Veillée # Salé (Maroc)
Attendre, encore attendre Godot
On a attendu longtemps les jeunes qui devaient jouer dans la scène d’ « En attendant Godot ». C’était le début de l’après-midi et on nous explique que c’est normal, ils sont à la plage. On a attendu longtemps, mais on n’a pas attendu en vain. Simo-Hamed arrive le premier à Bab Khémis. Il se présente. Dans l’enthousiasme de voir enfin un Estragon-Nabil apparaître, et dans un darija tout frais, l’un de nous l’accueille : « Simo-Hamed ? Chal Fam’rek ? » (« Quel âge as-tu ? ») « Sb’atash ». On s’aperçoit tout de suite qu’on ne connait pas encore bien nos chiffres, un traducteur en renfort et on a la réponse : Simo-Hamed a 17 ans. Puis c’est Fadoua qui arrive « Fadou, Choukran. Chal Fam’rek ? » Elle sourit : « Hdash ». Fadoua a 11 ans ! Puis arrivent Rabab – 19 ans, Simo-Hamed – 10 ans, Simo-Hamed – 16 ans, Youssef – 14 ans, Youssouf – 17 ans, Abd Ellahe – 10 ans, Otmane – 12 ans, Zidane – 20 ans. Il y a 10 comédiens prêts à se mettre en colère à propos des vendanges à Meknès. On démarre. Ça tape du poing sur la table, ça s’enflamme contre Maryama et ça rit. À la fin, Fadoua qui est passée au début de la séance de tournage demande si elle peut refaire. Elle n’avait pas osé assez, elle a pris confiance depuis, elle refait la scène, elle rayonne. Et puis le monde s’en va mais Fadoua est restée avec nous, pour nous aider à ranger, pour accompagner sur le chemin du retour, pour prolonger le plus longtemps possible ce moment. On n’aura pas attendu en vain.
Le portrait chinois au féminin
C’est moins facile de rencontrer les femmes, d’avoir des paroles de femmes, d’avoir des images de femmes. Pour continuer la séquence des « portraits chinois » – « Si Salé était une recette de cuisine ? Si Salé était une chanson ? »), nous nous disons qu’à partir de maintenant, on ne s’adresse plus qu’à des femmes, on ne filme plus que des femmes. Mais comment faire ? Et ben on se dit qu’on est bien assez grandes pour faire une petite révolution toute seule et nous voilà parties Maggie, Isabelle et Sophia, armées de tracts, et de beaucoup de bonne volonté. On cherche le lieu qui se prête au mieux à ces rencontres espérées. Nous voilà arrivées sur une petite place où visiblement quelque chose se prépare, des femmes sont installées sur tout plein de petites chaises, caisses, tabourets et autres bancs. Nous apprendrons après qu’une vente de vêtements s’y fera bientôt. L’endroit est parfait, à l’ombre de quelques arbres, nous allons vers 3 femmes assises là et on se lance, nous devrons agir seules, Amine préfère nous laisser. On se débrouillera donc, en français et avec l’arabe auquel Sophia s’essaie… entre femmes et c’est finalement sûrement mieux. Nous leur expliquons, ça les amuse, elles semblent d’accord, elles semblent comprendre, nous sommes toutes heureuses et puis nous sortons la caméra… À quoi, là ici, au milieu ? Maintenant ? une inquiétude, un peu d’hésitation et elles s’encouragent, elles s’amusent de tout cela et ça y est, la première se lance et ne nous donne pas un plat ou une seule recette mais sûrement tout ce qu’elle aime, tout ce qu’elle trouve bon dans cette cuisine qu’elle nous raconte, elle nous donne ensuite non pas une chanson, ou une musique comme on le demande d’habitude mais tout ce qui anime Salé, les gnaouas, les issaouas, la chanson arabe,, Oum Kalsoum et autres que nous ne comprenons pas tout de suite, nous l’écoutons, la regardons, on ne saisit pas tout mais on est bien là, quelque chose se passe. D’autres se lancent ensuite, après avoir rhabillé Isabelle d’un tissu fleuri ! Et puis elles nous offrent aussi une chanson, une berceuse et d’autres airs offerts les yeux dans les yeux, quelque chose se passe.
suspendu(e)s
On est retourné au café “Moulay Mehdi”, hier rendez-vous 19h, notre ami – que l’on a déclaré sosie officiel de Simon Abkaria et qui fait de la figuration dans les films de Van Damme tournés au Maroc – nous fait entrer dans le café, il y a beaucoup d’hommes installés en bas – Salam Aleykoum – il faut monter un petit escalier , on enlève les chaussures, (on se dit que l’on est sûrement les premières femmes à mettre les pieds là) et tout là haut les coussins sont installés, les instruments sont prêts. Pour l’instant personne, et on a peur que le temps nous presse (à nouveau) et que l’on ne puisse pas avoir le plaisir d’entendre la musique, les poèmes, les chansons. En fait, Simo les a prévenu, juste le temps de prendre un café ou un thé de fumer un peu et les instruments s’échauffent. On a eu le droit à notre concert rien qu’a nous, Mohamed qui joue de la derbouka s’est mis à chanter aussi, sa voix a un éclat sensible, il tire une corde qui serait reliée directement au coeur. Il chante en darija, et même si on ne comprend pas les mots, la musique et la tonalité de sa voix nous emmène, au delà des mots… l’émotion du partage.
un autre regard sur la veillée Tom (2)
Au cas où, avec Didier on a trouvé ça
En rentrant par la porte Bab Khémis, c’est juste après la place quand tu vois le monsieur qui vend les amandes c’est à gauche et toujours tout droit.
un autre regard sur la veillée Tom (1)
La bonne surprise
Avant hier, le mari de Sophia, Tom Neal est venu la rejoindre au Maroc. Il a demandé s’il pouvait passer l’après midi avec nous en veillée pour voir comment ça se passait, on a bien sûr accepté (en se disant ça fait toujours une personne de plus pour donner des tracts). En fait Tom est un veilleur du quotidien, il va naturellement à la rencontre des gens, il pose des questions, cherche à comprendre, s’intéresse, il est déjà venu plusieurs fois au Maroc , on sent qu’il aime la langue et qu’elle l’intéresse, il nous aide à trouver les mots qui nous manquent pour expliquer la veillée. On l’a donc inclus dans toutes nos actions, jusqu’a parfois l’avoir mis à deux endroits différents en même temps dans notre planning. Tom fait du cirque, il est spécialisé en roue cyr et en roue allemande du coup il est allé faire un tour à l’école de Shems’y, il fait des photos qu’il nous a confié pour le blog.
Pas-de-musée
Comme on n’avait pas d’écran, on a récupéré la planche qui sert de mur de séparation dans notre quartier général pour faire la projection du portrait de ce jeune homme rencontré dans la rue d’à côté alors qu’il attendait le bus.
Antigone en darija
Maha a traduit en darija plusieurs passages d’Antigone (de Anouilh et de Sophocle). Contrairement à ce qu’on a fait avec Vladimir et Estragon de En attendant Godot, on n’a pas traduit le prénom d’Antigone. C’est délicat de parler d’un personnage qui se rebelle, et on nous explique qu’il n’y a pas d’équivalent à Antigone en darija et dans la culture arabe. On a filmé Abdel Kabir (dit Aldo), un ami du gardien de Bab Khémis, en train de lire le passage d’Antigone, un moment où le chœur raconte l’histoire d’Antigone qui s’oppose aux lois de la cité. Moustafa va lire un passage de Créon, quand Créon s’adresse à Antigone pour qu’elle renonce à enterrer son frère parce qu’elle risque la mort. Oumaïma (acrobate au cerceau suspendu, élève à l’école de cirque et princesse d’Ambouctou, un spectacle du festival Karacena) sera Ismène, la sœur d’Antigone. Maryama dira un passage du monologue d’Antigone dans la rue, racontera l’histoire d’Antigone aux femmes qu’elle croisera. Et posera cette question : qu’est-ce que vous penseriez de moi (Antigone) si j’étais votre fille ? Rencontres très attendues.