictueux, mais délicieux.

C’est Jane qui programme tout à Terrasson

On a joué dernièrement à Terrasson, au centre culturel où nous avions joué, il y a plus de vingt ans « On s’aimait trop pour se voir tous les jours ». C’est en arrivant sur le plateau de théâtre que je m’en suis souvenu. On avait joué les murs à nu, je me suis souvenu du mur de pierres. et de la configuration de la salle. Rien n’a changé. C’était à l’occasion d’une tournée de tous les spectacles, dans le Sud-Ouest, de le compagnie ,par l’OHARA, un organisme de diffusion qui travaille sur toute la région de Bordeaux. Agen, Libourne, Terrasson… et cinq ou six autres lieux ont accueilli Ivanov, Chez Panique, Help, On s’aimait trop pour se voir tous les jours. C’était tout à fait exceptionnel. On logeait en partie à Bordeaux et lorsqu’on se retrouvait tous ensemble, on occupait tout un hôtel. Aujourd’hui, c’est Jane qui programme tout à Terrasson.

ça a pris un temps fou pour arriver jusque là (au minimum dix vies)

On a crée le spectacle Si tu me quittes est ce que je peux venir aussi en 1988, à Bruxelles, au théâtre du Botanique. Je me souviens de la critique de J Marie Sourgens de La Voix de Nord, le ballatum-théâtre (aujourd’hui Hvdz) a, comme le théâtre de la Salamandre, dirigé par Gildas Bourdet à l’époque, les dents longues mais porte un dentier. Avec Didier Cousin, Olivier Menu, Danièle Hennebelle, Martine Cendre, Eric Lacascade et Guy Alloucherie. On a joué ce spectacle une petite centaine de fois. Dont un mois à Avignon, dans une salle qui s’appelait le Cheval Fou. Avant nous, le Melchior Théâtre présentait une adaptation de Louve Basse de Denis Roche. Le Melchior Théâtre est installé depuis toujours à Bergerac, ils étaient deux aux commandes, comme au Ballatum. Henri Devier et Gilles Ruhard. Gilles R. est parti au début des années deux mille, à l’époque où le Ballatum se séparait.

La Fracture

Nos entretiens à la MPT de la Martinoire avec les salariés de la Redoute continuent.

Nous appréhendons de mieux en mieux l’évolution de cette entreprise connue, archi-connue « laredouteàroubaix ».

On voit se dessiner très clairement plusieurs temps dans la vie de la Redoute:

-le temps de la « joyeuse famille »:
avant les années 90, malgré la dureté du travail (travail à la chaine, debout toute la journée, marcher dans les allées, porter les gros colis, etc), la Redoute était une bonne boite où les ouvrières aimaient aller travailler: Le défi de ne pas décevoir les clientes, la bonne humeur des collègues, les fêtes de Sainte-Catherine, les pauses cigarettes, la musique toute la journée dans les allées, les responsables « humains » qui comprenaient les problématiques des femmes et qui connaissaient le travail. Les anciennes de La Redoute nous disent: « Oui, on était heureuse au travail ».
Redoute-réconfort / Redoute-amusette / Redoute – famille / Redoute-festive

-les premières déceptions, premier malaise:
Au milieu des années 90, avec les changements de responsables, des hommes-chefs, « les extra-terrestres » nous dit Danielle, qui sont arrivés sans connaitre la manière de travailler de La Redoute. Les cadences ont commencé à changer, les 48H Chrono sont arrivées. Les filles « se bouffaient la tête » désormais nous disent-elles. Premiers licenciements.
Redoute – déception / Redoute – stress mais Redoute quand même…

-le coup de massue, la catastrophe:
2008: plan social et surtout 2013 avec la fameuse journée du « jeudi noir ».
Fatima nous dit que ce jour-là, elle a ressenti une drôle de sensation. Celle d’une perte. Une boule dans le ventre comme quand on perd quelqu’un. Lors de nos entretiens, nous allons essayer de savoir ce qui s’est passé lors de cette journée noire car Fatima nous dit que certains épisodes sont flous, tout cela a été très dur, très moralement touchant.
Depuis cette journée noire, depuis les grèves, depuis tout cela, la Redoute est fracturée. Entre ceux qui sont partis, ceux qui voulaient rester, ceux qui veulent partir mais ne peuvent pas. La considération des responsables pour le petit personnel.
Redoute -deuil…

La Redoute a changé, mais on peut y voir surtout un changement de société.
Aujourd’hui, quel sens donner au travail ? Cette question elle-même est révélatrice d’une
époque, de ses incertitudes, de ses angoisses, de sa marge de liberté.