Les Veillées de Beauport

La première est passée. On attend la seconde avec impatience qui a lieu à 20h, dans une une heure quarante. La première fut comme … une première, avec des petits couacs. Rien de grave, que du stress. On joue ce soir et demain, dimanche à 15h. Le spectacle dure 1H30. Tout le long du spectacle, une personne du cercle des fermières nous fait l’extrême gentillesse de tricoter sur la scène, pendant toute la représentation. Le spectacle est intense. Il fourmille de mille informations sur cet extraordinaire quartier de Beauport. Le tout ponctué de temps de danse, interprétée par Léa, Maryse, Geneviève et Daniel de Code Universel. A près le spectacle les gens sont restés pour discuter. Et partager le pot de l’amitié. Les gens ont aimé cette façon de voir leur ville et d’en parler. Une jeune père qu’on a rencontré dernièrement en porte à porte est venu avec sa fille. Geneviève avait dansé pour lui dans son allée de garage. Il avait dit, ma fille aimerait prendre des cours de danse. Geniève est allée vers eux après le spectacle avec un cahier où elle avait noté, en prévision, des adresses et des contacts, pour apprendre à danser.

Générale

On a répété hier toute la journée, on a calé les danses sur le film, les textes et les musiques. On a découvert le film pour la première fois. C’est un moment magique où tout se rassemble. Pendant la veillée chacun va aux rendez vous, on se raconte les choses, mais on n’a pas, bien sûr, tout vécu. Parfois quand on se raconte nos interviews, on est pressé de voir la personne que l’autre a rencontrée.

Hier on a tout regroupé, tout Beauport, tout le vieux Beauport.

On a vu le film-spectacle en entier. On a enfin pu comprendre pourquoi Martine riait tant au montage des images de la fresque : « l’amour fou », on a été touché comme Marie par Michel (l’artiste peintre) et sa femme, comme Guy on aurait aimé aller tricoter avec les Fermières de Beauport, et compris pourquoi Jérémie aimait tant les images de nuit, les filles qui dansaient la Danse de salon dans l’escalier extérieur d’une maison , avec l’automne qui tombe doucement.

On a expliqué à l’autre, à côté de soi les petites histoires, tu vois, cette dame en pas de porte, celle devant l’escalier au soleil, c’était dimanche, il faisait doux, elle a ouvert la porte, et on a cru qu’elle ne voudrait pas poser, et on a vu son métier à tisser, on lui a dit que l’on était aller chez « les fermières de Beauport » hier, et que l’on avait vu des métiers comme les siens, elle dit qu’on l’avait ratée de peu; tu te rappelles, je l’avais écrit dans le blog, hé bien c’est elle.
On a été émue par cette veillée, par Québec, Beauport, par ce monsieur qui chante les colombes, par Paule Robert-Bertin qui, filmée devant la lampe de salon ressemble à un Caravage. On est impatient ! On attend le public à 15h et 20h ! On espère qu’ils seront nombreux, et on espère aussi qu’ils aimeront, qu’ils s’aimeront.

Au centre de ressources pour femmes de Beauport

C’est la fin des deux semaines, on commence à tout ranger pour aller s’installer demain dans la salle Monseigneur Delaval où on jouera samedi et dimanche. Il y a comme un air de fin, mais pourtant, il reste encore quelques personnes à rencontrer…
Martine et moi partons toutes deux faire cette dernière action. Un peu plus loin sur l’avenue Royale, à côté du Pharmaprix, on pousse la porte du Centre de ressources pour femmes de Beauport. Le centre existe depuis une vingtaine d’années mais il s’est récemment installé dans le locaux. Aline nous explique qu’elles n’ont pas beaucoup de temps car elles sont en pleins préparatifs. Nous, on s’installe et tout naturellement, on se met à discuter ensemble. Claudette explique « Le 6 décembre sera une journée importante pour les femmes ». Funeste anniversaire, c’est ce jour, il y a 25 ans qu’un homme est rentré dans l’école Polytechnique de Montréal et a assassiné plusieurs femmes. Sur les tracts qu’elle découpe, Yolande a écrit « Toutes ces femmes tuées ne pourront plus parler ». Elle découpe le carton, épingle un ruban, elle me le tend et mon ventre se noue. Echange de regards avec Martine, cette rencontre lui évoque le travail qu’elle mène en France avec un groupe de femmes victimes de violence. Elle parle de ces femmes, d’Aimer si fort, toutes sont à l’écoute. Claudette me dit qu’il est difficile de sensibiliser les gens à la violence. Ils savent que cela existe mais il ne veulent pas l’admettre. « Les médias camouflent le vrais problèmes et parlent souvent de drames passionnels ou familiaux.

On discute, les mots s’enchainent et on oublie qu’on a pas le temps. On parle des 1000 femmes autochtones qui ont disparu et personne ne fait rien parce qu’on trouve ça normal, du moins, pas dérangeant. On parle de double violence, de ces femmes battues qui sont souvent très vulnérables et encore moins conscientes du mal qu’elles subissent. On parle du nom de jeune fille que les femmes abandonnent en France. On parle aussi des deux Centres de ressources pour hommes qui existent dans la région, qui on été ouverts par une femme.

Claudette dit « Nos droits, il faut les garder, ne surtout pas les perdre, des femmes ce sont battues pour ça… »

Je regarde ces femmes qui s’activent dans la pièce. Louise et Francine peignent une grande banderole. Claudette, Aline, Lucie, Marie-Joseph, Yolande et Lucille coupent, collent, épinglent. Elles sont belles, leur dynamisme et leur engagement sont communicatifs, on a envie de s’installer et de se mettre à l’ouvrage.

Quand je demande à Claudette pourquoi elle est là, elle me sourit et me prend le bras, comme si la réponse avait toujours été là « Parce que je suis un femme ».