Carnets de route
lundi matin d'après le stage des briques
Un passage du théâtre écorché sur Warlikowski qui discute avec Georges Banu. Henri David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois. Lacan. Ou Passages Pasoliniens de René Shérer et Giorgio Passerone. La malédiction du parapluie de Lewis Trondheim. Une promenade du côté de la Porte Nord à Bruay Labuissière. Un film, Les Comédiens, tiré d’un roman de Graham Green. Photographie plasticienne, l’extrême contemporain. L’habitat minier en région Nord Pas de Calais (histoire et évolution 1825-1970, tome 1). Un rendez vous à 10h à la Base, à Loos en Gohelle avec une étudiant en master 2 d’études de théâtre à Arras. Le souvenir de la soirée de vendredi et de la semaine consacrée à la recherche. Impro, musique, danse, cirque, théâtre. Entendu sur France Culture Guillaume Canet qui se fâche quand on lui dit qu’il ressemble à Fabrice Lucchini. Lens qui perd ses deux premiers matches de football en Ligue 2 et se retrouve bon dernier. Dans un coin de salon, cinq bourgeois appliqués, curieux, impatients, fixent un point vide dans le mur, qui n’est cependant pas un point quelconque… J’ai voyagé dans le Nord Est et j’ai interrogé des gens qui racontaient qu’ils pouvaient voir leurs vies passées. Pour eux c’est la réalité… C’est l’histoire la plus sensuelle de ma vie…. Des tasseaux de bois marquent la largeur d’une porte ou la hauteur d’une fenêtre; il y a quelques accessoires: un lit, une chaise, un seau… Copacabana n’existe pas.
quand on joue (2)
le cirque de loos en gohelle
Aujourd’hui on implante le décor. Et demain démarre le stage. On pourrait dire que ça démarre aujourd’hui puisque ça bosse fort en ce moment déjà au 11/19. S’agit surtout de monter un échafaudage pour accrocher les cordes volantes de Julien et Fanny. Et puis réunir toutes les affaires. Tous les artistes extérieurs à la région arrivent ce soir. Howard arrive en milieu d’après midi. On passera par le 11/19 pour jeter un oeil avant de rejoindre le gîte de Loos en Gohelle. Et on ira à Sensas Frites à Lens. Histoire d’être tout de suite dans le vif du sujet (comme on dit en Avignon ou le sujet à vif. Tout dépend si on aime la viande saignante). On a préparé les sujets d’impros pour demain et on doit aller chercher les brisques lundi ou mardi. On a cherché des briques usagées sur internet et on est tout de suite tombé sur un vendeur à Fresnicourt le Dolmen (Fresnicourt, c’est là qu’on a fait notre dernier portrait de village, au début du mois de juillet, sous la Smob, le chapiteau de la communauté d’agglos dans le cadre Béthune 2011).
quand on joue (1)
la double inconstance
Heidelberg. Je me souviens de Heidelberg. D’une tournée de « On s’aimait trop pour se voir tous les jours » ( un spectacle construit à partir d’improvisations comme ce qu’on va faire au stage dès lundi) que j’ai quitté pour rejoindre une autre équipe qui répétait une autre pièce. A un autre endroit. De « On s’aimait trop pour se voir tous les jours » à « La Double Inconstance » de Marivaux ou « Les Trois Soeurs » de Tchekov. A Belfort du temps de Henri Taquet (qui dirigeait la scène nationale). Une salle de répétition pas loin de la gare. J’étais revenu d’Allemagne par Mulhouse. J’avais attendu longtemps à Mulhouse pour prendre une correspondance. Pour Belfort. Je me souviens, au buffet de la gare, tard dans la nuit, à une table près du bar, une dame dit à un homme qui boit bière après bière qu’elle l’aime. Une nuit glaciale. A Mulhouse. Dernier train pour Belfort. J’allais me retrouver dans un gîte pour quinze jours. Le week end, je faisais des longues marches autour de Belfort. Je me souviens qu’ on répétait à n’en plus finir la scène d’André et de Natacha quand la belle soeur insiste auprès des trois soeurs pour qu’elles quittent définitivement la maison familiale après le départ de Verchinine. Je passais d’un univers à un autre, qui n’avait rien à voir. La dernière de « On s’aimait trop pour se voir tous les jours » a eu lieu à Montpellier. La semaine dernière, je suis allé au musée de la mine à Lewarde, voir une exposition d’artistes autour de la mine. On y voit des oeuvres de Bertille Bak et de Cléa Coudsi et Eric Herblain (les gaillettes qui font de la musique). En sortant j’ai un pris un prospectus du théâtre de Valenciennes. J’ai pensé qu’on y jouait les Atomics cette année. J’ai dû me tromper de saison.
sur les routes du Pas-de-Calais (5) : une rue de Bruay
vendredi d'avant le labo d'août
On a trouvé un tas de briques sur le bon coin… à Fresnicourt. Le stage démarre dans trois jours. Howard Richard (le chorégraphe) doit être arrivé à Paris. On travaille toute la semaine prochaine. Dès lundi matin à 10H. Les artistes extérieurs à la région arrivent dimanche. On a réservé des gîtes à Loos en Gohelle et Angres. Présentation de fin de stage vendredi 5 août à 19h. Faut réunir tout le matériel et monter les échafaudages et aller chercher le tas de briques. L’idée m’est venue de danser dans des briques. Ou du moins peut on essayer. Alors il faut prendre contact avec le vendeur et louer une camionnette. Et faire le tour de tout ce qui pourrait nous servir en impro. Et qu’on a en stock dans les entrepôts de Culture Commune. Aller faire un tour à la base 11/19.
sur les routes du Pas-de-Calais (4) : cité des électriciens de Bruay
des idées pour la journée du patrimoine (je suis une brique)
Enfin… Rien d’original dans le décor puisque par ici (dans le Pas de Calais) tout est brique. Mais on n’atteint pas au statut de brique en un tour de main. Surtout évidemment quand on n’est pas une brique au départ. Si on est une brique au départ, le problème est réglé. Encore faut il avoir été posé au bon endroit. Est ce qu’une enfance dans les corons est une enfance de briques ?(photos d’enfance dans les corons) Une brique est muette même si comme on pourra s’en rendre compte à travers des expériences d’artistes contemporains on a pu faire parler ou chanter des gaillettes (gros blocs de charbon). On peut se rappeler l’exposition coal et les jeunes artistes Chléa et Eric qui faisaient tourner des gaillettes sur elles mêmes et qui par une technique savante récoltaient le cri de la gaillette retransmise par haut parleur. Semblable au cri de Munch( photo). Quand le cri envahit tout le tableau. Munch est mort à l’âge de trente six ans après avoir tenté sept fois de se suicider. Mais la brique du bassin minier est elle muette ? Si je compare à mon parcours personnel j’ai toujours eu beaucoup de mal à dire ce que je pense, à trouver les mots, je pourrais citer Sartre (quelqu’un qui lit Sartre). Je n’étais pas très cultivé au sens légitime du terme. Alors le cri de Munch ou de qui que soit d’autre, barrage culturel oblige comme dirait Pierre Bourdieu dont la lecture m’a fait l’effet d’une révélation qui m’a permis de faire tomber des pans de mur (en briques) de complexe d’infériorité, m’était, vous pouvez bien me croire, hors de portée. J’ai connu à l’adolescence une période de mutisme presque total, proche de l’autisme et circonstance aggravante, je portais des pulls rouges. Preuve s’il en est d’une enfance de brique. J’étais incapable de la moindre parole tellement j’étais sûr que de ma bouche ne sortiraient que des phrases mal formulées, un charabia , du vomi, quelque chose qui me ferait honte, rouge de honte, rouge (de brique en devenir). On ne devient pas brique du jour au lendemain. On fera très peu de cas d’une brique qui n’appartiendrait pas à un édifice du patrimoine. Il faut des années de présence, sur le site du 11/19 en l’occurrence. Ce qui s’appelle d’une certaine manière faire partie des murs. Ou alors imaginons la cathédrale d’Albi, position très enviée pour une brique qui voudrait marquer l’histoire. On peut voir aussi le boustrophédon de Cléa Coudsi et Eric Herblain fabriqué avec des briques. Rencontres exceptionnelles avec des briques d’exceptions. Des briques au coeur d’une œuvre d’art contemporain. Eric et Chléa ont fait chanter les gaillettes et ils font valser les briques. On peut aussi parler de mon hypertension, sang de brique propulsé avec forte pression sur des parois d’artères en briques comme on le voit bien sur cette échographie (photo) réalisée par le docteur Luc qui exerce à la maison médicale de Lens dont le père était maçon dans les mines et qui est mort d’une crise cardiaque sur le chantier du 11/19. On parle ici d’une époque où il était possible aux enfants d’ouvriers, par l’école, d’accéder aux positions supérieures dans la hiérarchie sociale. Je suis devenu une brique. J’y étais prédestiné. Dans un autre article on verra que ça n’a rien à voir avec les identitaires, ces jeunes gens à têtes rasées qui font de plus en plus parler d’eux dans le bassin minier. Qui ont un cœur de pierre, xénophobe, raciste et antisémite. Dont certains se sont installés à Auchel, ma ville natale, dans une maison de briques. Qui leur tomberont dessus. Les briques ont le sens de la rebellion.





