Au Chaté, samedi matin

Ce matin, on fait du porte à porte, on demande aux gens de poser devant leur pas-de portes et de nous montrer un objet important pour eux, qui représente leur culture, leur histoire. Samedi, fin de matinée, la plupart des gens sont chez eux et on rencontre beaucoup de Châtelaudrinais qui se prêtent volontiers au jeu. On rencontre M. Hamonou, le frère de Christian, pompier volontaire pendant 40 ans, qui nous présente son casque. M. Hamonou est à 15 mois de la retraite, après avoir fait toute sa carrière au sein de l’entreprise Le Du, groupe de travaux public et plus gros employeur de la ville. M.Hamonou a servi chez les pompiers sous le commandement de M.Guyomard, le mari de Joëlle. Joëlle chez qui nous passons bien sûr, elle nous accueille à bras ouverts: « Les gens du nord! Comme je suis contente de vous voir! J’ai pensé à vous hier soir, votre visite m’a fait beaucoup de bien. » On sonne à une porte un peu plus loin, une dame nous ouvre, son chien Snoopy essaie de s’échapper, mais obéit à Jérémie quand il lui dit de rentrer. « C’est pour un spectacle? Mais j’en fait déjà trop moi du spectacle! C’est moi qui anime le loto! Moi c’est Mme Chapin, y’en a qu’une Chatêlaudrun! », nous dit la dame quand on lui expose le but de notre visite. Le loto, nous irons mercredi et verrons donc Mme Chapin, elle nous montre une peinture sur soie qu’elle a réalisé au club de l’amitié. On rencontre aussi Philippe, qui fabrique et donne des cours de didgeridoo. Il nous montre l’un de ses instruments qu’il a sculpté avec du bois d’orme récupéré au bord de l’étang. Philippe est le fils d’un mineur de Méricourt. À Châtelaudren , ce matin, le monde est vraiment tout petit, et les gens du nord bien accueillis.

Aïkido du Leff

Hier soir on est allé au cours d’Aïkido au Kube, à Plouagat. On a rencontré les élèves et le professeur, Patrick. Il nous a présenté sa discipline, dans laquelle il n’y a pas d’affrontement ni même de compétition. Tout se passe dans un échange d’énergie, à mains nues ou avec des armes en bois. On a déjà filmé beaucoup d’arts martiaux et on aime faire des séquences ou le mouvement devient un tableau. On a beaucoup filmé de judo par exemple. Mais en Aïkido, il n’y a pas de séquences longues. On ne travaille que des décompositions de mouvements. Jusqu’à les rendre harmonieux. on a l’impression qu’il n’y a pas d’adversaire en Aïkido, plutôt un collègue ou un collaborateur. Un mouvement ne peut être réussi que si les deux parties sont en harmonie, synchrones.

En parlant avec Patrick et en l’écoutant enseigner, on comprend qu’on lutte pour le centre, qu’il y a des mouvements de conquête du centre. Et ça nous rappelle les échecs : toute la lutte initiale, toute l’ouverture  comme on dit, n’est qu’une réflexion sur l’influence que l’on développe sur le centre. On en parle à Patrick, qui nous montre avec ses bras à quel point on est dynamiques avec les bras au centre et comment on est empêchés avec les bras ouverts.

Et on pense aussi à la prophylaxie. C’est à dire comment jouer des coups préventifs, qui semblent anodins, mais qui préservent de dangers à moyen ou long terme. En Aïkido, tout est prophylactique. On dirait que c’est son essence même.

Bobigny-Bourbriac-Rostronen-Taverny-Châté

Il y a un rayon de soleil ce matin sur Châtelaudren et la vue panoramique de notre QG n’en est que plus belle. On reste à la fenêtre à contempler la lumière sur l’étang, mais toujours pas de traces du dragon. Hier, on a revu Yvon Le Cuziat qui nous a offert une visite guidée de la chapelle rouge, nous n’avions que peu de temps et Yvon a fait son possible pour condenser la visite. Quand Yvon parle de Châtelaudren , de la Bretagne, on pourrait rester des heures à l’écouter tant il sait conter les histoires. En rentrant de la chapelle on était gelé, on est passé par le magasins sport « Le Cocq sportif » pour s’acheter quelques vêtements chauds. On parle avec M. Le Cocq, le propriétaire, originaire de la région, il a habité plusieurs années à Bobigny où il était préparateur en pharmacie, il a vu les immeubles se construire, la ville se transformer et a eu envie de revenir en Bretagne. Il a alors entraîné l’équipe de football Bourbriac, à côté de Guingamp, il a ensuite entraîné Rostronen. Il nous demande d’où l’on vient, quand Marie lui dit qu’elle est de Taverny, il rebondit, il a joué plusieurs fois contre le COSMO, le club local. Aujourd’hui il tient cette boutique de sport au coeur de Châtelaudren:  » une des dernières de Bretagne, il n’y a pratiquement plus de boutiques comme ça », et il entraîne également le Football Club Plouagat-Châtelaudren-Lanrodec.

Mamie Bretagne

Cet après-midi on a encore beaucoup de rendez-vous. Martine et Marie vont chez Joëlle Guyomard, qui a travaillé plus de 30 ans au petit écho de la mode, elle pliait les patrons- modèles. Didier interview Mélinda, qui nous sert tous les midi au relais du Leff et qui ensoleille un peu le temps maussade par son beau sourire. Le temps est plus que maussade à vrai dire, il est carrément pourri, de mémoire de bretons, personne n’a jamais vu ça en avril, et on peut les croire, les bretons sont chauvins mais pas menteurs. Quand on arrive chez Joëlle, elle tire Marie par la main pour la faire entrer « Entrez vite, c’est pas un temps à rester dehors, c’est terrible je peux rien faire, d’habitude je fais mon jardin, je fais plein de trucs  mais là c’est impossible. » Elle est très heureuse de nous recevoir, elle trouve que Marie est très jolie, elle dit: « pas comme moi, moi j’étais pas jolie », mais c’est faux. On a vu des images de Joëlle filmé par FR3 en 1968, elle est interrogée dans le cadre de son travail au petit écho, et c’est une très jolie femme. Joëlle parle avec nostalgie de ses années au petit écho, quand elle parle de son travail, instinctivement elle refait les gestes du pliage. C’est impressionnant, comme si ces geste, répétés des millions de fois faisaient partie d’elle. Joëlle a 76 ans, elle parle avec regret de sa vie dans l’atelier, de sa vie avec son mari aujourd’hui décédé, mais sans amertume. Elle est aujourd’hui « mamie Bretagne » pour ses cinq petits enfants, ses deux fils l’entourent d’attention. « J’ai de la chance, ils sont tous adorables, mais comme m’a dit un ami, si j’ai tout ça c’est que je l’ai mérité! »

Mississipi (3)

Avec Monette Guernion, on apprends encore plein de chose sur le quartier du Mississipi, c’était un quartier plutôt bourgeois. Les Brossard, patrons du petit écho habitaient ici, il y avait une clinique, un Tennis, le Docteur Maros qui habitait la maison en face de chez Monette, était le médecin de Louison Bobet qui venait régulièrement jouer au tennis avec lui. « On vivait heureux, on était pas tous riches non plus, mais on s’entendait tous bien, la fille de la lavandière, la fille du médecin et moi, on était copines, il n’y avait pas de barrages. Il y avait des familles très nombreuses, jusqu’à 14 enfants! J’en connais un qui s’appelle Bernard, c’est le petit dernier, il dit: ils auraient mieux fait de m’appeler Louis! Louis XIV! On l’appelle comme ça maintenant! » Monette est nostalgique, elle regrette son quartier d’avant et l’entraide qui y existait: » beaucoup sont partis maintenant, il n’y avait pas assez de travail, de mon temps, les filles les plus dégourdies elles partaient à Paris faire les Bécassines! »

Mississipi (2)

On demande donc à Monette Guernion: « ça vient d’où alors ce nom, Mississipi? » Monette rebondit: » Bon, alors, y’en a qui vont vous dire n’importe quoi, comme quoi ça viendrait de Michel Pipi, c’est faux hein! Non, la seule explication plausible ça viendrait peut-être de la guerre d’indépendance en Amérique contre les Anglais, quand les soldats sont revenus, ils ont mis les prisonniers ici…mais on est pas sûrs » cela pourrait coller à ce que nous a dit Yvon Le Cuziat concernant le Colonel La Rouërie, un breton natif de Fougères qui fût l’un des héros de l’indépendance Américaine, « Mais lui on n’en parle pas! y’en a que pour La Fayette! » En tous cas ce nom a un grand succès, l’été les touristes s’arrêtent pour prendre le panneau en photo, il y a quelques années le maire a voulu enlever les panneaux et débaptiser le quartier, il a eu droit à une volée de boucliers et de nombreuses pétitions. « Même des gens qui n’habitent plus là depuis des années ont signé la pétition! » Le Mississipi ne représente qu’une rue mais ses habitants tiennent à leur nom, » à Mississipi on est sur la commune de Plouagat, mais on fait tout à Châtelaudren » nous dit Monette, « Plouagat on y vote c’est tout ».