interhumain

L’oeuvre d’art contemporaine représente un interstice social.  Karl Marx utilise ce terme pour qualifier des communautés d’échanges échappant au cadre de l’économie capitaliste, car soustraites à la loi du profit. Troc, ventes à perte, productions autarciques, etc. L’interstice est un espace de relations humaines qui, tout en s’insérant plus ou moins harmonieusement et ouvertement dans le système global, suggère d’autres possibilités d’échanges que celles qui sont en vigueur dans ce système. Créer des espaces libres, des durées dont le rythme s’oppose à celles qui ordonnent la vie quotidienne, favorise un commerce interhumain différent des « zones de communication » qui nous sont imposées. L’oeuvre d’art contemporaine développe bel et bien un projet politique quand elle s’efforce d’investir et d’interroger la sphère sociale. P. Henry (à propos des nouveaux territoires de l’art)

le haras du pacault

Delphine nous raconte. Ils venaient de Lille. Ils s’étaient installés dans une ferme à dix minutes de là. Mais très vite c’est devenu trop petit.  Alors ils ont trouvé un espace plus grand à Hinges. Pour leur famille et leur quatre vingt dix chevaux. Delphine dit qu’elle ne pense qu’aux chevaux depuis qu’elle a douze ans. Le haras du Pacault est un centre équestre très familial. Mettre l’équitation à la portée de tout le monde. Beaucoup de jeunes viennent passer leur journée au haras. Surtout les jeunes entre huit et quinze ans. Elle accueille les petits à partir de deux ans et demi. Delphine organise beaucoup de sorties, de promenades à cheval dans les environs. L’été, elle organise des randonnées de plusieurs jours. Delphine travaille beaucoup. De sept heures le matin jusqu’à onze heures le soir. Entretenir le matériel. Nourrir, pailler, soigner les chevaux. Et puis accueillir les gens. Elle élève des chevaux arabes et des shetlands. Elle accueille des chevaux en pension. Elle parle des chevaux avec passion. Quand on est arrivé des gens venaient chercher un poney qu’ils ont acheté récemment.

Marie & Marcel (seconde partie)

Marcel a perdu sa mère alors qu’il était dans cette ferme rhénane. Il se souvient de la fermière qui l’a serré dans ses bras, avec tendresse, pour le consoler. Il a les larmes aux yeux quand il raconte ça.
il dit, je croyais que c’étaient des monstres, et en fait c’était comme des frères !
Marie raconte qu’elle a fait la même découverte, en pleine guerre, un jour qu’un allemand est venu à la ferme chercher des œufs, qu’elle lui a tendu, à contrecœur, ses trois derniers œufs et que le soldat lui a répondu qu’il ne voulait pas la priver, que si c’étaient ses derniers œufs, il préférait lui laisser, et s’en passer. Ce petit détail là, ça a fait un électrochoc et que si elle avait su son nom, à ce soldat, elle lui aurait écrit, pour lui dire à quel point ce petit geste changeait tout.
Elle parle de l’Alsace et la Lorraine, et elle dit qu’elle et Marcel se sont rendus compte qu’au fond, les allemands étaient dans la même position qu’eux, exactement, une haine héréditaire, exacerbée par un patriotisme à tous crins, et qu’Hitler avait su exploiter cette haine, mais que tout ça n’était que manipulation de toutes parts, et que quand on a compris ça, seule la paix est possible.
Tout à la fin, Marcel dit Pour conclure, en Allemagne, ici, à la ferme, malgré toutes les difficultés, j’ai toujours appris beaucoup, je peux dire que j’ai eu une vie riche, vraiment ! et Marie dit en riant oh lui, c’est un incorrigible optimiste !

Marie & Marcel (première partie)

On a rencontré ce matin Marie et Marcel Defossez. Ils ont plus de quatre vingt dix ans et soixante cinq ans de mariage. Le couple doyen de Locon. C’était très émouvant. On a parlé plus d’une heure. On a écouté leur histoire. Leurs histoires, leurs petites et grandes histoires. Marcel a toujours su qu’il fonderait un foyer avec Marie. Marie a mis du temps à se laisser convaincre, mais elle dit avec un air coquin, bon, finalement, je crois que j’ai bien fait de me laisser tenter. Faut voir comment Marcel prend soin d’elle, comment ils se soutiennent et s’accompagnent l’un l’autre. Comment ils se complètent.
En 44, Marcel a devancé l’appel et s’est engagé, puis il a été prisonnier de guerre en Allemagne et a fini par s’évader pour revenir, impatient de retrouver Marie. Il raconte ses souvenirs de travail forcé en Allemagne comme une révélation, comme une découverte essentielle. Il dit que, avec un camarade de détention, ils avaient faim, tellement faim, et qu’ils ont étés affectés dans une ferme en Rhénanie, pour travailler, et que la famille de fermiers les a accueillis avec le sourire, leur a servi un bon repas, et leur a dit de manger doucement, qu’il y avait le temps, qu’il ne fallait pas qu’ils se rendent malades. Marcel dit Si vous aviez vu ma tête ! Je m’étais engagé pour tuer jusqu’au dernier allemand, et tout à coup, je me rendais compte que c’était des gens bien. On en avait tellement entendu, depuis l’enfance, et l’enfance de nos pères, tellement de propagande, depuis les guerres de 1870 et de 14-18, qu’on n’avait jamais pensé sous cet angle. C’étaient des gens bien.

hinges locon locon hinges

Les petits carnets sont bien pratiques. Faire le tour d’ Hinges et Locon avec un petit carnet dans la poche. Partir à deux. Distribuer des invitations pour la diffusion du film spectacle pour et avec les habitants d’ Hinges et Locon qui aura lieu samedi prochain à 14h30, 17H30 et 20H30. Parler de notre démarche. Et écrire les gens et tout ce qu’on rencontre. Prendre des notes. Sur les villages et tout ce que ça nous évoque. Hier il a fait un soleil de plomb. Aujourd’hui c’est la pluie. Mais on a des grands parapluies qu’on a achetés sur le marché d’Hazebrouck un jour de Veillée. Hier on a été accueilli à bras ouvert dans toutes les maisons où on est allé. On aurait pu rester beaucoup plus longtemps. Passé la journée avec les gens. Jérémie a marché plus de cinq heures. Entre Hinges et Locon. Et Locon et Hinges. Aujourd’hui on va faire essentiellement du porte à porte. Et Martine va commencer les montages. Pour le film. Hier soir on est allé au chapiteau de la Smob. A l’entrée du spectacle Origines de la compagnie Tourneboulé. On a proposé aux gens de nous dire des citations. Et on a discuté de culture avec les gens. Jusqu’à ce que le spectacle commence. Encore une belle journée qui s’annonce. Ce soir les artistes de la compagnie Porte 27 jouent au camp de réfugiés de Norrent Fontes. A 17H.

il y a de l'air

Entre la mairie et l’école, serpentant à la périphérie des champs et des maisons, à Hinges, il y a des chemins de brouettes, comme on dit à Saint Nazaire. Des petits chemins qui sont sans doute longs puisqu’ils sont balisés en GR. Des chemins de randonnée entre parcs à vaches et lotissements, entre murs de briques et grands fermes, grands champs et bosquets. Il y a de l’air.