Jalagnat, c’est loin au bourg

Jalagnat, c’est un hameau de quelques maisons et d’anciennes fermes. La plupart sont vides. Jalagnat est sur la commune de Faux-la-Montagne, mais ce n’est plus le  « bourg ». On est à 3,5 km du bourg. Et quand on est à Jalagnat, le bourg, c’est un autre village, c’est loin, on n’y va plus. C’est ce que nous explique Lucette, 78 ans. Lucette nous accueille dans sa maison : elle nous fait du café, de la tisane, sort des biscuits, elle tient à ce qu’on se serve et se serve à nouveau. Lucette ne va plus au bourg. Elle est bien là, elle n’a pas besoin de grand-chose. Une épicerie-camion vient de Tarnac tous les mercredis matins, elle prend ce qui lui plait, ça lui fait plaisir et ça lui suffit. Quand on évoque des nouveaux arrivants de Faux-la-Montagne, Lucette ne parle pas « des néo-ruraux, de leurs projets, des associations qui se développent au bourg ». Pour elle, les « nouveaux arrivants » ce sont ses voisins (les deux familles qui se sont installées  Jalagnat). Et heureusement qu’ils sont là !  Ils rendent visite à Lucette tous les jours, et Lucette est ravie d’être entourée. Aujourd’hui, c’est Joann, Anne et leur fils Erwann (4 ans) qui rangeaient et rentraient le bois de Lucette quand nous sommes arrivés. Anne, qui était une citadine, se sent bien dans cette vie à la campagne et elle aimerait que d’autres puissent en profiter : « Il y a plein de maisons vides à Jalagnat ! ». Welcome.

Le club des Tamalous

Le club des anciens à Faux-la-Montagne, c’est officiellement « le Club des Trois Lacs ».  Le rendez-vous belote hebdomadaire c’est le mercredi, à 14h, dans la salle de la cantine scolaire. Et là, le « Club des Trois Lacs », devient le club des Tamalous, et aussi des Jébobolà. Celui qui peint, devient Picasso. René, c’est DSK, parce qu’il aime les femmes. Pendant qu’une table est déjà acharnée autour de la belote, René nous raconte ses exploits avec effervescence. Certes, René-DSK, 76 ans, a été agriculteur, éleveur de vaches Limousines, 28 ans dans les pompiers, à l’armée ça a été 3 ans dans les parachutistes, 25 mois en Algérie pendant la guerre, mais il juge tout cela peu intéressant. Il a surtout envie nous raconter ses conquêtes de jeunesse, ses sorties dans les bals des bourgs, et même jusqu’à Limoges, beau dans son costume, pour aller rencontrer des filles. Il avait de la chance, il avait une voiture, pour raccompagner les filles c’était plus facile ! « La bonne bouffe et les femmes, il n’y a que ça qui conserve ! » René explique aussi qu’à l’époque, il y avait peut-être 15 bistrots à Faux-le-Montagne. Roger renchérit : « Au moins 15 ! Et ils étaient toujours pleins ! ». Si Faux-la-Montagne était une recette de cuisine, René n’hésite pas « Une bonne viande Limousine ». Si Faux-la-Montagne était une musique : « La musette ». Mourad commence à danser, les cartes ralentissent puis s’arrêtent. À un moment donné, tous les visages sont tournés vers lui. René et Roger, les yeux écarquillés, nous demandent : « c’est quel genre de danse ça ? ». Mourad finit de danser. On quitte la salle de cantine. Et puis, hop, René, Roger et Picasso complètent deux autres tables et commencent à jouer à la belote. 

« Faux une boulangerie » paroles de Morel

On est dans la boulangerie mais le bruit intempestif du frigo prend trop de place alors tous à la caserne ! Damien a tellement foulé ce trajet, qu’il part en chausson. Jean-Louis, Damien et Régis :

– Jean-Louis : Je leur passe la main, là tout doucement.

– Damien : D’abord salarié sur l’entreprise individuel de mon père et maintenant on reprend en cogérance avec mon frère.

– Régis : Je suis le livreur.

– Damien : Oui, fin tu fais toute la gestion des ventes, de l’épicerie

– Régis : Oui, en fait c’est pâtissier, boulanger et livreur (en montrant Jean-Louis, puis Damien)

– Damien : Non, épicier, on peut dire que t’es l’épicier…

– Régis : En fait pendant dix ans j’étais DJ, et puis bascule totale, une place plus stable : en tant que DJ c’était la vie inversée. Puis la succession s’est faite et avec la remise aux normes, il fallait qu’il y ait un changement.

Présentation faite. Et alors un commerce dans ce village? « On est la troisième génération de boulanger. Tous les commerces marchent ensemble. C’est un château de cartes, on en retire une : Quelqu’un qui va chez le médecin, il y a une pharmacie, il va peut-être prendre ces médicaments, dans la boulangerie son journal et son pain et puis il va aller lire son journal à la Feuillade avec son café. On enlève le médecin… » Encore un jeu dangereux, un château de cartes ne se quittent pas des yeux, comme le Fallois qui roussit dans le four ! « Et si Faux la Montagne, était une recette de cuisine? »

Barytine

La barytine est dans la mairie de Faux-la-Montagne. L’année dernière, sur les chantiers de lagunage de Faux-la-Montagne pour l’assainissement de bourg, on a découvert de la barytine. C’est André Bessette (et non pas Jean François), l’adjoint au maire, qui raconte. Quand ils ont creusé, ils ont trouvé une géode. On a appelé le Club des Minéraux. C’est un membre du club qui a coupé la géode en deux. Une partie a été exposée au Club des Minéraux d’Eymoutiers. L’autre partie de la barytine est à la marie, elle est là avec un papier qui résume ses vertus :

filtrante et active sur les poumons, elle agit aussi sur la gorge, la peau, l’énergie foie qui remonte trop vers la tête, elle adoucit l’hypertension en calmant l’agitation et la rigidité intérieure, elle engendre des relations sans arrière-pensée entre individus, elle protège conte les divagations de l’âme. 

Du Cameroun à Faux-la-Montagne.

Edwin voulait voir d’autres façons de travailler, des manières coopératives de s’investir, voir comment porter les choses ensemble. Il nous raconte qu’avec un patron qui dirige, on n’a plus la liberté de vraiment montrer ses acquis profondément. Il voulait travailler avec des gens de façon coopérative. Par hasard, il a rencontré les gens d’Ambiance Bois au Cameroun qui lui ont parlé de leur fonctionnement en « société anonyme à participation ouvrière ».  Il était prêt à tout découvrir, à se confronter avec la vie.  Venant de la partie anglophone du Cameroun, il a appris le français à Faux. 14 ans après son arrivée, il est toujours là. On dit dans le village que les 200 habitations de Faux sont toujours ouvertes pour Edwin ! Il aide les pompiers, participe à Télé Millevaches. Florence, sa femme participe aussi à la vie associative et fait des plats africains pour le festival « Folie ! Les mots ». Il a passé plus de temps à Faux-la-Montagne que dans son village natal !

Jeté de dés

« Il fait chaud dehors on a gagné 10°, on va dehors ? » – direction le lavoir – on entend les gouttes, le toit fond – on entend le bruit du camion des pompiers, le moteur chauffe – on entend rien d’autre il n’y a pas de vent. On lance les dés = présentation, on rencontre Manon : « Je suis arrivée de région Parisienne, de Montreuil, je suis une vraie citadine, enfin je crois (rires). Et puis j’ai aussi habité Grenoble (une ville plus petite à côté de la montagne), puis en Italie (un village en Toscane). Je ne suis pas passée de Paris à la Creuse, directement. Au début c’était temporaire mais il se trouve que ça nous a bien plus donc on est resté et maintenant on construit notre maison dans l’écoquartier !  « Combien de temps pour construire la maison ? » C’est censé être une maison provisoire pour construire une plus grande maison !». Moins facile qu’un jeu de constructions et pourtant les deux sont en bois et les dimensions sont aussi variables ! « Dans le stock que Cadet Roussel a racheté à Bonne pioche, il y a des grands jeux en bois surdimensionnés (ils existent en petits mais ici ils sont en immenses), il y a des jeux achetés et des jeux faits mains ». Sacré pioche ! Mais de quelle pioche on parle ?« Quand on est arrivé en Septembre dernier, on nous disait que c’était drôle parce qu’on arrivait en même temps que plein de gens et puis là j’ai l’impression que cette année en Septembre il y a encore plein de gens qui arrivent sur le territoire et en fait on rencontre tout le temps plein de gens qui s’installent ici. Parfois j’ai l’impression que ça fait longtemps que je suis là par rapport à d’autres, alors que ça fait qu’un an ! J’ai l’impression qu’il y a des gens qui arrive par des stages ou de la recherche de quelque chose de précis, par contre il y a des gens qui arrivent par amis et qui ont juste envie de vivre un peu autrement.» Chacun son joker comme dit Émilie ! On a jamais fini de jeter les dés !