Portrait # La Sentinelle
Ailleurs c’est le même réel
Le matin à huit heure au rond-point de la porte des postes à Lille, en attendant Jérémie dans le soleil soleil, entre les voies rapides, derrière les bretelles d’autoroutes, des hommes dorment sous la tente. Ce matin il fait un peu frais, ils ont fait un feu.
humain, trop humain
Mardi ! C’est relâche, comme dans les musées ! On s’est tous éparpillés dans la nature pour se reposer une journée, avant la dernière ligne droite qui nous mène au film spectacle du samedi 4 oct. 2014 à 16h et à 20h à la salle culturelle de La Sentinelle. On veut encore rencontrer mille personnes demain et les jours à venir. Parce qu’on a soif de connaissances et de découvertes. Parce que c’est avec tous les autres qu’on parvient à habiter poétiquement sa propre vie. Alors on va retourner faire du porte à porte à La Sentinelle, aller danser et clamer des poésies et du théâtre dans les écoles et les centres sociaux, dans les clubs sportifs et culturels, sur le marché, inventer des danses, valser dans toute la ville. Sur le bitume des places publiques et des trottoirs. Regarder et entendre, comprendre le monde comme on s’émerveille ! Dans l’innocence du devenir ! Cesser de regarder le réel comme on nous l’a dit, le regarder comme il est ! Faisons de nos vies une oeuvre d’art ! Soyons les poètes de nos propres existences, dans le quotidien et les menus détails !
Rue Henri Durre
pourquoi tu m’appelles
Pourquoi tu m’appelles Pigeon alors que je ne ponds pas d’oeuf.
Pourquoi tu m’appelles Sentinelle, alors que je n’ai pas d’oeil.
Pourquoi tu m’appelles Jobi, alors que je m’appelle Zola.
Pourquoi tu m’appelles Ames, Eric!
Pourquoi tu m’appelles Couture alors que je suis en laine.
Pourquoi tu m’appelles Perdrix grise alors que je suis un faisan plumé.
Pourquoi tu m’appelles Coron carré alors que ça me tourne.
Pourquoi tu m’appelles lavette alors que je suis une pomme de terre.
Pourquoi tu m’appelles alors que j’ai pas mon portable.
Rue Emile Zola
Bernadette a réparé ses fleurs avec du chatterton
Cette après-midi nous sommes allés rencontrer Bernadette et Bernadette. Nous sonnons chez Bernadette, au numéro 2 de la rue Emile Zola, elle ouvre. L’une porte un gilet bleu, brodé, l’autre un pull en maille beige ; elles nous attendaient (nous nous étions donné rendez-vous dimanche).
On s’assoit autour de la table, on discute, on parle de La Sentinelle avant ; les histoires se superposent. On rit beaucoup. Les temps ont bien changé, les gens aussi. Il n’y a plus de cabarets à La Sentinelle, le cinéma a été remplacé par une alimentation générale.
Bernadette fouille dans un tiroir et y retrouve un photo de son mari à 18 ans, vêtu d’un beau veston et coiffé d’un bicorne : il était l’un des plus jeunes fossoyeurs de France.
Nous parlons des souvenirs, bien sur, mais aussi de la vie aujourd’hui , Bernadette joue à Candy Crush.
Nous partageons une tasse de café, des anecdotes hors caméra, Bernadette me conseille de passer le permis. Il est temps pour nous de partir, mais un nouveau rendez-vous est pris pour samedi, nous nous rendrons ensemble à la salle culturelle.
Moi, j’voudrais manger à la cantine!
C’est chose faite, la compagnie a mangé à la cantine avec les enfants aujourd’hui et Mourad leur a proposé des danses avant et après le repas. Les enfants riaient et taper des mains. Nous, on regardait enchantés en mangeant notre pamplemousse bien juteux.
Demain, on y retourne et on risque de croiser pas mal d’enfants avec lesquels nous avons passé un moment aujourd’hui dans les classes.
Un après-midi avec les enfants
Les enfants sont toujours contents de pousser les tables, si possible en faisant du bruit. Ils sont contents aussi quand Didier leur donne une baguette magique, ça leur permet de changer des choses à La Sentinelle : il font des travaux à La Poste et ils transforment tout le monde en éléphants et il accrochent un drapeau sur l’église. Les enfants sont aussi toujours contents quand il s’agit de taper sur la table avec le poing et de hausser la voix et même de crier Le Vaucluse, mais qui te parle du Vaucluse, j’ai coulé toute mon existence ICI, ICI, ICI J’TE DIS. Les enfants regardent le dessin de Marie et chuchotent, Oua, regarde, c’est toi qu’elle dessine.
À la récré pendant que Mourad danse et que les enfants dansent autour de lui, Didier et Marie parlent de ce moment au théâtre où le texte te rentre dedans, où le mot fait écho en toi. Comme par exemple quand Didi dit Tu es difficile à vivre, Gogo. Ce moment-là du texte de Samuel Beckett est toujours suivi d’un flou un peu vague, d’un silence dans lequel on voit passer sur le visage des enfants un air de déjà-vécu.





