Monsieur le Maire

Pour sauver un village du dépeuplement, il faut une volonté politique. Cette énergie, c’est vers les enfants qu’on la porte : les enfants, ils sont encore mobiles, ouverts, c’est eux, l’avenir. Si on propose aux familles tout ce qu’il faut pour l’accueil des enfants, en scolaire, en périscolaire, alors on développe une dynamique : du lien social, du lien culturel. Ça, et le maintien des commerces et des services de proximité. Mais là, un maire ne peut rien, sauf à augmenter la clientèle. Ce qu’on a fait, nous, c’est qu’on a libéré l’accès à la propriété : on a baissé le prix des terrains, ils sont partis à toute vitesse. La salle Colette Bel nous a occupé pendant tout un mandat, de 1999 à 2006. On a pris notre temps, pour une consultation auprès des habitants, pour l’achat de l’ancienne brasserie, pour le coup de crayon de l’architecte, jusqu’à la construction de cette salle très modulable, qu’on a adapté le plus possible à nos besoins. Ce qui nous guide, c’est la consultation auprès des habitants, on repart de là, à chaque fois. Là, on veut réfléchir aux rythmes scolaires, alors on demande leur avis aux associations de parents. Les gens viennent. Au début ils sont timides. Puis ils donnent leur avis. Notre village a augmenté sa population de 30%, il y a très peu d’endroits qui peuvent se vanter de ça. On réfléchit pour que nos propositions permettent aux rexpoëdois de vivre dans le village sans avoir besoin d’en sortir, pour leur proposer un large éventail d’offres, en culture, en loisirs, en services, en structures. On travaille avec les villages alentours, pour qu’ils puissent également profiter de notre travail. Alors on nous pointe du doigt. Parce qu’il y a une chose qui s’appelle le schéma de cohérence territoriale, qui dit qu’un petit village ne peut pas construire plus qu’une plus grosse agglomération, pour ne pas la vider. Alors nous, on a explosé les quotas de construction, c’est sûr. C’est ça, la vie des hommes politiques. Pendant ce temps, notre village, il meurt pas.

ERRATUM

Juste avant le conseil municipal, un monsieur est venu nous trouver en urgence au Q.G. Vous vous êtes trompés ! La raison véritable pour laquelle on appelait Rexpoëde « Le Petit Paris », c’est parce que pendant la première guerre mondiale, on y trouvait des filles et des débits de boisson pour les soldats qui revenaient du front à Ypres.

C’est dit.

Le Club des ainés

Arrivés 14h pile, pour être bien là avant que les ainés se mettent à jouer aux cartes. On branche la sono : valsons, une valse à trois temps… On nous dit : ah, si ça avait été un tango alors là … si on avait su, on aurait appris le tango avant d’y aller. Le club a été fondé le 10 avril 1981 par M Jules Kinoo, à l’époque maire de la commune et président au départ. Depuis, différents présidents se sont succédés, M Roger Schipman, puis Mme Thérése Dyuck présidente honoraire. Elle vient de passer le relais à Mr Deconinck le 9 janvier dernier.
Jacques a souhaité garder l’esprit du club : amical et convivial.
Il y a beaucoup d’adhérents 99 en tout, des retraités qui jouent au scrabble, aux cartes, aux chevaux. Les réunions se passent 2 fois par mois, et ils organisent des sorties régulièrement parfois un repas dansant ou un spectacle d’opérette. On nous a offert du café et des petits gâteaux, Céline est venue danser avec nous, elle dit qu’elle aimerait savoir vraiment danser la valse.

La conversation flamande du lundi soir

Ils sont onze, autour de la table, dans une salle à l’arrière de la médiathèque. L’ambiance est gaie. Didier n’a quasiment pas besoin de poser de questions : les phrases et les bons mots fusent.
Être Flamand, être flamand, c’est quoi : mais c’est être chez moi !
C’est une fierté,
Un plaisir !
C’est nos racines,
On est des flamands mais on est pas des belges –
Ah, les belges, ils aiment bien nous entendre parler, ils disent que c’est le flamand primaire
C’est la racine !
Oui, eux, ils se sont alignés sur le néerlandais, ils savent plus notre flamand
Enfin quand même, jusqu’à Ypres, et même jusqu’à Ostende, on se comprend
Moi j’aime traiter avec les belges, ils n’ont qu’une parole
Comme les flamands : quand c’est dit : c’est dit : ça vaut un contrat.
On est flamands de langue mais pour la terre on s’en fiche, on a pas de volonté indépendantiste
Oh ça non
Voilà, on est des nostalgiques. C’est peut-être une manière de revivre ce que nos parents ont vécu, de revenir sur le passé.
Enfin. Malgré tous nos efforts, on aura plus cette âme de la langue, c’était notre langue maternelle, vous vous rendez compte ? On n’saura jamais r’trouver ça. Je souhaite le contraire, mais…
Mais dans les écoles primaires et dans les collèges, maintenant, y’a un renouveau de l’a langue ! Les parents redeviennent demandeurs ! Ici, même, à l’association, on est sept cent !
Alors qu’à notre époque c’est à l’école qu’on nous a interdit de parler flamand !
Oui, vous imaginez, sous l’préau, y avait écrit : « interdit de parler le flamand et de cracher », alors c’était ça : parler flamand c’était comme de cracher, vous vous rendez compte !
Mais les parents nous parlaient flamand, à la maison
Les parents et les grand-parents !
Et les déclarations d’amour, elles étaient en flamand ?
Oh les déclarations d’amour c’était trilingue !
(ils rigolent bien)
Les scènes de ménage, elles étaient plutôt en flamand, c’est sûr.
Enfin, moi, je n’suis pas tout à fait flamande, mon père était belge et ma mère française, ils parlaient flamand entre eux, pour pas qu’les enfants comprennent, mais avec nous ils parlaient français.
Chez moi c’était la mère polonaise. Elle avait migré de Pologne vers l’Allemagne, puis comme en France on manquait d’personnel, elle était venue jusqu’ici, où elle a connu mon père.
On aime bien savoir ce qui s’est passé dans le village.
On accueille des intervenants, aussi, qui viennent pour nous parler de tel ou tel sujet : un sourcier, un meunier, un apiculteur.
Et puis on aime raconter des histoires. La flamand va bien pour ça, c’est dans la musicalité, dans les tournures.
Ah, les histoires, c’est Bernard.