Le miroir fait exactement la même chose que moi, c’est un miroir, c’est normal, oui, mais petit à petit, il ne fait plus tout à fait la même chose, il commence à grimacer, à menacer. Je commence à avoir peur. J’ai peur. De plus en plus peur. Quand tout à coup, hop, il se transforme en monstre et sort du miroir. Je hurle, je fuis, je cours vers le fond de la pièce, il me poursuit, il est juste derrière moi. Heureusement, je touche le mur juste à temps, et Jean-Maurice avait dit qu’on arrêtait cet exercice au moment où on touchait le mur. Ouf.
Portraits
monstres sourires
Je suis un monstre. Je vois un monstre.
Aujourd’hui, c’est mercredi. Et on dirait bien que pour beaucoup d’enfants des environs, mercredi, ça veut dire théâtre.
L’Aventure se remplit très vite, entre neuf heure et neuf heure et demie, de plein d’enfants qui, confiés à Jean-Maurice, deviennent au fil des exercices des miroirs, des monstres, des petits enfants peureux, et tout. Travail sur la peur ce matin, je fais peur, j’ai peur.
Je suis un monstre.
Je vois un monstre.
Je suis un monstre qui a peur d’une souris que tient l’enfant qui avait peur du monstre.
Cris stridents.
Grimaces.
Courses effrénées.
Et puis travail en petit groupe sur l’écologie, les animaux qui disparaissent, les déchets, le manque d’eau. Improvisation, création, recherche, partage.
les filles de la Lionderie (et des alentours)
il faut essayer d'être heureux…
On est encore retourné à l’antenne sociale. Quelques unes des filles qu’on avait rencontrées hier soir, au couscous, ont accepté de nous parler un peu du quartier. Elles se retrouvent ici pour plusieurs activités et pour être entre copines et/ou cousines. Elles aimaient le quartier avant qu’il ne change… maintenant, la plupart d’entre elles rêvent de partir, aller à Paris , devenir avocate, ou bien travailler dans l’animation, dans le social.
Ensuite, on leur propose de dire une citation à la caméra :
Il faut essayer d’être heureux, ne serais-ce que pour donner l’exemple !
Martine dans la loge de montage
je vous aime !
Martine est déjà en plein montage. Ça ne fait que deux jours qu’on est à la Lionderie, mais on a déjà rencontré tellement de monde, on a déjà fait beaucoup d’interviews, alors il faut attaquer les montages. Dans une des loges du théâtre de l’aventure, on a aménagé une salle de montage. Sur le mur, il y a écrit, au marqueur, je vous aime ! Sans doute la trace de quelqu’un pour qui le théâtre de l’Aventure a été important… c’est pas étonnant de trouver cette inscription ici, on se dit…
ballon rouge, ballon jaune
Rachida
En début d’après-midi, rendez-vous avec Rachida à l’antenne sociale.
Rachid est là.
Rachida préfère ne pas être filmée. Tant pis tant mieux. On prend un moment, autour d’un café, autour des beignets de Nora, pour papoter, parler de tout et de rien, du quartier, de l’Algérie et du Maroc, de la vie ici, de la famille et des amis.
Rachida raconte la neige, quand elle est arrivée en France, la neige qu’elle voyait pour la première fois, en 1973. Elle arrivait d’Algérie.
Elle raconte que le quartier était tellement vivant, tellement solidaire, convivial, qu’il y avait tellement d’entraide que personne ne voulait partir. Que si les maisons avaient été à vendre, beaucoup de famille n’auraient pas quitté le quartier.
Elle dit on est bien entre nous, copains, familles, voisins, tous solidaires.
Rachida est mariée avec un marocain, Kacem, qui est connu dans le quartier parce qu’il aide pour le mouton, et surtout parce qu’il aime par dessus tout le jardinage, qu’il a un grand potager et des fruitiers, et qu’il donne ses légumes et ses fruits à tout le monde.
– Ils sont beau, tes poireaux !
– Tiens ! prends-en !
Il paraît même que quand la récolte est très abondante, il frappe chez les voisins et les amis du quartier pour faire la distribution.
Ils ont eu six enfants, dont Hassina, qui nous rejoint en cours de route et qui prend part à la conversation. Elle habite à Beaumont mais revient très souvent.
Rachida lit et écrit l’arabe. Elle a appris à ses enfants. Elle dit qu’elle a un pied ici, en France, et un autre au Maghreb. Par exemple pour la langue, mais aussi pour la cuisine.
Elle dit qu’elle aimerait que certaines activités de la maison de quartier reviennent s’installer à l’antenne sociale de la Lionderie : elle aimait surtout l’atelier cuisine, la couture, et l’atelier esthétique.
Et puis Rachid nous raconte que son rêve à lui, ce serait une soirée où toutes les mamans du quartier viendraient manger, et se laisseraient servir.
– Qu’est-ce que vous aimeriez changer dans le quartier ?
– Ce serait bien, une vraie antenne sociale, plus grande et toute neuve.
– Et enlever les arbustes, nettoyer et mettre des poubelles.
– Et des commerces, au moins une petite boulangerie.
C’était un bon moment, qui a finit par durer un bon moment… On se dit qu’on aurait pu faire une permanence à l’antenne sociale, être là, avec ou sans caméra, pendant des jours. Il y a plein de gens qui passent et qui parlent volontiers du quartier, qui s’assoient et se joignent à la discussion. Un bon moment.





