bout à bout

Danse duo Camille, Texte briques Guy, la mort aux trousses Camille Julien, Danse tatitata Lionel Fanny, Trio Table Dorothée Joris Matthieu, duo portes Lionel Julien, Texte Didier- histoire de la cie, corde volante Fanny, à la caméra Jérémie Camille Fanny t’es artiste, dis-le, corde Fanny, danse sabots en brique Lionel, Briques Didier apporte les briques, Tous danse camarades alphabet, Texte Didier l’histoire de la compagnie, portés avec briques Joris Matthieu Julien, le mur autour de Didier Fanny, Briques & talons hauts Dorothée Lionel, Camille et Valie Export et Jérémie, robe de mariée, Main à main Joris Matthieu, table cendre & corde volante Julien Fanny, Duo robe de mariée Lionel Fanny, corde volante Fanny avec cendre.

l'art c'est ce qui résiste

L’art c’est ce qui résiste, c’est ce qui résiste et c’est être non pas la seule chose qui résiste mais c’est ce qui résiste. D’où, d’où le rapport si étroit entre l’acte de résistance et l’art, et l’œuvre d’art. tout acte de résistance n’est pas une œuvre d’art bien que, d’une certaine manière, elle en soit. Tout ouvre d’art n’est pas un acte de résistance et pourtant, d’une certaine manière, elle l’est.

Gilles Deleuze
Conférence Qu’est-ce que l’acte de création, Femis 1987

une tentative d’essai de quelque chose

Premier filage ou bout à bout ou tentative de premier montage, essai de conduite. Il y a du sang et de la cendre, du talc et des briques des briques des briques. Il y a solos, duos trios collectifs, dansés, acrobatés, dits et lus. Il y a des images et des sons, des musiques. C’est un de ces fourre tout soigneusement orchestré par Guy à coup de petites fiches de couleurs. On essaie ci on essaie ça. il y en a partout, de tous les côtés. Ce soir encore une tentative d’essai de quelque chose avant de repartir chacun vers nos gîtes et maisons. Demain, journée de plateau dense dense. Pour le soir accueillir des spectateurs devant une présentation qui ne sera qu’une fin de labo mais qui sera aussi, comme le dit Marie, un moment de transmission et de partage.

Le même esprit qui a créé ces œuvres d’art a créé aussi cette situation.

Les historiens de l’art sont des gens qui, à l’écart de toute politique, habitent des musées où on expose, outre des tableaux, des pierres taillées et du bric-à-brac vermoulu. A ces gens vraiment tout à fait inoffensifs, il arrive la chose suivante : soudain, une vente d’objets d’arts inoffensive et très réussie, apparaît comme une provocation, et on met le doigt sur l’opposition criante entre le fait qu’on n’a pas d’argent pour acheter du lait aux enfants qui ont faim, et le fait qu’on trouve des sommes énormes pour acheter quelques mètres de toile peinte. Étonnés, les historiens de l’art s’empressent d’affirmer que ce n’est pas parce qu’ils approuvent le prix démesuré des tableaux qu’ils approuvent l’état des choses qui empêchent les enfants affamés d’avoir du lait. Ils croyaient simplement que les deux choses n’avaient pas de rapport. S’il paraît regrettable à d’autres que le nombre d’enfants privés de lait ne cesse de croître, il leur paraît, disent-ils, regrettable que le nombre des gens achetant des œuvres d’art ne cesse de décroître. Selon eux, il ne serait pas dans l’ordre des choses que les formes, comme les firmes, dussent appartenir désormais à un petit nombre de personnes. C’est leur opinion, et elle leur permet de se croire parfaitement révolutionnaire. Mais on doit leur dire qu’ils continuent à faire fausse route – même si cette fausse routes est pavée de pierres précieuses et joliment sculptées. Car il y a, en réalité, un rapport profond et détestable entre peintures et sculptures, et la situation dans laquelle des enfants affamés n’ont pas de lait. Le même esprit qui a créé ces œuvres d’art a créé aussi cette situation. On ne devrait pas voir dans l’art « l’expression de grandes personnalités uniques considérées comme des phénomènes exceptionnels ». Mais alors, il faut être logique. S’il est vrai que des personnalités exceptionnelles dictent leurs prix au monde entier – des prix si élevés qu’il n’est plus question de nourrir ce grand nombre d’enfants tout à fait insignifiant… tant que de telles personnalités hors pair tenteront de faire du monde une expression d’elles-mêmes, une œuvre qui soit la leur, créée selon leur bon plaisir, et bien, il y aura des enfants qui auront faim.

Bertolt Brecht
Écrits sur la littérature et l’art

Seulement la vraie vie est faite de gens

Je trouve effrayant de voir allègrement sabrés, tant au Canada qu’en France, précisément les budgets consacrés à la culture : Comme s’il s’agissait d’un luxe, d’une frivolité, d’une jolie décoration, tandis que, pour les choses « importantes », réelles (la guerre, la sécurité, les prisons, la répression de la violence), on ne lésine pas sur les moyens. Seulement la vraie vie est faite de gens, et les gens sont faits de leur histoire, de leur éducation, de ce, qu’ils lisent, de ce qu’ils regardent à la télévision, en un mot, des histoires qu’on leur raconte. Hors ces histoires peuvent être riches ou pauvres, belles ou indigentes, complexe ou simplistes ; cela va du haïku le plus délicat au jeu vidéo le plus hémoglobiné. Voici un an ou deux, le romancier canadien Yann Martel a eu une idée fameuse. Chaque semaine dans un grand journal de Toronto, il publie une lettre ouverte au premier ministre, Stephen Harper, lui recommandant la lecture d’un roman. Je trouve qu’on devrait faire de même : je suggère que notre chef à nous remplace enfin, sur sa table de chevet La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, par L’Art de la Joie, de Goliarda Sapienza. Je suis sûre et certaine que ce magnifique roman éclairerait sa… lanterne.

Nancy Huston
Le Monde, Dossiers & Documents, juillet-août 2011