On continue à mettre plein d’actions en place. Cette semaine c’est la préparation ininterrompue des Portraits et Veillées de Hinges, Locon, Hénin Beaumont et Fresnicourt et Rebreuve Ranchicourt. Tout ça nous emmène sans discontinuer jusqu’à la mi juillet dont on dit que ce sera un mois très chaud. Pas le temps d’aller à Avignon cet été. Même pour se promener. Avignon est une très jolie ville. Très fréquentée. Surtout au mois de juillet. Rien à voir avec Lens. Lens est plus désert en juillet. Même si le centre ville attire tous les jours beaucoup de monde. Je suis passé à pied le long du chantier du Louvre. Certains bâtiments ont pris forme. L’ouverture est prévue en décembre 2012. On a souvent joué à Avignon. Pour le festival. Je me souviens quand on y est allé la dernière fois. C’était avec la compagnie Hors Série et Hamid Ben Mahi et Hassan Razak. C’était en 2006. On a joué Faut qu’on parle à la Chapelle des Pénitents Blancs. En plein centre. En plein midi. J’en avais parlé à mon dentiste qui était à l’époque à Loos en Gohelle (j’ai changé depuis) et qui m’a dit: ça devient sérieux alors votre théâtre. Jamais trop tard. Samedi, je suis allé à une réunion d’anciens élèves du lycée d’Auchel, entre Marles les Mines et Cauchy à la Tour. Etrange sensation d’être à l’intérieur d’une installation de Boltanski. L’artiste, pas le sociologue. Ou peut être les deux.
Carnets de route
p. mourrat
On a trouvé ce texte dans la lettre d’infos d ‘Educ Pop. Histoire de tempérer nos ardeurs scoplepavé.org (scop d’éducation populaire radicale et de transformation sociale radicale) à qui on voue un culte déraisonné. Hier on a appris que le lycée de Lillers dans le Pas de Calais est le plus grand du département et que le magnifique lycée d’ Auchel pourrait disparaître. Quelle folie! Ce lycée où j’allais avec ma mobylette orange avec un siège biplace, des clignotants et un feu stop.
Dans « La Trêve » Primo Levi nous raconte que, juste après avoir été libéré de l’enfer d’Auschwitz, il attendait avec d’autres survivants la fin de la guerre dans un camp aménagé par l’armée rouge. Quand la nouvelle de la victoire complète sur l’Allemagne nazie arriva, l’exaltation fut, on s’en doute, intense. A la surprise des ex-détenus, les officiers et sous-officiers russes s’isolèrent plusieurs jours pour préparer une « célébration » digne de l’événement.
Ils ont pendant ce temps concocté un cadeau pour leurs hôtes involontaires, un cadeau à la hauteur du bonheur partagé au regard de l’incommensurable souffrance endurée. Et ce cadeau, c’était un spectacle. Ils avaient réunis tout ce qu’ils avaient trouvé entre eux de savoir-faire, de talents, de souvenirs pour offrir des chansons, des scènes, des contes, des pantomimes, des morceaux de musique. De la générosité de ce moment Primo Levi gardera un souvenir irremplaçable de don, de communion, de partage par lesquels l’engagement des corps, des imaginaires et des personnalités étaient sublimation, à la fois sensation forte et symbole suprême …
Ce souvenir de Primo Levi nous raconte quelque chose d’essentiel sur ce qui s’opère dans l’acte artistique : le partage du sensible, l’expression d’un sens au-delà de la simple raison. C’est à dessein que je n’ai pas choisi l’exemple d’une œuvre avec un grand O, mais plutôt une expérience à la limite de ce que nos frontières sémantiques acceptent comme artistique. Non pas que je ne crois aux vertus des grandes œuvres, bien au contraire, mais pour donner à percevoir l’importance que peuvent revêtir aussi l’acte, l’instant et la charge intentionnelle de cet acte, presque indépendamment de la production générée.
Notre besoin d’art ne peut être qu’en partie rassasié par la fréquentation des grandes œuvres. Cette fréquentation n’est pas à minimiser, elle nous ouvre des perspectives dont nos imaginaires ont grand besoin, surtout dans un monde où l’on nous répète à l’envi que la réalité c’est comme ça, qu’il faut l’accepter comme ça, s’y résoudre comme ça ; un monde fini en quelque sorte… La grandeur d’une œuvre se mesure peut-être, justement, à l’écart poétique qu’elle nous autorise dans notre perception du monde, à sa capacité à nous ouvrir de nouveaux espaces de liberté dans notre rapport au réel.
On pourrait à grands traits ramener ces deux relations au phénomène artistique, aux termes d’un débat démocratisation culturelle (par la fréquentation des grandes œuvres) / démocratie culturelle (par l’acte artistique partagé). Cela serait sans doute un peu simplificateur et réducteur, mais ne constituerait pas à mes yeux un contresens. Dans le même élan, on pourrait transposer à un débat voisin : celui de la place de l’art dans l’enseignement scolaire… cette tarte à la crème, cet éternel rendez-vous manqué !
En effet, le nouveau clivage qui semble regrettablement s’imposer n’est pas loin de là, entre histoire de l’art et pratique artistique. Il ne faut pas être grand clerc pour pressentir l’impasse. Ce n’est pas l’objet de ce modeste article d’analyser les soubassements idéologiques de cette tendance à tout ramener à des oppositions en partie factices : démocratisation culturelle versus démocratie culturelle, cours d’histoire de l’art versus atelier de pratique artistique, consommatoire versus participatif. Nos convictions en faveur des valeurs de participation et de coopération ne doivent pas nous laisser entraîner dans de faux dilemmes manichéens et vains.
La bagarre pour la place du participatif en pédagogie comme en culture, et finalement comme en citoyenneté, relève d’une vision dynamique du monde. C’est cette vision qui refuse, par exemple, que l’on fasse de l’histoire de France le sujet d’un musée, mais plutôt celui d’une découverte permanente, jamais figée, toujours discutée. Les musées d’art d’ailleurs ont le plus souvent intégré cette vision en proposant de plus en plus des modes participatifs et/ou interactifs d’approche de leurs collections.
Cependant, s’il s’agit de ne pas accepter les oppositions stériles de ce qui peut être richement complémentaire, cela n’a rien à voir avec la tiède approbation d’un « tout est dans tout », ou l’apologie d’un « juste milieu ». Si je reviens à l’exemple emprunté à Primo Levi, l’auteur lui-même en parle en prenant clairement parti : « Le spectacle nous avait intimement satisfaits ; il avait été improvisé en quelques jours et on le voyait ; c’était un spectacle à la bonne franquette, sans prétention, puritain, souvent puéril. Mais il laissait supposer quelque chose de non improvisé, d’antique et de robuste : une juvénile, congénitale et intense capacité de joie et d’expression, une familiarité amicale et affectueuse avec la scène et avec le public, très éloignée de la vaine exhibition et de l’abstraction cérébrale, de la convention et de la paresseuse répétition de modèles. »
Dans le prolongement de ce qu’exprime Primo Levi, je pense que cette consubstantialité du sens et des sens, du sémantique et du sensible, du symbolique et du sensuel que seul l’art peut nous offrir, est bien aussi affaire d’exigence ; elle exclut autant le spectaculaire dépourvu de sens, que le concept intellectuel isolé du vécu, que le conformisme et l’imitation. Les mêmes exclusions seraient aussi au rendez-vous si nous tentions de définir ce qu’est une grande œuvre. Il n’y a donc pas à opposer ces deux voies d’accès à plus de liberté, plus d’humanité, plus de possibles, avec ce qu’elles comportent de risque de déstabilisation…
Philippe Mourrat est Directeur Général de la Maison des Métallos à Paris, ancien responsable des Rencontres de la Villette, administrateur de compagnie et directeur de MJC.
au QG du CFA de Marcq en Baroeul
z
C’est difficile de ne pas rentrer dans les détails. De ce qui va et de ce qui ne va pas. Entre dire trop ou pas (z) assez. Faudrait que Zorro vienne à la compagnie ou Antigone. Donner un coup de main. Hier je suis allé à Paris pour du travail (une mise en scène que je ne pourrai pas faire parce que je manque de temps). Je suis parti très tôt et en revenant par Arras, je suis passé par la compagnie. J’en suis ressorti très tard. On va manquer d’un administrateur. Je vais vite me former. Il n’est jamais trop tard. Je vais me plonger dans les chiffres. Comme à l’époque du Ballatum. Je faisais des plans de trésorerie au crayon à papier et on allait voir le banquier à Lille. Monsieur Mauriaucourt à la BCCM. Mais les choses ont bien changé. Il faudra aussi que je m’investisse dans l’informatique et le droit du travail. Je vais devoir passer beaucoup plus de temps au bureau. Peut être de manière transitoire mais on ne peut pas se passer d’administrateur. Au boulot!
blood pression
Un jour après l’autre. Au bureau ça bosse fort sur la préparation de nos actions à Hinges, Locon et Hénin Beaumont. Le groupe Porte 27 est à la Base 11/19. Ils ont passé une semaine à Norrent Fontes. Hier on a fait une conférence de presse à Hinges. Il y avait du monde dans la petite mairie d’Hinges. Je suis arrivé trente minutes en avance. J’ai cru que je m’étais trompé d’endroit. J’ai débarrassé des vieilles fringues de ma voiture dans une benne et j’ai écouté un peu de musique pour attendre. Kills de Blood Pression. Particulièrement le numéro 7. Je me souviens à Hazebrouck lorsqu’on projetait pour la première fois pendant une Veillée les vidéos des lycéens sur les murs de la ville à la nuit tombante et qu’on cherchait un morceau de musique. Didier était allé dans sa voiture et il avait ramené un CD de Cat Power, Greatest Hits. Il a dit, j’écoute ça en boucle depuis des jours. On a mis la musique sur les images. A la sortie du lycée des Flandres à Hazebrouck des centaines de jeunes gens se sont regroupés pour regarder les images sous une pluie fine. Camille a dansé. C’était en fin de journée. A la fin des cours. On est resté jusqu’au départ de tous les bus qui ramenaient les lycéens chez eux. On a remis ça le lendemain soir à la gare d’Hazebrouck. Ces vidéos sur les murs, Hazebrouck, une nouvelle histoire. Une autre Veillée, une nouvelle histoire à chaque Veillée. On réalise des Veillées depuis huit ans. On a démarré ce projet quelques semaines après la mort de Kader.
Avignon 2001
éric chevance
A l’époque on était très proche, l’équipe d’Eric Dasilva, de W. Znorko et d’Henri Devier. On se retrouvait souvent dans les mêmes festivals. E. Dasilva avait fait une magnifique adaptation de Titus Andronicus de Shakespeare. Henri Devier dirige aujourd’hui un théâtre à Bergerac. La Gare Mondiale. Qui fait partie du réseau AutresParts Artfactories. Znorko a ouvert un théâtre à Marseille, La Gare Franche. Tous ces lieux accueillent des artistes en résidence. Des artistes dont la démarche est dans le rapport aux populations. Dont les créations intègrent la participation des publics. A Bordeaux deux autres lieux participent des mêmes idées. Le Globe Théâtre et le TNT, une ancienne manufacture de chaussures. Eric Chevance qui dirige le TNT vient de jeter l’éponge. Après quinze ans de travail exemplaire avec des artistes de tous horizons et les habitants. Lâché par la mairie et la direction régionale des affaires culturelles, Eric Chevance décide de s’en aller. Epuisé d’avoir passé ces dernières années à tenter de négocier la survie du TNT avec des gens qui n’en veulent pas. Au mépris de tout ce qui a été fait au TNT. Tenté, expérimenté, fabriqué en concertation, en collaboration avec le habitants. Je me souviens d’une visite d’un ministre au TNT qui promettait à Eric Chevance et à toutes les équipes d’AutresPArts et ARtfactories le soutien de l’état et parlait de l’intérêt sociologique et artistique des lieux inscrits au coeur des cités, avant garde des formes nouvelles et des relations aux publics…
issue (3)
Rien n’est jamais simple. On croit que ça va de soi. Et puis non, tout est compliqué. La vie est compliquée. On va aller marcher quelques jours; ça ne résoudra rien mais on prendra l’air. Est ce qu’une compagnie de spectacle vivant sans lieu véritable peut durer éternellement? Pourtant il le faut bien. On a du pain sur la planche. Et des envies. Des désirs. Hier avec Anne Charlotte qui fait un stage à la compagnie depuis quelques mois on a parlé de la nécessité pour notre équipe de questionner son fonctionnement. On a parlé de notre rencontre avec le Pavé, la SCOP le pavé. Le stage qu’on a fait en début de saison et qui posait bien les limites du fonctionnement de la compagnie. L’envie forte d’avoir une réflexion politique sur nos interventions artistiques et notre manière d’être à l’intérieur et à l’extérieur du groupe. On avait d’ailleurs demandé à chacun quelle était sa compagnie idéale. Pour le Pavé, une compagnie de théâtre est forcément dirigé par un metteur en scène dictateur. On a dit pourtant que dans la compagnie on parlait tout le temps de collectif etc. Si la démarche artistique n’est que l’idée d’une personne pour laquelle travaille le reste de l’équipe, il n’y a bien sûr pas de collectif. L’idée du metteur en scène dictateur est insupportable. Mais est ce qu’on peut demander à tout le monde le même investissement? Après le stage, on voulait faire de la compagnie une SCOP. Souvent on s’interroge sur ce qui sépare la vie privée et la vie professionnelle. Et les envies de chacun. Question de choix? Ou de moment? Faut pouvoir changer! Et qu’est ce qu’on veut d’autre, si ce n’est le bonheur de chacun…
Brumeux
issue (2)
Les aléas de l’informatique. On était deux à corriger en même temps l’article qu’on a écrit hier matin. Le logiciel a pas aimé. Et au résultat on s’est retrouvé avec plus rien. L’article a disparu. On parlait de Pina, le film, qu’on avait trouvé plutôt triste. Du conseil d’administration d’hier soir. Des portraits de villages d’Hinges et Locon qui démarrent la semaine prochaine. De la compagnie Porte 27 qu’on accompagne dans le travail qu’elle fait avec les réfugiés de Norrent Fontes. Norrent Fontes qui n’est qu’à dix kilomètres de Ferfay. Comme Angres est à dix kilomètres de Loos en Gohelle. On parlait de la maquette de spectacle que va réaliser la compagnie Porte 27 et des trois jours de travail qu’on va faire avec eux. A la Fabrique du 11/19. On s’en réjouit. Une maquette qui serait vue par d’hypothétiques producteurs et diffuseurs. On disait qu’on était jugé en permanence quand on fait du spectacle. Mais qu’avec les Veillées ou les Portraits de villages ou les Instantanés, on y échappait un peu. Au procès kafkaïen permanent. Par delà le c’est bien ou c’est pas bien. Les spectateurs sont la raison d’être et la matière des Veillées. Alors ça demande de formuler différemment son jugement. Mais sur les Veillées, les spectateurs qui ne sont pas du village ou du quartier ou de l’école où on fabrique le film spectacle des Veillées, où on a été en résidence pendant des jours et des jours peuvent se sentir en dehors du jeu. L’autre fois à Maisnil (62), on a eu quelqu’un qui est venu de Valence(30). Hier, le conseil d’administration s’est bien passé. Es wird etwas geshehen. Un peu Kafka tout de même. On a fini dans un bar. En face de la gare de Lens. Avant il y avait une baraque à frites, devant ce bar. Lens Frites. Et un magasin de légumes, le bio gardin.



