La conversation flamande du lundi soir

Ils sont onze, autour de la table, dans une salle à l’arrière de la médiathèque. L’ambiance est gaie. Didier n’a quasiment pas besoin de poser de questions : les phrases et les bons mots fusent.
Être Flamand, être flamand, c’est quoi : mais c’est être chez moi !
C’est une fierté,
Un plaisir !
C’est nos racines,
On est des flamands mais on est pas des belges –
Ah, les belges, ils aiment bien nous entendre parler, ils disent que c’est le flamand primaire
C’est la racine !
Oui, eux, ils se sont alignés sur le néerlandais, ils savent plus notre flamand
Enfin quand même, jusqu’à Ypres, et même jusqu’à Ostende, on se comprend
Moi j’aime traiter avec les belges, ils n’ont qu’une parole
Comme les flamands : quand c’est dit : c’est dit : ça vaut un contrat.
On est flamands de langue mais pour la terre on s’en fiche, on a pas de volonté indépendantiste
Oh ça non
Voilà, on est des nostalgiques. C’est peut-être une manière de revivre ce que nos parents ont vécu, de revenir sur le passé.
Enfin. Malgré tous nos efforts, on aura plus cette âme de la langue, c’était notre langue maternelle, vous vous rendez compte ? On n’saura jamais r’trouver ça. Je souhaite le contraire, mais…
Mais dans les écoles primaires et dans les collèges, maintenant, y’a un renouveau de l’a langue ! Les parents redeviennent demandeurs ! Ici, même, à l’association, on est sept cent !
Alors qu’à notre époque c’est à l’école qu’on nous a interdit de parler flamand !
Oui, vous imaginez, sous l’préau, y avait écrit : « interdit de parler le flamand et de cracher », alors c’était ça : parler flamand c’était comme de cracher, vous vous rendez compte !
Mais les parents nous parlaient flamand, à la maison
Les parents et les grand-parents !
Et les déclarations d’amour, elles étaient en flamand ?
Oh les déclarations d’amour c’était trilingue !
(ils rigolent bien)
Les scènes de ménage, elles étaient plutôt en flamand, c’est sûr.
Enfin, moi, je n’suis pas tout à fait flamande, mon père était belge et ma mère française, ils parlaient flamand entre eux, pour pas qu’les enfants comprennent, mais avec nous ils parlaient français.
Chez moi c’était la mère polonaise. Elle avait migré de Pologne vers l’Allemagne, puis comme en France on manquait d’personnel, elle était venue jusqu’ici, où elle a connu mon père.
On aime bien savoir ce qui s’est passé dans le village.
On accueille des intervenants, aussi, qui viennent pour nous parler de tel ou tel sujet : un sourcier, un meunier, un apiculteur.
Et puis on aime raconter des histoires. La flamand va bien pour ça, c’est dans la musicalité, dans les tournures.
Ah, les histoires, c’est Bernard.

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