quand les yeux parlent

Quand je découvre, observe, écoute, rencontre, et quand les yeux parlent

Tiphaine Hameau jardine à l’atelier électrique. Il est artiste-jardinier.
Jardiner comme pratique artistique. Se donner le temps de l’errance, le temps de la promenade, laisser le temps à la nature, à la friche, de se découvrir. Et écouter les histoires de quartier que racontent les plantes, par leurs présences, leurs parcours, leurs développements. Des plantes de jardins rendues à la nature sauvage des friches.
Des plantes de re-colonisation. Tiphaine en fait l’inventaire : Armoise, bardane, carotte sauvage, chélidoine, chardon, rumex, tussilage, laissant déjà place aux buddleiae, bientôt à d’autres ligneux….
Sculpter dans la dense végétation qui a recouvert les terrains vagues. Imaginer des itinéraires dans les bosses et les creux, dans les séquelles des destructions. Dessiner des chemins, des espaces de flânerie ou de repos.
Tiphaine a construit un nid de branches, de paille et de feuilles, pour héberger les petites pousses et autres plans récoltés dans les jardins abandonnés des maisons vides. Un nid de plante pour les plantes.

Il écrit :
Donner à voir autrement les déchets que je glane ou produis,(…)bien s’entendre, faire « bon ménage », entre l’architecte, l’ouvrier, l’habitant, la jardinier, la nature… vivre ensemble.

l'air est rouge

Ce matin, rencontre avec quelques jeunes du quartier, à l’espace jeune de la rue de l’Epidème. Ici c’est un espace équipé pour tous types de démarches administratives, du logement à la recherche d’emploi ou de formation. Les éducateurs sont là pour conseiller, guider, aider, discuter, accompagner, et tout.
Interview autour d’un café. Changer le monde, changer le quartier.
– Qu’est-ce que vous feriez pour changer le quartier, d’un coup de baguette magique, là maintenant, qu’est-ce que vous changeriez ?
– Rouvrir la MJC. Il n’y a plus aucun espace de loisir pour les jeunes.
– Et dans le monde, qu’est-ce que vous changeriez ?
– La pauvreté. Ce serait bien de réduire l’écart entre ceux qui ont tout, et ceux qui n’ont rien, entre la misère et la richesse.

Et puis on fait les prénoms, et les citations.
L’air est rouge comme s’il criait !

fin de première journée

Fin de première journée de notre résidence au quartier de l’Epidème. Peut être que les gens ont déjà vu beaucoup de monde de partout s’intéresser à la transformation du quartier. Et puis c’est une période transitoire. Peut être même que ce n’est encore que le début de quelque chose. Alors les gens ne savent pas bien encore ce que ça va devenir. Ce qu’ils vont devenir. Et les gens sont très attachés à leur quartier. Un quartier ouvrier qui a connu les grands moments de l’histoire ouvrière de ces cent dernières années. Peut être qu’ils ont envie que ça aille vite pour retrouver un peu de sérénité?

très tranquille

Mme et Mr Shepereel habitent le quartier depuis trente cinq ou quarante ans. Ils ont acheté le jardin d’une maison de maître et ont tout construit. Une maison et un atelier de menuiserie. Ils ne sont pas au courant de la réhabilitation du quartier. Il dit: ils ont commencé par murer les maisons. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire, il y a des gens qui sont plus au courant dans la rue Stephenson… Il y aura des maisons et des petits jardins… je ne sais pas… Lui, il ne fait pas d’activité sur le quartier. Elle, elle va au centre social pour la gym, pour la marche  et fait partie du bureau du centre social. Finalement elle dit, j’espère que je finirai mes jours ici. Je suis plus attachée à la maison qu’au quartier qui est pour moi un quartier très tranquille.

bourloire, la suite de l'histoire

Il y en avait partout, autrefois, des bourloires, nous disent les habitués. Il en reste quelques une, pas beaucoup mais quelques unes, et quand même quelque chose comme six cents joueurs.
Autrefois, c’était un jeu de bistrot. C’est le jeu auquel les hommes jouaient en sortant de la messe. Après la messe, un saut au bistrot, à la bourloire. C’était comme ça. Il n’y avait pas de femme dans les bourloire. Maintenant, il y en a. Depuis les années soixante. On a assisté à une partie, et les femmes ont montré qu’elles étaient capables de lancer une bourle avec autant de justesse qu’un homme.
C’est un jeu qui a peut-être sept siècles. C’est un patrimoine.
Et puis la bourloire de la Concorde, c’est aussi un lieu convivial où tout le monde se retrouve avec plaisir pour y jouer, et puis au billard aussi, et aux cartes, aux dames, et tout.
Un lieu où il fait bon se détendre et où les habitués viennent régulièrement depuis des dizaines d’années, et où les jeunes, quand ils le peuvent, prennent la relève.