avaler des kilomètres

Hier après midi on a vu Christian Godin, un homme formidable de Rebreuve Ranchicourt qui a gagné le bol d’or (24h de course en moto) en 1954. Il a, jusqu’en 2008 fait de la moto. Il a 88 ans. Il a eu dans sa vie une trentaine de motos. On a parlé des motos et de sa passion pour le tir qu’il pratique dans un club à Bully les mines. Il nous a parlé des kilomètres avalés sur toutes les routes d’Europe. Du besoin de rouler, de partir. Loin. De décider, quand on veut de prendre la moto et de faire mille ou deux mille kilomètres pour voir et traverser le paysage. Quand on lui a dit que ça faisait penser au mythe américain des grands espaces et des cohortes de motos qui font du coast to coast, il nous a répondu qu’il était autonome et qu’il n’a jamais appartenu à un club. On a parlé d’ Easy Rider, il nous a dit qu’il n’aimait pas les machines américaines, qu’il préférait les motos japonaises qui sont plus rapides. Quand on lui a demandé si la moto, c’était dangereux, il nous a dit non, c’est les gens qui sont dangereux. On a regardé des photos de motos qu’il a fabriquées pour participer au Bol d’Or trois années de suite avec du matériel différent. Avant d’être champion. On a parlé du magasin de moto à Bruay où il va faire un tour de temps en temps parce qu’il connaît bien les gens et qu’il y retrouve des passionnés comme lui de ces machines extraordinaires.

E.Buisière et J.Hulot

Dans la rue du Bois, j’ai demandé à un monsieur où était l’école Jean Moulin. M’a dit, c’est pas difficile prendre la première à droite, c’est pas difficile. Arrivée avant Monsieur Lamarre. Quand on va sur Rebreuve, on passe par tous les hameaux Verdrel: Fresnicourt Olhain Baraffles. J’ai interviewé  Emilienne Buisière de Rebreuve et Jeanne Hulot de Verdrel, des femmes qui ont évoqué les souvenirs de la guerre. Quand on était chez Emilienne Buisière, l’institutrice, il y a trois cavaliers qui sont passés devant la maison. Ils nous ont fait signe à la fenêtre. Beaucoup des souvenirs de guerre. Aujourd’hui, la population change. Elles ne connaissent plus les voisins. Une génération qui ne comprend pas les jeunes. Avant on vivait avec peu de choses. C’est la faute de la télé. Des gens âgés qui sont d’une mémoire et d’une vitalité incroyable. Avec  Emilienne Busière , on a parlé des méthodes d’éducation. Méthode Freinet et Dolto. Elle dit, quand on vieillit on devient plus large d’esprit. M. Buisière a appris l’anglais avec les soldats anglais qui s’étaient installés dans le village. Jeanne Hulot adore le club des personnes âgées qu’elle anime depuis longtemps. Elle dit j’adore mes petits vieux. Elle dit, tous mes enfants sont restés dans le coin et c’est tant mieux. Quand elle réunit ses enfants et petits enfants ils sont quatre vingt seize. Quand ils ont fêté leur noce d’or ils étaient trois cents.

Epicerie Bachelet

On a rencontré Francine et sa mère qui tiennent l’épicerie Bachelet, à Verdrel. Epicerie et tabac, et autrefois, forge et maréchal-ferrant, en plus. On a parlé d’autrefois et d’aujourd’hui. Toutes deux aiment vraiment leur métier. Le contact avec les gens. Elle disent, quand les gens ont des soucis ou des histoires, des hésitations, ils viennent nous en parler, nous dire ce qu’ils ont sur le cœur. On discute avec eux. Plus d’une fois, ils sont sortis en disant qu’ils se sentent plus léger. Francine dit qu’au début, elle ne comprenait pas pourquoi les gens lui racontaient tout ça, et puis elle y a pris goût et se sent utile à cet endroit là.
Madame Bachelet s’est levée régulièrement, pendant l’interview, pour aller servir des clients.
On a demandé un objet et elle nous ont montré un tableau et un panier avec le nécessaire pour le tricot et le crochet. Pour le portrait chinois (qui consiste à répondre à trois questions, si votre village était un film ou une série télé? Si votre village était une chanson? Si on devait donner un prénom à votre village?) elles ont proposé Dallas, le Ptit Quinquin, Charles le père/grand père forgeron. On a ensuite visité la forge. Les machines sont restées là. Et les outils sont soigneusement remisés au grenier en attendant d’en faire, peut-être, un jour, un musée.

le guide d'hébergement de l'artiste itinérant en Nord-Pas-de-calais

Flora est logée au gîte de Rebreuve-Ranchicourt. C’est la première fois qu’elle est logée dans le village même où on fait le portrait ou la veillée. Elle a, au fil de six années de veillées dans le Nord et le Pas-de-Calais, été logée au gîte des Fouans de Gonnehem, au Carré 138 de Lorgies, au gîte d’Estrée Cauchy, au gîte municipal d’Aix-Noulette et à celui de Noyelles-les-Vermelles, aux deux gîtes de Angres, au gîte Fleur de Ciel de Loos en Gohelle,  dans une Chambre d’hôte de Lambersart, et une chambre municipale à Lomme, dans une chambre de la maison de retraite de Méricourt, au gîte de l’Olivier à Willerval, dans la chambre d’hôte de Bully les mines, au gîte de Morbecque, et à celui de Bouvigny-Boyeffle. Et aussi les hôtels : Campanile, Ibis, Bollaert, hôtel de la Gare, du Moulin d’or ou des Anglais… on se dit qu’avec tout ça, on a la possibilité d’écrire une sorte de guide michelin de l’artiste itinérant du pas-de-Calais. Sur une carte, on a entouré chaque ville, chaque quartier ou village de la région où on est intervenu, en veillée, en portrait, en instantané.

un équilibre savant

Premier jour à Fresnicourt. Thomas et Martine sont allés rencontrer une enseignante à la retraite, passionnée d’histoire. Guy et Jérémie interviewent un monsieur qui a gagné le Bol d’Or en 1954, et Flora revient d’un interview d’un monsieur d’Olhain, qui, entre autre, est coulonneux.
On a marché à peine une demi-heure dans les rues de Verdrel avant de partir à nos rendez-vous respectifs, histoire de découvrir un peu, et on a croisé le maire. On a admiré à quel point les maisons sont jolies dans le coin. Fresnicourt, Verdrel, Olhain sont de très jolis petits villages. Monsieur Lion a raconté à Flora que le PLU était saturé à Olhain, et que sa petite fille avait obtenu la dernière place, c’est à dire qu’il n’y aura pas de construction neuve après elle, Olhain gardera son caractère de petit village autour de son château, mais le prix à payer est que la population ne grossira pas ou peu. On n’arrive pas à savoir ce qui est le mieux pour un village : des lotissements et des constructions de quartiers neufs ET une population jeune OU un PLU qui limite les constructions, un aspect de petit village préservé MAIS moins de jeunes et le risque de voir les écoles fermer, par exemple.
On ne sait pas grand chose de la situation d’ici, mais c’est une problématique qu’on rencontre souvent dans les villages. Accepter de changer pour aller vers l’avenir ou préserver ses richesses et son identité. Sans doute que l’idéal serait un équilibre savant entre les deux.