L’équipe du parking

Hier, lorsqu’on a visité le quartier, Nathalie nous a présenté une bande de copains, qui se donnent souvent rendez-vous au pied des Cévennes, sur le petit parking entre la rue du Marais et la rue Raymond Aubrac.  On avait, d’emblée, parlé un bon moment avec certains d’entre eux.  (Où on peut nous retrouver ? Ici. on est là, sur ce muret, de midi à minuit.)
Ce matin, on est repassées (Zelda et Isabelle) en allant à la Dordogne, on a revu quelques visages de la veille, Reda, Tarik et Mayo entre autres. On a proposé de filmer avec eux des portraits chinois pour une des séquences du film-spectacle (.. Et si votre quartier était un plat, ce serait quoi ? … Et si votre quartier était une chanson, ce serait quoi ?), on a proposé de s’approprier des citations que nous avons avec nous, et les dire devant la caméra, mais ça n’a pas pris. Avec tout ça, on rit, beaucoup, mais personne n’a voulu être filmé.
. Ils nous disaient : « Plus tard, plus tard, on verra… Non, pas moi… Lui, ou lui… »
. Mais lui aussi disait : « Non, pas moi… Lui plutôt. »
. On répondait : « D’accord ! Super ! On reviendra, on est là, toute la semaine, en résidence. Notre QG, c’est dans le collège. Appelez-nous. »
Cette après-midi, Reda, notre rédacteur en chef, nous a rappelées ! À 16h, il y a un message sur le répondeur : « Oui, bonjour… vous êtes passées tout à l’heure près du collège Lucie Aubrac, au quartier, rue de la Ferme, rue du Marais. En fait, c’est parce qu’il y avait des jeunes qui voulaient parler. Si vous pouvez repasser… Vous avez dit que vous repassiez. Mais si vous repassez, ce serait bien. Et donc voilà, quoi. Donc, on vous attend. Merci ! »
Retour sur le parking : on rencontre entre autres Bader, Mourad et Mourad, Anis, Ahmed, Miradi, Louisa, Anafi et Mohamed. On leur raconte ce qu’on fait et d’où on vient, ils nous parlent d’eux. Tarik rape ses compos. Beaucoup sont très créatifs. Les discussions sont riches. C’est déjà la troisième fois qu’on se voit en deux jours. On passe beaucoup de temps, on  parle de la vie, du sens des choses.
Pour ce qui est de filmer… Personne n’est encore convaincu et ça dure. À un moment, un premier se lance… mais ce n’est pas pour ça que ça continue. Pas si facile ! Reda nous aide : il interpelle chacun, au fur et à mesure des allers et venues sur le parking : « Allez viens, tu vas voir c’est bien. » Et parfois : hop ! c’est dans la boîte. Mais en vrai, beaucoup de choses se passent hors caméra. Mais, parfois, oui, c’est d’accord pour qu’on filme des petits moments qui entreront dans film-spectacle : « Le Portrait du quartier du Banc Vert ». Cette après-midi, on n’a pas réussi à filmer Reda, mais en tant qu’assistant, c’était de qualité ! Et puis la semaine n’est pas encore finie !  On se quitte en ce disant à demain.

 

« Dis-lui que tu l’aimes. »

« L’Envol »  (L’Envol Dunkerquois de l’UNAFAM)  est une association d’aide aux aidants qui s’occupent de leur proche atteint d’une maladie psychique. Comprendre ce que vit leur enfant, savoir comment les accompagner au quotidien.
Christine, Josette et Chantal nous ont raconté, chacune, leur histoire, avec leur fils schizophrène. Un moment à la fois tendre et émouvant pour les récits de vie de mères qui font face, souvent seules. « L’Envol » réduit cet isolement. C’est un lieu de partage d’une situation familiale que peu de gens comprennent, parfois par refus, souvent par déni. Ces combats sont le déclencheur même de tout ce qu’est capable de faire un être humain par amour.
Josette exprime : « Que dire quand un enfant souffre ? Dis-lui que tu l’aimes. »

Avance sur ta route (sur le quartier du Banc Vert), elle existe parce que tu marches

Alexandre et Mourad sont tout juste rentrés de leur travail dans le quartier. Ils y ont passé toute la matinée et cette après-midi. Mourad a eu très froid hier dans les rues du Banc Vert à cause des courants d’air et le vent de la mer du nord. Faut savoir que Mourad est avignonnais, qu’il vient d’arriver à Dunkerque et qu’à Avignon, il y fait en ce moment très chaud. Mourad était gelé, ne portant qu’un maigre tee-shirt. Aujourd’hui, à l’inverse, il est cassé par la fatigue et la chaleur, il a passé des heures à n’en plus finir à danser partout dans le quartier. Alexandre a accumulé beaucoup d’images de Mourad qui swingue sur tout le Banc vert. Alexandre dit, « on a beaucoup marché et encore moi, je ne danse pas. Nous sommes connus dans le quartier, depuis toutes nos déambulations depuis hier ». Et n’oublions pas que nous avons été présentés par Rania et Nathalie, les fées du Banc Vert. Qui sont très aimées par les habitants. Alexandre poursuit, « on est allé jusqu’à l’église, l’endroit qu’on appelle Louis XIV où a lieu le fameux marché du jeudi qui est un espace de rassemblement pour les gens d’ici. On a parcouru un bout de la piste cyclable. Mourad a fait des percussions corporelles  au ralenti tandis que les cyclistes passaient à toute vitesse en maillot moulant et coloré ». Il ajoute « au city-stade, des enfants ont suivi Mourad en faisant du step à leur tour. On a revu Abdel et les familles roumaines qu’on a croisées hier. Elles étaient installées au pied de leur appartement. Assises sur des chaises, les dames et leurs enfants prennent le soleil en discutant ». Mourad dit qu’il y a un gros « hic », « c’est qu’on demande aux gens un pass-sanitaire pour pouvoir assister au spectacle du Portrait, samedi 11. Peut-on imaginer le samedi soir jouer dehors ? » En tous cas, dit Alexandre, « les gens sont très sympas et très courtois. Et souriants. On a inventé des nouveaux protocoles, des Pas de Fenêtre et des Pas de Porte avec objet. Les gens pausent devant leur porte avec un objet qu’ils chérissent pour ce qu’il est ou représente ». Mourad est un ami de Ludivine Sagnier. Alexandre est « dégoûté ».

La mixité prolifique

Mourad a dansé autour d’une dame, pour elle toute seule. Alexandre a filmé du haut d’un immeuble de plus de dix étages. Il a pris de la hauteur pour avoir un autre point de vue. Comme on travaille sur la transformation, ça tombe bien. Voir tout le quartier de là-haut, ça permet de mieux se rendre compte du périmètre des choses. De l’évolution, de l’élévation des mentalités. On devrait installer des terrasses sur le toit des immeubles, en faire des terrains pour cultiver toutes les graines que le vent y déposerait. Un chantier d’études pour les gens du quartier et des spécialistes des graines. A Roubaix sur le toit de la Condition Publique poussent des plantes venues d’Asie et d’Australie. Ces graines ont été transportées de toits en toits dans les airs. Grâce au coton. Le coton qui transportait toutes sortes de petites graines, qui ne demandaient qu’à germer, était la matière première qui faisait marcher l’industrie textile omniprésente à Roubaix et Tourcoing jusque dans les années 70-80. On imagine qu’ici à quelques centaines de mètre d’un des plus grands ports industriels d’Europe, à Dunkerque, plein de plantes du bout du monde attendent qu’on s’occupe d’elles sur les toits du quartiers et en particulier ici au Banc Vert. C’est comme ça qu’on recompose des familles de plantes. On voyage, on croise des paysages, des populations. On prend racine ou on continue sur le chemin.

i want to be sedated *

Anecdote. Le tour des clefs. On est revenu pour le repas de midi au collège et on a trouvé porte close. Guy était missionné pour garder les clefs puisqu’il a passé sa matinée à écrire au Q.G, la salle culture du collège. On l’a appelé au téléphone. Il a plaisanté au téléphone (comme d’hab) et puis il est descendu quatre à quatre pour nous ouvrir la grille. Mais il a oublié les clefs dans notre salle. Il s’est retrouvé coincé entre la porte du collège qui s’est refermée toute seule et la grille tandis qu’il nous était impossible de pénétrer dans l’établissement. Faim et soif. On a appelé Mehdi, l’intendant du collège qui nous a sauvés. Il est arrivé en dix minutes à vélo avec un double des clefs.

* »i want to be sedated » est une chanson d’un célèbre groupe punk, Les Ramones.

Promesse de l ‘aube

Dimanche matin.

On splite le groupe des Veilleur.e.s. Deux équipes font du porte à porte dans les immeubles pour récolter des chansons et des citations. Et puis fabrication d’un portrait chinois. Comme on l’a fait aux quatre coins du pays et du monde, la question est de savoir : Si le Banc Vert est un plat cuisiné (est-ce qu’il est forcément végétarien) ? Et ensuite si le Banc Vert est une musique, de quelle musique s’agit-il ? Est-ce qu’il est possible de chanter le Banc Vert ? Est-ce qu’il est possible de rimer le Banc Vert ? D’où vient le nom du Banc Vert ? ( Est ce qu’ Alain Souchon est venu au Banc Vert pour écrire sa chanson quand une femme (du Banc Vert) l’a embrassé (un baiser salé) à Malo ? Qu’est devenue l’Audi de son mari ? ) Et si le Banc Vert était un livre ? Et si le Banc Vert  était un mouvement ? Est-ce que ce serait Extinction-Rebellion ? Et si le Banc-Vert était jumelée avec une ville du bassin minier du Pas-de-Calais ? Est-ce que ce serait Loos en Gohelle ( là où niche Hvdz ) ? Justement, quelles espèces d’oiseaux trouve-t-on au Banc-Vert ? Comment faire en sorte que tout le monde s’investisse sur son quartier ? Si on a une baguette magique, quelle transformation pourrait-on envisager sur le Banc Vert (si c’était nécessaire) ? Comment lutter contre la précarité ? Comment mieux répartir les richesses dans ce pays ? Comme faire pour que l’égalité soit parfaitement et précisément réelle ?

Une autre équipe danse et filme dans les rues du quartier. Sûrement au tunnel ou à la Dordogne et au Limousin.

Tous les binômes sont dans la rue. Tous et toutes proposent des citations parmi des centaines qu’on a glanées au long de nos lectures dont « l’émotion, c’est l’émeute du coeur ».

Tout passe et rien ne s’éfface

Iza, dans le quartier,
C’est Hard, dans la mesure
Où chacun sa merde et dieu pour tous,
Mais bon bref,
Tout passe er rien ne s’efface.
Ici c’est Rude, voir,
Rudimentaire, et
Toute chose vient à point
À qui sait attendre.

Tarik ASD – Quercy – Love.

… Un temps suspendu lors de notre première après-midi dans le quartier du Banc Vert… Dealer de mots…<3

 

« Où on peut me trouver ? Ici. Je suis là de midi à minuit. Je vends des mots. »

Marie D. est sur le Banc Vert

4 septembre 2021, ma première dans les coulisses d’HVDZ. Nous sommes accueillis par Medhi au collège Lucie Aubrac à Dunkerque. Il est beau ce collège, les peintures semblent toutes fraiches, le réfectoire coloré du sol aux chaises et la salle de théâtre avec une vue presque panoramique. Ce sera le Quartier Général de l’équipe d’HVDZ.
Isabelle, Zelda, Martine, Alex, Jean-Louis et Guy sortent leurs instruments de travail : ordinateur, caméra, zoom micro et même une imprimante, sauf Mourad, car lui transporte ses instruments, comme l’escargot sa maison.Après le café, le brief d’Isabelle et de Zelda, on écoute, on se questionne… Il s’agit d’un projet de co-construction du Conseil Local de Santé Mentale avec les habitants du quartier du Banc Vert et du secteur Louis XIV.L’objectif est d’avoir des conversations avec les gens sur les transformations familiales et les changements en général. Ça tombe bien des changements sont prévisibles pour les prochaines décennies et il faudra être résilient, en famille surtout. Qu’en pensez-vous ? Vaste programme, ça tombe bien HVDZ souhaite l’aborder de manière positive et nous laisse nous imaginer utiliser une baguette magique.Après le repas, nous rencontrons Nathalie et Rania, médiatrices du quartier du Banc Vert. Avec un nom pareil, j’appréhende moins la visite du quartier avec ma jambe boiteuse. Je pourrais m’assoir quand j’aurais trop mal sur les bancs verts.
Sandrine Goxe, coordinatrice du CLSM est venue se joindre à nous pour rencontrer les habitants du quartier.
Ces derniers saluent spontanément Nathalie et Rania. Chaque fois, après le « bonjour », elles demandent : « comment va la famille ? la maman ? les enfants ?… ». La famille, c’est important !
Des soeurs d’origine Roumaine, curieuses de notre présence, abordent Rania avec un grand sourire et interrogent notre présence. Nous discutons un petit moment. A la fin de notre tour, des jeunes de 7 à 14 ans nous accueillent et posent face caméra avec un magnifique sourire. Une belle fin  de balade.