Une discussion avec Jean-Claude, porte ouverte

La porte est ouverte, la maison est en face du parking, on n’a qu’à s’arrêter sur le bord, sortir de la voiture, traverser la route, il nous voit venir et les présentations sont vite faîtes.« On est bien, c’est un pays qui est très bien, c’est un choix de vie, il faut reconnaître qu’il faut être naît ici pour être bien ici, c’est rude..là en ce moment parce que c’est l’hiver, on vit un peu en léthargie. On ne peut pas travailler dehors, il fait froid, regardez déjà ça fait 15 jours qu’on a la neige. Enfin bon on s’y habitue. On n’a pas les hivers qu’on avait vraiment dans le temps, on a moins de neige et puis bon nos routes sont bien dégagées. » . La conversation avec Jean-Claude nous réchauffe, un bout du dialogue :

Ah je n’avais pas vu, le… l’oie ?  – Non ce n’est pas une oie,  c’est un canard de barbarie – Ah oui ?  – Vous l’avez tué en chassant ?    Non, non, c’est des trucs que j’élève. – Et là comment vous l’avez tué – Je l’ai saigné – Ça coule encore ouais – Ce sont de beaux canards hein ? – Oui moi j’avais vu un truc aussi gros – Et donc ça vous le faîtes en… ? – Moi je le détaille parce que je retire les magrets , les cuisses et je mets ça au congèle et le reste j’en fait du confit et voilà – Et ça vous faîtes ça depuis tout le temps – Oh ben oui parce que j’ai du terrain et puis j’aime bien faire de l’élevage comme ça pour moi – Vous avez quoi ? – Des poules, des canards et 5 oies et des canards j’en avais 40 – Ah oui – Ça naît tout à la maison, j’ai gardé le… – Là je vais le déplumer cette après-midi, il y en a trois, c’est dur à plumer, il y en a beaucoup de petites plumes dessous, mais touchez le vous risquez rien – Regarde, regarde le duvet là, comme il y a  dans les manteaux ou  les doudounes… – Alors vous seriez venus hier, je tuais les poules hier, oh on a toujours des choses à faire ici – Vous avez un potager aussi ? – Oh oui heureusement, on fait nos patates, nos choux, nos carottes, c’est la campagne ! 

 

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« Le paradis est là où je suis »

On demande souvent aux gens que nous rencontrons de se prêter au « jeu des citations ». Il s’agit de choisir une citation dans la liste que nous leur proposons. Ensuite, il faut la réciter devant la caméra ou être filmé en tenant la citation devant soi. Une séquence du spectacle regroupe tous ces petites séquences filmées. « Le paradis est là où je suis » est l’une des citations de notre liste. Ce qui est frappant à Faux-la-Montagne, c’est qu’on ne rencontre que des gens qui sont bien là où ils sont. Certains parce qu’ils sont là depuis toujours. D’autres parce qu’ils ont choisi d’y venir. Ce qui est frappant à Faux-la-Montagne, c’est le nombre de gens qui ont choisi cette citation-là : « Le paradis est là où je suis ».

La bascule bouscule?

La première fois qu’on va à Gentioux, c’est pour le marché de « La Bascule », le Mardi soir. On y pèse des crêpes, du miel, du pain d’épices, du poisson et de la viande sur commande, des légumes, des œufs, des biscuits, du riz, de la farine, des conserves, ça bascule pas mal mais sans vraiment de bascule! Et puis deux jours après on passe à nouveau par Gentioux, par le café et on sent que si on posait la question « Et si Gentioux était un objet ce serait quoi ? », on nous répondrait peut-être : UNE BASCULE. Mais c’est en bas du village que tout bascule, lorsque Jean-Claude, charpentier à la retraite qui travaille dans son atelier pour des choses à lui, nous parle de la « bascule » celle qui pesait les veaux, au temps de la grande foire, une très grosse foire : « il fallait voir un peu, très très bonne foire, y’avait du monde, ah c’est des pays qui ont vécu comme ça et tout a changé, ça a changé c’est plus les mêmes gens d’ailleurs. Y’avait pleins de petits paysans, tandis que maintenant y’en a un gros et puis voilà. C’est comme ça, la vie a changé vraiment beaucoup, mais bon ça nous empêche pas d’être bien nous.»  A chacun sa bascule… tous dans la même bascule…on peut en imaginer pleins d’autres, des histoires de bascules, c’est la basculade… !

Entre-aide ou solidarité

Les nombreuses associations de Faux-la-Montagne  (1 association pour 12 habitants)  se sont construites pour la plupart autour d’une réflexion sur la solidarité, sur le travail solidaire, sur la volonté de recréer des liens de solidarité. Ces associations sont toutes créées par les nouveaux arrivants, les néo-ruraux. Les natifs, les gens d’ici, ne fonctionnent pas en associations. Certains de Faux-la-Montagne se sentent un peu exclus de ces courants de réflexion, ils ont l’impression que les associations veulent réinventer quelque chose qui est déjà là. La seule différence, c’est qu’ils ne l’appellent pas la solidarité, ils l’appellent l’entre-aide, et ça a toujours fonctionné comme ça, ça a toujours été évident et ils n’ont jamais eu besoin d’y réfléchir pour que ça existe. Entre-aide ou solidarité, alors, du natif au néo : rupture ou continuité ?

Le monu du jour

On entre dans Gentioux par la route d’en haut (celle qui vient de Pigerolles) et sur la place avant le Monument sur lequel la guerre est maudite, on trouve le Café du Monument. La patronne le tient depuis 13 ans, là elle prépare le repas (œuf dur, tomate, salade, choux en entrée puis poulet au curry, riz et pomme de terre. « Ah oui et de la soupe et du fromage blanc en dessert »). C’est pour les ouvriers qui travaillent dans le coin, ils sont là pour 3 semaines et ça change, des fois c’est d’autres équipes. « Combien de couverts ? 2, à 5 ou 10 ça dépend des jours ». Puis à la question « Si votre village, c’était une recette de cuisine ? » elle nous livre sa recette de la tarte aux pommes, « avec une belle couche de compote de pommes à la cannelle et les tranches de pommes dessus passé au four et vous rajoutez une petite gelée de coing et hop c’est parti ça se mange tout seul ». Mais il est 11h30…et la table n’est pas mise, donc on remballe notre attirail, on laisse la place, on  ferme la porte, on fait le tour du monument.

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