Fin de première partie de Veillée à Loos en Gohelle

De retour d’une manifestation de citations dans les rues de la cité 5. Manifestation de citations et adage sur passage pour piétons. Adage pour une spectatrice, Mme Marthe Varoquier qui nous regardait sur le pas de sa porte. Madame Varoquier nous a demandé la signification de la danse. L’adage est une danse lente et douce . On dit c’est une danse lente et  douce. Cela exprime comme de l’apaisement. Mme Varoquier nous dit pour moi c’est l’expression d’une souffrance et d’un manque.

On a fait des marches sur le passage clouté avec nos pancartes et nos slogans. Il y a en nous ce désir puissant de concilier le mot de Marx « changer le monde » et celui de Rimbaud « changer la vie ». Comme elle est belle la jeunesse- qui s’en va si vite! L’art, c’est ce qui rend la vie plus belle que l’art. Si le monde social m’est supportable, c’est que je peux m’indigner.

Des gens en voiture se sont arrêtés et sont descendus de leur voiture pour nous demander ce qu’on faisait au milieu des rues désertes à manifester comme on se promène. Comme on erre. Sous le soleil, à Loos en Gohelle. Dans la cité5. Comme on dérive. 

 Après on est rentré puisqu’on nous attendait au foyer des personnes âgées.

On se dit que ces dérives pourraient durer plus longtemps. Qu’on devrait prendre plusieurs jours pour une seule action comme celle-ci. Marcher à n’en plus finir. Marcher, c’est créer. Si on était allé un peu plus loin sûrement qu’on aurait rejoint Grenay et puis Bully les Mines et Mazingarbe. Impossible de se perdre puisque les terrils du 11/19 on les voit à des dizaines de kilomètres à la ronde. Pas la nuit. La nuit c’est le terril de Noeux les Mines qu’on voit. C’est la piste de ski du terril de Noeux les Mines qu’ils éclairent dans la nuit que l’on voit de loin.

Mais on s’est perdu en quittant la cité 5 l’autre soir après la journée de Veillée. Faut dire que ça ennivre  et on a tourné un peu avant de retrouver son chemin. C’est pas si mal parfois de se perdre. C’est pas la première fois. On est passé  devant la grande usine chimique de Mazingarbe avec ses centaines de lumières blanches.

Rien n’est si loin, au fond. Loos en Gohelle, St Nazaire, Wingles, Tremblay, Calais… Wingles, c’est plus proche tout de même. En terme de distance.  On est retourné plusieurs fois à Wingles sur les lieux de notre ancienne Veillée, Place Centrale, rue de Coupignies et cité des Provinces. Avec Didier on  avait voulu interwiever une dame qui tient un commerce de chocolat. La dame n’a pas voulu qu’on la filme mais elle nous a offert deux énormes gâteaux au chocolat. Elle avait fait du théâtre amateur avec Culture Commune. 

On se disait que ce serait bien de prolonger d’une manière ou d’une autre ce qu’on a démarré pendant une Veillée. On a imaginé qu’on serait en état de Veillée permanent. C’est peut-être ça que ça veut dire, être un artiste (J’ai bien du mal avec ce mot là). Un Veilleur, on va dire. Travailler sur le lien art, publics et populations. Faire de la poïélitique. 

On est installé depuis des années à Loos en Gohelle dont on parle tant sur nos tournées et on connaissait si peu la cité 5.   

Vendredi midi

C’est le dernier jour de présence à la salle Dubois. En mai on s’installera dans le centre ville ou Loos village, si t’aimes mieux. C’était une bonne idée de rester là sur la cité 5 pendant une semaine. Y a plein de gens qu’on aurait pas vus si on s’était installé tout de suite dans le centre. On y reviendra au 5 évidemment. Maintenant c’est obligé…

Bruant des Roseaux

Sur le terril, il y avait trois hommes aux bottes en caoutchouc.  Ils posaient des filets dans les roseaux (oui, il y a des roseaux là haut), pour capturer, puis baguer, puis libérer, puis suivre un bruant-des-roseaux.

Montrer qu’un ancien site industriel peut aussi être un site d’intérêt écologique. Un terril sur le chemin d’une migration. Il y a aussi des crapauds rares ici.

On parle des terrils. c’est un lieu d’histoire humaine, un lieu de mémoire, un lieu de vie sauvage, un lieu de promenade, un lieu de pédagogie, un paysage… La « chaine des terrils », implantée au 11/19, a beaucoup de raisons de défendre et se battre pour ce patrimoine là.

Je vais moi aussi inventer un personnage de Loos :

il s’appelle Bruant des Roseaux. Il passe à Loos de temps en temps, en hiver. Il est de passage mais c’est un endroit qu’il aime. Alors il revient. Bruant des roseaux est un voyageur, qui passe du sud de la France au Danemark, du Maroc à la Suède… Il ne rate pas un petit arrêt à Loos, sur le terril. Il y fait chaud et sec. Un climat d’Afrique du nord, à cause du fait que ça brûle encore, en dessous. La terre chauffe.  Il arrive que quand il passe une nuit à Loos, on lui offre des bijoux. On lui passe la bague au doigt.  Mais ça ne l’empêche pas de repartir.

les courageux

Hier, on est monté sur les terrils.

On a encore fait un « cherchez les artistes ». Les tout petits artistes dans l’immense paysage.

Fred et Mat sont montés sur un terril. Camille et Dorothée sur l’autre. Jérémie est parti au loin pour filmer.

Fred a une veste rouge. On dirait Haroun Tazief sur un volcan. C’est lunaire.

Il y a un petit vent glacial qui donne une fatigue comme à la montagne ou à la mer.

Puis Camille et Dorothée sont descendues puis remontées sur l’autre. Les courageux. Ils font l’adage dans le ciel.

Pendant ce temps sont passés : une classe d’enfants qui étudiaient le paysage, Trois hommes à bottes en caoutchouc qui étudiaient les oiseaux, deux VTTistes et quelques promeneurs. Il y a de la vie sur les terrils.

D’en haut, on voit d’autres terrils. 50km à la ronde. Il parait qu’on voit la Belgique.

C'est Didier…

Pour rajouter à ce qu’on a dit à l’article précédent. Pour dire vraiment ce qui s’est passé. C’est Didier qui en plein dérushage a bondi de sa chaise pour aller voir les jeunes qui étaient devant notre local (à la salle Dubois de la cité 5) et leur dire si vous voulez on fait du théâtre. Et dix minutes après tout le monde est installé dans la salle et Martine filme et chacun donne la réplique à Didier. (Qui c’est qui y a dit que l’art c’était pas accessible ou je ne sais quoi, c’est bien parce que ça arrange les dominants ça consciemment ou inconsciemment, non le problème est pas là comme diraient ceux qui croient plus à l’éducation populaire par la libération populaire ou la libération populaire par l’éducation populaire). Tandis que les autres parcourent la ville, en dansant, à l’affut des images, des spots qui vont illuminer Loos en Gohelle (elle sont belles les montagnes qui ont poussé par ici) et que je reste vissé à mon blog.

Godot

Je me sens une âme à aimer toute la terre, nous disait cette dame tout à l’heure qu’on a rencontrée sur la route de Grenay. Elle sortait de la maison de quartier de la cité Belgique. On l’avait vue à midi à la cantine du collège René Cassin. On lui a demandé de nous dire une citation comme on le fait à chaque fois qu’on rencontre quelqu’un après un bout de conversation filmée. Elle a dit La vérité est tellement aimée que même ceux qui disent des mensonges veulent que ce soit la vérité. Ensuite on lui a demandé de bien vouloir nous raconter une histoire inventée, l’histoire d’une personne qui habiterait le quartier. Elle a raconté l’histoire de quelqu’un qui viendrait du centre de la France et qui aurait décidé de s’installer dans le Pas de Calais. Quelqu’un qui serait très engagée politiquement. Elle a dit que c’est ici que ça se passe. Qu’ici dans le Pas de Calais c’est un vrai foyer de concentrations d’idées d’avant garde. Et que c’est pas par hasard si elle est venue vivre à Loos en Gohelle….

Et puis on est revenu à la salle Dubois et des jeunes nous attendaient et Didier a décidé de faire du Godot avec eux. Tous les jeunes sont entrés dans la salle et ont interprété Beckett. On les a filmés et ils nous ont assurés qu’ils viendraient à la Veillée…

Les acrobates et les danseurs dansent devant la mairie, face à une brasserie. Alex les a rejoints. Jérémie voulait des plans avec les danseurs dans la ville à la nuit tombée.