Michaël Foessel

L’homme sans monde, c’est l’homme séparé de ce qu’il peut. Je pense bien sûr à la précarité sociale où l’individu n’a plus les moyens de s’inscrire dans un futur positif. Il est dépossédé par le système économique, il ne croit plus dans ce monde-ci. Aujourd’hui, perdre le monde, c’est aussi n’avoir aucune sensation que le monde existe avant et après nos vies : évoluer dans le présent, l’immédiateté. A la manière des traders, ce qui montre que le phénomène n’est pas seulement lié à la pauvreté. Le présentisme est très proche de la catastrophe : cette adhérence à soi et à son présent produit souvent des effets de malheur et de désolation…On nous parle sans arrêt de la catastrophe et des mesures à long terme pour préserver la planète, mais c’est contradictoire avec le court terme des politiques. Il faudrait repenser le progrès de façon moins naïve. La modernité est née de certitudes qui se sont effondrées, comme celle du cosmos antique et religieux. Sur la base de cette expérience, est envisagée au XVIIe siècle une autre façon d’envisager le monde. L’idée de progrès est née à la manière d’une nouvelle promesse. Nous ne pouvons plus revenir à cette espérance-là après la Shoah ou Hiroshima. Il est préférable de développer ce que j’appelle une politique du peut-être, et donc abandonner celle du nécessaire. Le peut-être implique des expériences de vie en commun, de coopératives, de mouvements de contestation aussi, comme les Indignés…Autant de tentatives de reconstituer des univers de sens à l’intérieur d’entités sociales pauvres en monde. Pour l’instant, ces initiatives existent au niveau local. Il n’est pas vain d’espérer qu’elles se développent un jour à l’échelle des peuples qui auront réussi à concilier l’optimisme économique et social avec des exigences de liberté.

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