Saint Lugle et Saint Luglien

Un week end un peu plus long que d’habitude qui permettra à certains d’entre nous de récupérer un peu. Si on veut prendre soin des autres, faut bien qu’on prenne un peu soin de nous, sinon ça ne peut pas marcher. Genre flâner au grand air, dans un bois ou sur des chemins cavaliers (là où il y avait les chemins de fer des mines). Aller jusqu’à Hurionville ou Burbure. Passer par Ferfay, cité 3.  Et par le terril du 2, tout couvert d’arbres. Des chênes et encore quelques boulots. L’autre jour, en Corrèze, après la Brique, on a rencontré des spectateurs qui connaissaient parfaitement cet endroit du Pas de Calais. Ils habitaient dans le temps, à Lillers (à 7 kms de Ferfay cité 3). Ils connaissaient parfaitement le café théâtre de l’Abattoir dont on parle dans la Brique. Ils ont quitté la région, il y a une dizaine d’années, ils y reviennent de temps en temps, mais, nous disaient-ils, pas plus de 2 jours. Ça nous a blessés, forcément, on est tellement attaché à ce territoire. Tout à l’heure en marchant, dans la vallée de la Scyrendale, on a eu de la chance, les branches des arbres nous ont fait une haie d’honneur tout au long du chemin.

Pas de Céline Dion au bureau

Ouais, ben ouais ! Tous les jours, on va au 11/19, ach’ bureau ! Y a toudis du monde qui passe. Bientôt, on va avoir les commissaires aux comptes au bureau, alors on a installé deux grandes tables supplémentaires et remis la porte entre l’administration et la production. Pour que tout le monde puisse se concentrer sur son taf. C’est Christophe qui s’occupe de tout ça. On s’est réuni pour parler de la saison, de la saison prochaine. Y est temps. On a la tête dans le guidon en permanence, ça fait qu’on n’a plus le temps de voir venir. On est en vadrouille une semaine sur deux. Sur des actions différentes. T’en as même qui reprennent le train le dimanche de Pâques pour l’autre bout de la France. Avant Calais d’un côté et l’hôpital psychiatrique B.D à Étampes, dans l’Essonne, d’un autre côté. Et demain réunion au sommet sur Éperlecques, le spectacle de Lucien Fradin. Pour Avignon. On a déjà sorti le tract. C’est beau, c’est coloré. Marie S. a super mal à l’épaule. On était inquiet mais d’après le rhumatologue, aux dernières nouvelles, pas de panique, ça va passer, si elle prend soin d’elle. Et c’est important. On finirait par oublier qu’on n’est pas des machines.

Henri Laborit : Éloge de la fuite

Ainsi, l’homme des sociétés industrielles va enseigner à ses enfants, et d’autant plus parfois qu’il a souffert lui-même de sa soumission aux hiérarchies, qu’il est situé plus bas sur leurs échelles, à s’élever sur celles-ci. Il est évidemment facile pour un enfant de bourgeois et qui le demeure lui-même, de critiquer ce comportement, alors que tout son environnement lui a facilité son accession à un pouvoir relatif. De même, l’absence d’indépendance économique dans un société complètement organisée sur la valeur économique des individus, ne peut-être non plus considérée comme un facteur favorisant le bonheur. Comment se regarder soi-même avec un certaine tendresse, si les autres ne vous apprécient qu’à travers le prisme déformant de votre ascension sociale, lorsque cette ascension n’a pas dépassé les premières marches ? Comment peut-on parler d’égalité quand le pouvoir, qui crée les inégalités de toutes les espèces, s’acquiert par l’efficacité dans la production, la gestion et la vente des marchandises ?

Nach und nach

On a fait un boulot aujourd’hui, dis. Sacré boulot ! Tu me diras, comme tous les jours. Sauf que là, on a fait des bilans, des constatations, constitué des nouvelles équipes. Expliqué comment ça s’est passé en Corrèze. L’aller, le retour et pendant la tournée. Ça chôme pas. Pas besoin de le répéter mais faut dire ce qui est, ça enchaîne. Les ateliers, les textes de création, le renouvellement de dossier, les projets en co-construction. Et nos projections par rapport à l’année prochaine. Et Avignon, avec Lucien Fradin et Eperlecques. Sans oublier qu’on accueille dans nos bureaux des salariés de Culture qui sont allergiques à la poussière (À C.C, il y a des artistes qui font les fous du volant avec des caisses à savon. Ça scie circulaire et poussière de bois). Que c’est joli, la Corrèze  et la tournée de la brique s’est fondue avec régal dans ses beaux reliefs !

Avec le Phénix (scène nat.), à Valenciennes

Lundi on reprend la Brique et on démarre Nickel, avec une quinzaine de jeunes gens de Valenciennes. On va visiter des usines, dessiner des trajectoires, faire (danser) des percussions corporelles, écrire, faire des films. Pendant quinze jours. Voyager dans nos envies, nos désirs. On va ensemble imaginer des conditionnels futurs, des à venir possibles et déclencher des coups de coeur. Au goût de chacun. En toute liberté, en toute humanité, en toute solidarité. Simplement. On va échanger, faire en sorte que tous s’y retrouvent (se trouvent) comme on découvre qu’on a toujours été follement amoureux, sans qu’on le sache.

Pessimiste dans la pensée, optimiste dans l’action

On pousse à fond les moteurs de notre petite embarcation dans la tempête, les bourrasques et les vagues hautes. Pas un jour qui ne passe sans son lot de questionnements, d’interrogations, de pensées fondamentales. Sans qu’on s’aventure un peu plus loin dans la mer déchaînée. Hier matin, dans le bureau du capitaine du C.C., le bateau amiral de la flotte du 11/19, on a redéfini les stratégies de co-construction, avec les gens du quartier, par le biais des jeunes gens qui rejoindront nos expéditions.

Dans l’après-midi, trois heures d’éducation populaire sur la biodiversité, avec Marie Décima, écologue au 11/19. On sait maintenant où nous vivons. On en sait bien davantage sur celles et ceux avec qui nous vivons. On a voyagé tout l’après-midi dans notre monde le plus proche. Pris conscience que la biodiversité, c’est la condition essentielle de l’existence de tous et toutes. De notre espèce, en particulier, menacée, pour la première fois depuis la nuit des temps, de disparition. Marie Décima nous a bien dit que nous n’en étions malheureusement qu’à un début de prise de conscience. Mais elle est passablement optimiste. Les choses peuvent encore évoluer dans le bon sens.

Cependant on a terminé la rencontre sur un point de folie industrielle et criminelle, pourquoi a-t-on autorisé qu’on sonde le bassin minier du Pas de Calais, à Houdain, Divion, Avion pour y chercher du gaz de schiste (ou de houille), ce qui va polluer à jamais nos nappes phréatiques, déjà fort mal en point, après 150 ans d’exploitation minière et les dégâts écologiques considérables causés par l’utilisation des armes chimiques pendant la première guerre mondiale ?

Aurions-nous définitivement, secrètement, décidé d’en finir avec nous-mêmes, de mourir comme ces rafiots abandonnés, au soleil brûlant, sur la mer d’Aral ?