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parle-t-il en solitaire au nom des multitudes ?

Hier soir. Conférence/rencontre à l’atelier électrique. Discussion entre P. Bouchain et G. Alloucherie.
Habiter la culture. La culture d’habiter. Vivre quelque part comme participer d’une culture. La culture d’un lieu, les cultures des lieux.
Qu’est-ce que raconte la présence d’un artiste dans un quartier ? Où se fait le croisement ? L’artiste est-il un médiateur ? un interprète ? Un usurpateur ?
On repense ce matin à cette très longue série de questions qu’avait édité Jean-Michel Potiron. Questions que l’on utilise souvent, que l’on pose, se pose et repose, que l’on affectionne tant. Extraits :
La finalité de l’artiste consiste-t-elle à redresser le tort des hommes ? L’artiste est-il un propagateur de morale et de lumière ? Milite-t-il en faveur du progrès de l’humanité ? (…) Parle-il en solitaire au nom des multitudes ? Compatit-il aux misères du monde ? S’exprime-t-il en faveur des opprimés ? Sa pelisse revêt-elle, tour à tour, les allures de la blouse de l’instituteur, de la trousse du chirurgien, de la robe du juge, de la cape du justicier, de la vareuse du travailleur social, de la soutane du prêtre et de la toge du philanthrope ? Rend-il justice à la vérité ? Saisit-il tour à tour l’arc et l’épée ?
Est-il homme en colère ? Est-il contestataire, corsaire ou révolutionnaire ? Est-il inexorable ? Prend-il le maquis ?
Jaillit-il des barricades ? Met-il sa vie en jeu ? S’anime-t-il d’une urgence irréfragable ? Déchoit-il en s’attaquant à un mobile temporel ? Risque-t-il l’anéantissement en s’appliquant à un motif passager ? Travaille-t-il à la mise en vigueur d’idées prosaïques ? Est-il homme uniquement replié sur les composantes de son art ? Son interlocuteur est-il l’homme de pouvoir ? L’artiste est-il un coopérateur politique ? Se lotit-t-il de grilles de lecture et de systèmes ? Prêche-t-il des convictions et des doctrines ? Ses œuvres inoculent-elles le désir de transformer le monde ou flottent-elles, autonomes, loin de toutes tensions avec la collectivité ?

la pierre angulaire

Madame Parent est une combattante infatigable. Rien qu’hier, on a entendu parler d’elle cent fois, alors on est passé la voir aujourd’hui, la rencontrer. Madame Parent est connue dans le quartier, surtout parce qu’elle est présidente de l’association Rase pas mon quartier qui, depuis une dizaine d’années, se bat pour la défense de la rue Stephenson et de la rue de la Tossée. Faut dire que sans eux, il ne resterait sans doute aucune des anciennes maisons. Faut dire que sa maison, madame Parent l’aime. Que cette maison, elle a passé sa vie à se battre pour elle, pour payer les traites, à la mort de son mari, et puis ensuite, pour la garder malgré les pressions. Faut dire qu’elle y a accouché de son fils, dans le salon, et qu’elle y vit depuis des lustres. C’est fou tout ce qu’une maison raconte. C’est fou à quel point la maison peut être la pierre angulaire d’une vie. Alors bien sûr, ça ne s’efface pas comme ça, d’un coup de gomme d’urbaniste ou de politique. Et puis le gâchis. Madame Parent parle de tous ces gens sans logement, et de ces maisons vides qu’on a laissées pourrir, qu’on a détruites. L’absurdité du gâchis et la colère qui en découle.
Et aujourd’hui, la voilà un peu plus sereine. A priori, elle a confiance. Le quartier fait l’objet d’un vrai projet et P. Bouchain, l’architecte, qu’elle a rencontré plusieurs fois, lui inspire confiance.

Paulette et Julienne

Paulette et Julienne nous ont accueillis pour un petit interview. Discussions sur le quartier depuis vingt-cinq ans. Ça change et ça change pas.
Paulette dit que, quand même, quand ils ont enlevé les voies ferrées, c’était un choc, surtout pour son mari, qui a travaillé au rail toute sa vie.
Ni Julienne, ni Paulette ne sont propriétaires, alors les changements du quartier, elles les subissent, et leurs avis n’ont pas de poids, mais elles vont quand même régulièrement à l’atelier électrique pour se tenir au courant.
Paulette a deux enfants qui sont partis vivre dans le sud, vers Marseille. Elle dit : si vous nous mettez sur internet, c’est bien, comme ça mes enfants pourront me voir !

quand les yeux parlent

Quand je découvre, observe, écoute, rencontre, et quand les yeux parlent

Tiphaine Hameau jardine à l’atelier électrique. Il est artiste-jardinier.
Jardiner comme pratique artistique. Se donner le temps de l’errance, le temps de la promenade, laisser le temps à la nature, à la friche, de se découvrir. Et écouter les histoires de quartier que racontent les plantes, par leurs présences, leurs parcours, leurs développements. Des plantes de jardins rendues à la nature sauvage des friches.
Des plantes de re-colonisation. Tiphaine en fait l’inventaire : Armoise, bardane, carotte sauvage, chélidoine, chardon, rumex, tussilage, laissant déjà place aux buddleiae, bientôt à d’autres ligneux….
Sculpter dans la dense végétation qui a recouvert les terrains vagues. Imaginer des itinéraires dans les bosses et les creux, dans les séquelles des destructions. Dessiner des chemins, des espaces de flânerie ou de repos.
Tiphaine a construit un nid de branches, de paille et de feuilles, pour héberger les petites pousses et autres plans récoltés dans les jardins abandonnés des maisons vides. Un nid de plante pour les plantes.

Il écrit :
Donner à voir autrement les déchets que je glane ou produis,(…)bien s’entendre, faire « bon ménage », entre l’architecte, l’ouvrier, l’habitant, la jardinier, la nature… vivre ensemble.

l'air est rouge

Ce matin, rencontre avec quelques jeunes du quartier, à l’espace jeune de la rue de l’Epidème. Ici c’est un espace équipé pour tous types de démarches administratives, du logement à la recherche d’emploi ou de formation. Les éducateurs sont là pour conseiller, guider, aider, discuter, accompagner, et tout.
Interview autour d’un café. Changer le monde, changer le quartier.
– Qu’est-ce que vous feriez pour changer le quartier, d’un coup de baguette magique, là maintenant, qu’est-ce que vous changeriez ?
– Rouvrir la MJC. Il n’y a plus aucun espace de loisir pour les jeunes.
– Et dans le monde, qu’est-ce que vous changeriez ?
– La pauvreté. Ce serait bien de réduire l’écart entre ceux qui ont tout, et ceux qui n’ont rien, entre la misère et la richesse.

Et puis on fait les prénoms, et les citations.
L’air est rouge comme s’il criait !