On a rencontré Monsieur Sadaillan, agriculteur à Cavaillon, de père en fils, et passionné par l’histoire locale.
On a parlé bien au delà de la durée de la cassette. Interview passionnant, longue conversation qui passe du local au global, de l’agriculture cavaillonaise aux firmes agro-alimentaires multinationales, de la qualité des fruits à l’aliénation des peuples du tiers-monde, du rapport à la nature à la disparition des papillons, et tout.
Il dit :
On peut faire un constat noir de tout ce qui a été massacré ces dernières décennies, mais je garde espoir. Il faudra du temps pour tout reconstruire, pour relever la tête, à Cavaillon, et partout ailleurs, mais j’ai l’espoir et je crois que c’est à l’échelle locale qu’on peut changer le global.
Il dit :
Les fraises, c’est pas des boulons, on peut les faire venir de l’autre bout de la planète, mais elles perdent en qualité, cueillies pas mûres et conservées au frigo, elles sont belles, bien calibrées, bien colorées, mais sans goût… un monde d’apparences, où il est préférable d’être beau que bon.
Il dit :
On est dans une ère de communication, d’apparence et d’instantané. On exige à tout crin un profit immédiat. Il faudrait une vision à plus long terme, pour imaginer vraiment un avenir. J’aime ma ville, j’aime cette région, et je sais qu’elle a un vrai potentiel, mais je sais aussi que le mettre en valeur demande du travail qui ne paye pas dans l’immédiat. On y arrivera dans longtemps, par petites touches, mais on y arrivera.
Il dit :
Il n’y a pas de melons à Cavaillon ! Le melon, c’est juste un tout petit bout de la grande période de l’agriculture maraîchère, un mythe qui reste après la faillite de tout un marché florissant. Il n’y a plus de melon à Cavaillon, ou presque, et on ferait mieux d’oublier les melons, emblématiques du passé, pour se consacrer à l’invention d’un avenir commun.
Il y a trop de poids sur les épaules des gens, la crise, les crises, ont fait l’effet de claques dont on ne se relève que difficilement. La confiance en soi meurtrie est dure à réparer. Et il y a cette idéologie qui prône la concurrence, la compétitivité et qui pousse les gens à s’isoler. Tirer la couverture à soi. Se tourner le dos, oublier la solidarité et le partage. Il faut que ça revienne. Ça reviendra.
Et puis il nous raconte ce bon souvenir, un bon souvenir de melon, du temps où les semenciers ne faisaient pas encore la loi, quand son père, en mangeant un melon particulièrement savoureux disait : il est bon celui là ! garde les graines !