La langage des vignes

DYLAN : C’est à 18 ans qu’on voit comment elle est la vie. C’est là qu’on se dit qu’il faut un travail, de l’argent, qu’il faut être indépendant. J’ai 20 ans dans quelques mois , je vais faire une de ces fêtes, je ne sais même pas si je vais m’en souvenir. Je ne suis pas mature à 100% mais la maturité est arrivée à 18 ans. Je regrette de pas avoir de diplôme. J’ai arrêté l’école à 15 ans . J’ai fait une formation mais j’ai du arrêter parce que j’étais pas assez fort en maths. Faut dire que les maths, ça m’énerve. C’est pas quelqu’un qui a rien fait de sa vie qui va réussir en maths. Il faut avoir été un minimum à l’école. J’ai pas envie de perdre mon temps. Je suis prêt à tout même trouver un travail de nuit. Je veux faire un métier manuel.

J’ai voulu travailler dans les vignes mais tailler les vignes, c’est très difficile.

Faut couper en biais et surtout il faut comprendre le langage des vignes.

Ce qui ne sert à rien sert à tout

Le matin avant de commencer la journée, on fait un training.
Tout le monde ne participe pas toujours.
C’est que ça va nous chercher dans des endroits où on a pas l’habitude d’aller : se regarder dans les yeux à dix centimètres de distance, se laisser tomber dans les bras des autres, porter quelqu’un qu’on ne connaît pas forcément très bien, fabriquer très vite, à plusieurs, des cercles parfaits, des triangles ou des rectangles.
Vous avez souvent l’occasion, vous, dans la vie, de regarder quelqu’un à dix centimètres, dans les yeux, sans qu’il y ait entre vous de rapport amoureux?

Qu’est ce qu’on apprend ?
On y inverse parfois le rapport homme femme. C’est pas toujours celui qu’on croit qui est le plus fort. On débranche nos cerveaux pour agir très vite, en entente et en confiance. On s’organise avec les autres comme un grand corps, avec pour seule urgence la fluidité du mouvement  et l’invention de rapports un peu différents.

Je trouve qu’il faut pas mal de courage pour arriver là, moi, en tout cas, ça m’a pris très longtemps avant d’oser faire confiance aux autres comme ça.
Mais quand on y est, c’est un vrai plaisir.

Dans un exercice tout simple comme ça, on peut sûrement ajouter des tas de compétences à son CV sur pôle emploi.

La vie c’est au jour le jour

BRANDON
On s’est dit qu’on parlerait de frontière,
Celle entre Valenciennes et la Belgique, par exemple.
La frontière c’est quoi ?
On a jeté des mots comme ça :
C’est une séparation
Entre des pays
Entre deux villes
C’est un barrage, un monument, un barbelé, un grillage, mais avec un accord on peut casser un mur on peut ouvrir les frontières.
Finalement la frontière c’est l’autorité pour empêcher l’autre de passer, empêcher l’autre d’être ailleurs.

Et notre frontière à nous ?
Pour nous c’est un truc qui nous bloque
C’est la nôtre, nos frontières à nous.

KEVIN
Par exemple moi je veux pas être filmé
Je veux pas laisser de trace
Mais ça m’empêche pas de parler aux autres.
A l’école c’était pas ma place,
J’avais l’impression d’être trop grand dans ma tête, même si on avait tous le même âge.
Du coup je poussais mes profs à bout,
J’ai fait 8 collèges.
Je regrette l’école mais j’ai vécu de belles choses.
Aujourd’hui je suis dans la merde j’ai pas de diplôme.
J’ai envie de travailler pour gagner ma vie,
Y’a l’interim c’est pas stable. Tu vis au jour le jour.
Ce que je veux c’est trouver un apprentissage en usinage ou chaudronnerie.
« le boulot on sait pas où il est, on dirait qu’il vit pas dans le même pays que nous «

BRANDON
Je voulais pas aller à l’école mais j’y suis allé quand même.
Ça me plaisait pas mais j’écoutais.
Je devais passer un bac pro mais je me suis arrêté en seconde.
Un jour j’en pouvais plus,  j’ai passé la grille, la frontière du lycée.
J’ai fait des stages en mécanique-auto , chaudronnerie, boucherie et là je veux faire un apprentissage en … n’importe je suis polyvalent.
Mon but c’est quoi … gagner ma  vie.
La vie, elle est de plus en plus dur faut payer partout, pour tout.
La vie c’est au jour le jour.

KEVIN
J’aimerais écrire un livre sur la jeunesse.
Ça pourrait commencer par … je suis passé de foyer en foyer. J’ai vu et rencontré tellement de jeunes, je parlerais de toutes ces personnalités, comme une galerie de portraits.

Parcours, cours toujours

Aujourd’hui, Lundi on se retrouve après deux jours de relâche Samedi et Dimanche. La semaine dernière on a passé 5 jours ensemble : Lundi, Mardi, Mercredi, jeudi, vendredi – on a encore 3 jours de tournages divers, d’écriture et de tentatives  puis jeudi  jour de répétition et Vendredi on fait une première mouture du film-spectacle. 10 jours : Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, vendredi et  Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, vendredi  – 10 jours de la semaine à se rencontrer, se parler, s’écouter, se proposer, s’opposer, se confronter, tenter d’expérimenter, de se surprendre ou de pas se comprendre, de se présenter, de se faire le portrait, et à la fin de la semaine… On fait des empreintes des uns et des autres pour s’échauffer, c’est dans l’air puis on part en parcours. Le parcours c’est « là tu vois cette rambarde, on pourrait y faire quelque chose, ou les tuteurs des arbres passer entre ou au dessus, et puis grimper, sauter ». On tente  sur un pont des traversées, trois étages, deux caméras, on croise, on se croise. Même chose pour le skate et le jongle, on danse tous, on passe, on circule, on croise, on se croise, parcours, cours toujours, on s’accroche au bord du cadre, on se bouge dans le paysage, dans le paysage comme à la maison.

Extrait d’atelier d’écriture

« Si je devais parler d’un bosseur, je pense à quelqu’un qui a 20 ans et il travaille depuis ces 14 ans, il travaille dans la charpente métallique, en déplacement ; il fait tout il vient de faire un crédit pour une maison et il bosse le week-end pour les travaux. Je lui tire mon chapeau, c’est un exemple pour moi. Moi je pense à ma mère elle a été dans les vignes, infirmière puis secrétaire, assistante dentaire – elle m’a payé une école, on la voyait pas beaucoup elle allait entre le grand hôtel et la boite à Denain. Elle m’a toujours fait passer avant. Moi c’est mon père parce qu’il travaille et après il s’occupe de mes frères et sœurs on est 7 enfants et il y en a un qui va arriver bientôt. Il fait la femme et l’homme en même temps. En ce moment il est en formation et passe un diplôme en pâtisserie. »

« Travail

La maille ne fait pas le bonheur

Le bonheur à la bonne heure mais je ne sais toujours pas quand

Quand est-ce que j’ai fini

Finis le travail tu seras payé.

Choisis un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. »