personnage récurrent

Dès l’arrivée ce matin, on a croisé Michel. Michel travaille à la faculté de Liévin, il est souriant, agréable. Il s’est prêté à nos protocoles tout se suite. Photo en situation, d’abord, puis quand on a fait le tour des bureaux, il a cherché la meilleure place pour faire le portrait citation. Il connait tout le monde, et dans les bureaux ça rit ! Ses collègues lui ont fait une blague, ils ont collé sa photo sur un des portraits que Jérémie avait fait pour construire le tract et l’affiche de la veillée Université d’Artois.

Clash et Cie

On ne l’a pas dit encore mais on est dans une faculté de sports. Les différentes villes de l’Artois se sont réparties les sections. A Liévin la fac de sports est installée dans les environs du stade couvert qui est gigantesque mais qui est provisoirement fermé parce qu’une poutre de l’énorme charpente se fissure. Ce matin en arrivant je me suis dirigé directement vers le Craaf, le lieu d’hébergement des sportifs de passage ou en formation à Liévin. Au stade couvert de Liévin je me souviens d’un concert de Cheb Khaled. Un de mes plus beaux souvenirs de concerts avec les Clash au Palais des Sports à Lille, boulevard Kennedy. Au Craaf à l’époque du Ballatum théâtre, on logeait des artistes de la compagnie. C’est sans doute pour ça que naturellement je me suis retrouvé au Craaf. La fac se trouve après le collège Descartes et le lycée Henri Darras. Dans la même rue. Au bout de la rue de la connaissance.

il y a

Il y a beaucoup de sport, de survêtements et transpiration, trois amphis, de la timidité, des volontaires, des grands, beaucoup de grands. Il y a du soleil dans les témoignages, plein de baies vitrées, des frites, une cafétéria qui ressemble à un couloir, une cuisine qui se résume à un micro onde, des mignonettes de rhum à l’administration. De la pluie, des bancs pour mettre ses pieds dans le gazon. Quand on ouvre les rideaux, il y a des travaux. Il y a un jeune qui était au lycée Picasso, à Avion. Il y a la butteuse de l’équipe de foot de Aix Noulette. Un cercle d’ordinateurs. Il  a beaucoup de Godot dans les amphis. Il y a des fricadelles. Beaucoup de gens qui sautent sur les tables. Il y a des rires étouffés et de l’ambition. Ils sont ambitieux, ils ont envie de réussir dans la vie, se battre et y arriver à tout prix. Ce sont des passionnés. Il y a des signes qui parlent. Ici il n’y a pas de livres pour l’évasion, nous dit la dame de la bibliothèque.

Yves Fabrega

Sortir des « théâtres » ne suffit pas, il faut inventer d’autre façon de faire. Nous devons développer des pratiques artistiques appropriées à l’en dehors, à l’au delà, à l’au devant… Aller au devant des gens… c’est indispensable… Aller partout où ils se trouvent… Soit c’est ça, soit c’est rien… Il faut y consacrer le principal de ses efforts.
Faire oeuvre avec les gens n’implique pas qu’on va leur apprendre à faire ce qu’on sait ou ce qu’on fait.
On va les chercher parce qu’on ne sait pas inventer tout seul.
On va chercher ensemble ce qu’on ne sait pas qu’on cherche
On va faire ensemble ce qu’à priori on ne sait pas faire.
On va penser ensemble, cheminer ensemble, pratiquer ensemble, bricoler ensemble…
Nous allons ensemble nous donner la parole et faire de cette parole une oeuvre d’art…. Il faut plutôt apprendre ou réapprendre à regarder ailleurs et autrement, à faire l’éloge des petites choses : de tout ce qui manque d’attention et qui paraissait jusque là futile, frivole, anodin ou superflu…
« Il faut réaprendre à danser à l’envers et que cet envers devienne notre véritable endroit ».

Michaël Foessel

L’homme sans monde, c’est l’homme séparé de ce qu’il peut. Je pense bien sûr à la précarité sociale où l’individu n’a plus les moyens de s’inscrire dans un futur positif. Il est dépossédé par le système économique, il ne croit plus dans ce monde-ci. Aujourd’hui, perdre le monde, c’est aussi n’avoir aucune sensation que le monde existe avant et après nos vies : évoluer dans le présent, l’immédiateté. A la manière des traders, ce qui montre que le phénomène n’est pas seulement lié à la pauvreté. Le présentisme est très proche de la catastrophe : cette adhérence à soi et à son présent produit souvent des effets de malheur et de désolation…On nous parle sans arrêt de la catastrophe et des mesures à long terme pour préserver la planète, mais c’est contradictoire avec le court terme des politiques. Il faudrait repenser le progrès de façon moins naïve. La modernité est née de certitudes qui se sont effondrées, comme celle du cosmos antique et religieux. Sur la base de cette expérience, est envisagée au XVIIe siècle une autre façon d’envisager le monde. L’idée de progrès est née à la manière d’une nouvelle promesse. Nous ne pouvons plus revenir à cette espérance-là après la Shoah ou Hiroshima. Il est préférable de développer ce que j’appelle une politique du peut-être, et donc abandonner celle du nécessaire. Le peut-être implique des expériences de vie en commun, de coopératives, de mouvements de contestation aussi, comme les Indignés…Autant de tentatives de reconstituer des univers de sens à l’intérieur d’entités sociales pauvres en monde. Pour l’instant, ces initiatives existent au niveau local. Il n’est pas vain d’espérer qu’elles se développent un jour à l’échelle des peuples qui auront réussi à concilier l’optimisme économique et social avec des exigences de liberté.