TVAS XVII

Murielle, avec deux L, et Jean-Philippe, avec un seul, sont éducateurs de rue à TVAS. On est mandatés par l’aide sociale à l’enfance, sur un territoire mais pas sur des personnes : porte de Champerret, Asnières, Batignolles, un trottoir de l’avenue de Clichy, la rue Curnonski – voilà pour les limites. Les éducateurs de rue s’adressent aux 11-25 ans, mais on ne se défait pas des relations humaines comme ça, sous prétexte que quelqu’un fête ses 22 ans, alors des fois, ça continue un peu plus longtemps. On connaît tous des vieux jeunes qui reviennent nous voir ! L’État demande de plus en plus de donner des chiffres, de faire des tableaux pour rendre compte du travail. Mais les limites sont floues ! Ici, y’a pas de juge pour enfant qui vous dit Vous allez travailler avec telle ou telle personne. On construit lentement des relations où la confiance est garantie par l’anonymat. Parfois, quelqu’un qu’on a vu pendant tant de temps ne revient plus pendant tant de temps. Est-ce qu’on le comptabilise ? On est en tension, ici, entre le réel et l’administration, entre le réel et le politique. Mais c’est le jeu, c’est le jeu. C’est intéressant.
À TVAS, on accueille un groupe d’enfants après l’école, on fait des actions pour fédérer plusieurs quartiers, plusieurs partenaires, on fait des sorties, on va marcher dans Paris – et vous savez, ça a l’air de rien comme ça, mais marcher, ça n’est pas si simple, surtout avec des jeunes gens. On va au cinéma, au bowling. On va plus loin, aussi, on passe de la ville à la campagne, dans des fermes, dans la Creuse, dans le Jura. Et là-bas, on regarde comment on s’organise, en microsociété. Au fil des années, les gens connaissent le travail de TVAS. Leur confiance repose sur l’histoire de l’association, organisée sur le mode de l’autogestion, jusqu’à il y a trois ans, où ils se sont dotés d’une direction.
Vous savez, dans ce travail, les liens tissés sont fragiles, parce qu’ils sont soumis à la libre adhésion des personnes. Du jour au lendemain, si quelqu’un décide de rompre, de partir, on ne peut rien y faire. Alors pour avancer avec ces gens qu’on va chercher, dans la rue, il faut de la franchise, de la délicatesse, de la remise en question. C’est un ajustement permanent. On travaille avec les familles, aussi, on les oriente pour résoudre certains problèmes, et puis cette année, après trois ans de recherche de financements, on a réussi à mettre en place un atelier sociolinguistique pour les adultes en difficulté de lecture et d’écriture. Dans ce quartier, le tissus social est pauvre. là-bas, à Levallois, il y a des richesses, beaucoup de richesses. Le chantier qui borde la rue est gigantesque. Ici, il y a le périphérique. Et à Curnonsky, on est entre les deux, là, coincés. Les gens disent : on est dans un no man’s land. Sur cette drôle de frontière coincée entre le bruit du boulevard périphérique et le bruit du chantier, les éducateurs de rue travaillent. Vous savez quand on est juste une goutte d’eau, on ne remplit pas un vase, malheureusement, dit Murielle (ça, ça dépend du vase, répond Didier). Jean-Philippe explique qu’il voit son travail comme de la transmission et de la contorsion. Transmission et contorsion entre la rue et les élus, entre les individus et les institutions, entre la colère et la paix sociale, entre la révolte et la loi.

Alexandre Miriel a écrit un article pour le blog

Ce matin, on est allé rue Curonwski. On est allé dans un immeuble pour interviewer, aller voir des personnes, donner des invitations pour la soirée du 22 là où on va se retrouver tous ensemble. On nous a proposé de faire des dessins, j’ai dessiné et écrit sur beaucoup de choses que j’ai vu ce matin.
On était libres et heureusement qu’on avait cette liberté de dessiner et d’écrire sur tout ce qu’on voulait. On a fait tous les étages impairs de l’immeuble.
Il y a des dessins que j’ai donné d’autres que j’ai gardé pour Marie, et j’ai fais le portrait d’Hervé parce qu’il était dans une position qui m’intéressait beaucoup.
Et j’ai écrit sur le dessin une phrase qu’Hervé avait dite.
On a rencontré une des voisines qui est allé voir une pièce de théâtre hier soir, elle avait le programme d’une pièce de théâtre qui s’appelle « Adieu je reste ».
On a fini par interviewer deux jardiniers. Un qui avait des problèmes d’écoute qui s’appelle Michel et l’autre c’est Claude. Ils connaissent bien les chapiteaux, je leur ai posé des questions : « ça fait combien de temps que vous êtes jardinier ? » « Est ce que vous gagnez bien votre vie ? ». Ils nous ont parlé de la soirée à laquelle ils ont participé le « Gigot bitume ». Je leur ai demandé si ils avaient participé à d’autres soirées.

Harvey m’a raconté la matinée du jeudi 13 juin

Je sais pas par où commencer. Quand je suis arrivé ce matin, je me suis égaré, j’ai tourné en rond avant d’arriver ici. Au chapiteau, il y avait une réunion information pour tout le monde, pour dire ce qu’on devait faire aujourd’hui. Moi, je devais faire la veillée. On s’est préparés, puis on est partis dans le même bâtiment qu’hier, celui de Magdalena. On était nombreux, je dirais douze ou même quinze. On a fait des équipes. Y’avait l’équipe de Léa, l’équipe de Guénolé, l’équipe de Maggie et Martine. J’étais dans l’équipe de Léa. On a fait du porte à porte. Le porte à porte, ça veut dire plusieurs choses : on sonne à la porte des gens, pour distribuer de la publicité ou vendre des calendriers. Nous, on a pas fait ça, on a sonné pour poser des questions et filmer les réponses : Votre quartier vous fait penser à quel genre de recette de cuisine ? Ça c’était la première question. La deuxième question, c’était presque la même chose que la première, mais on demandait pour une chanson ou une musique. Si votre quartier était une musique, vous choisiriez quoi ? C’était quand même beaucoup de suspense. Y’avait une dame, la dernière qu’on a vue, elle nous a dit Juliette Gréco, parce que Juliette Gréco chante depuis longtemps, et les immeubles existent aussi depuis longtemps. On a distribué des espèces de tracts dans les étages. C’était agréable de participer, de rencontrer les personnes. Mais il fallait faire quand même attention, quand on était trop, ça terrifiait les gens. Y’en avait qui nous disaient qu’ils avaient pas trop le temps, qu’ils devaient faire du ménage ou d’autres choses. Pour la dernière interview, il y avait un bébé avec ses parents. Il a souri. On était tous contents. Ensuite, on a recroisé l’autre moitié du groupe dans l’escalier, la moitié de Guénolé. Les autres, Didier et Léa, on les avait perdu depuis belle lurette. On a discuté dans le couloir, j’ai trouvé ça un petit peu… comment dire ça… pas très… comment on dit ? Pas très respectueux. Ça dérangeait les gens. On est descendus, on s’est encore séparés, on a fait une autre interview : celle de Michel. Mais comme il avait du mal à parler, quelqu’un d’autre parlait pour lui. Et toi ? Qu’est-ce que tu en as pensé ?

Arythmie

L’arythmie cardiaque est une perturbation du rythme cardiaque : cette manifestation peut être bénigne ou nécessiter un suivi et un traitement adapté. Depuis deux jours, on est en arythmie. Après cette année folle, après Dunkerque et sa veillée des veillées, et Lorgies et Richebourg, on a posé 2 jours, et on est arrivé à Paris. Rencontre sous chapiteau. A Turbulences, on prend le temps, en respectant les horaires, ici tu as le temps de regarder. On s’est surpris à regarder, observer, amadouer, apprivoiser, on s’est surpris à contempler. La veillée est souvent une course de fond, ici en deux jours on a l’impression d’avoir vécu cent histoires. Ce soir, Marie Bouts dit : »tout le monde est calme à Paris, non ? ». On a subit une transformation de notre rythme habituel, et c’est bien ! Aller à la rencontre des Turbulents, puis avec les Turbulents, découvrir le quartier. Ce matin, sortie : le marché à côté des chapiteaux. On est bien vingt, entre la Batucada, les danseurs, les accompagnateurs, les HVDZ, et c’est en sourire que tout se passe. On a joué dans le marché, on l’a traversé de part en part, et c’est monté, petit à petit. D’un coté ça danse,de l’autre ça suit le rythme ! Les Turbulents dansent et jouent pendant deux heures, on ne voit pas le temps passer… on est partie les mains pleines de tracts et on a beau faire les poches de chacun il nous en manque pour finir le marché. Les habitants venaient vers nous, mais qu’est ce que vous faites ? c’est pour quoi la musique? on a été reçu bras ouverts ! On est rentré vers le chapiteau, sourire aux lèvres, et chantonnant, profitant de l’instant…