Pas de newsletter pour l’instant puisqu’on n’a pas d’évènements à proposer. Si l’on parle maintenant de notre lecture de No Border et de l’exposition y attenante à la Manufacture (chaussures, facebook et vidéo), pendant le festival d’Avignon, en juillet tout le monde aura oublié. On ne manque pas d’activités d’ici là, mais sur un plan plus strictement administratif. On prépare activement la saison prochaine et on remet en ordre les fichiers. On voulait commander un guide annuaire des spectacles mais ça n’existe plus. C’était pourtant bien utile. Pendant des années, on a feuilleté ce guide pour trouver des aides, des coups de mains, des programmations, des productions. Artcena s’occupe de tout cela aujourd’hui, à la place du C.N.T qui a disparu, qui s’est fondu dans Artcena, tout comme l’association Hors Les Murs. Dirigé par Gwenola David.
Actualité
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« La politique, c’est la distinction entre des populations à la vie soutenue, encouragée, protégée, et des populations exposées à la mort, à la persécution, au meurtre. » Edouard Louis
« Menace d’ultra-gauche » : histoire d’une intoxication médiatique et politique, article paru dans le journal, Nantes révoltée
Lafarge, révélateur de l’hypocrisie vis-à-vis du terrorisme/3 0 avril 2018/Marwen/Géopolitique
Pourtant, à l’issue de la garde à vue nous apprenions que celle-ci avait débouché sur la mise en examen de l’industriel breton. De là à y voir la fin de l’impunité des puissants il n’y a qu’un pas, que je me garde bien de franchir. Tout juste peut on y voir l’amorce potentielle d’une prise de conscience plus globale et une première brèche battue dans le mur de leur impunité. Toutefois, il serait naïf et bien indécent de crier victoire après une telle information. Dans le même temps, en effet, la procédure à l’encontre du groupe Lafarge traine en longueur quand bien même Libération a fait des révélations chocs ces derniers jours affirmant que les services secrets étaient au courant des versement du cimentier à Daech. En ce sens, il me semble que le cas Lafarge est à la fois un symbole de cette impunité en même temps qu’un révélateur de l’odieuse hypocrisie vis-à-vis du terrorisme dans notre pays.
La tartufferie incarnée
Il y a quelques semaines la France a de nouveau été endeuillée par le terrorisme. A Trèbes, quatre personnes en plus du terroriste ont trouvé la mort. Cet attentat – dont le sacrifice d’Arnaud Beltrame fut le symbole – a rouvert l’hystérie qui ne manque pas de s’emparer du pays dès qu’une attaque terroriste le frappe. Après chacune des attaques que notre pays a subie au cours des dernières années, nous avons eu droit à une litanie de propositions toutes plus liberticides les unes que les autres. Justification des perquisitions administratives quand bien même leur efficacité est nulle ou presque ici, volonté d’enfermer tous les fichés S au mépris de l’Etat de droit là ou encore accusation d’apologie du terrorisme à l’encontre d’enfants de moins de 10 ans, voilà le spectacle dramatique auquel nous assistons sempiternellement.
Nombreux sont en effet les politiciens à avoir fait de l’hystérie post-attentats leur fonds de commerce de la même manière que la stigmatisation des musulmans dans leur globalité au nom d’une prétendue cinquième colonne semble être devenue le nouveau sport national dans le sérail politicien de la gauche de droite à l’extrême-droite. Ces mêmes personnes si promptes à réclamer l’enfermement des fichés S, l’interdiction du salafisme dans un élan de folie ou encore qui justifient la mise en cause d’enfants sont bien silencieuses face à Lafarge qui a selon toute vraisemblance financé le terrorisme pour continuer à pouvoir travailler et mis en danger ses salariés. Cette hypocrisie est insupportable et révèle bel et bien que ce n’est pas tant la lutte contre le terrorisme qui leur importe mais bien de faire tourner leurs petites boutiques électoralistes en jouant sur les peurs et les divisions.
Taper fort
En regard des faits gravissimes qui sont reprochés au cimentier – et de ce qui, osons le dire, s’apparente à un scandale d’Etat – que convient-il de faire ? Je crois que frapper fort est une impérieuse nécessité. On ne peut pas d’un côté harceler des familles entières en défonçant leur porte et en les sortant du sommeil sur de fumeux soupçons et de l’autre laisser une grande entreprise financer sciemment le terrorisme. Qu’y a-t-il de plus grave entre une personne qui dit « ni Charlie, ni Kouachi » et une entreprise qui participe, au moins indirectement, à la structuration du terrorisme de l’Etat Islamique ? La réponse se situe, me semble-t-il, dans la question.
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, un certain nombre d’entreprises ont été nationalisées parce qu’elles avaient collaboré avec l’occupant. Il ne me parait pas exagéré ou absurde d’exiger le même châtiment en ce qui concerne le groupe Lafarge. Ce qui s’est, en effet, joué en Syrie entre Lafarge et Daech est assurément l’un des visages les plus odieux du capitalisme, celui qui ne pense que par le prisme du profit sans se soucier à aucun moment d’une quelconque éthique. Il parait que mal nommer les choses participent au malheur du monde alors nommons ce qu’il s’est produit en Syrie : pour de sombres raisons mercantiles, Lafarge s’est associé au fascisme sans aucun scrupule. Ce cas est d’ailleurs là pour signifier à tous ceux qui exigent une utopique régulation morale du capitalisme que celui-ci n’a que faire de ce qu’il considère comme des fadaises. Lutter contre le terrorisme c’est également réprimer sévèrement tous ceux qui se rendent complice de lui et Lafarge semble être l’un de ses plus grands complices. Pour ne pas que cette complicité demeure impunie, nationalisons Lafarge !
Finito…
Trouble, la dernière partie de la résidence, c’est terminé. On a fait une générale ouverte aux proches des turbulents vendredi après-midi, les retours sont très encourageants. Tout le monde était très ému vendredi en fin d’après-midi. On a eu du mal à se quitter.
On tient à remercier toute l’équipe des Turbulents pour leur bel accueil, leurs belles énergies, leur investissement et tous les Turbulents pour exactement la même chose.
On remercie également beaucoup Patricio, Gilles, Fathia et Laititia pour leur collaboration artistique à ce projet.
On attend la suite avec impatience.
« En trois jours, je suis tombé amoureux de la Zad de Notre-Dame-des-Landes »/ Un article de Reporterre /27 avril 2018 /Vincent Krakowski/

Venu pour la première fois à Notre-Dame-des-Landes, quelques jours vers le dimanche 15 avril, Vincent Krakowski raconte ce qu’il a vu de la Zad, des zadistes, de leurs soutiens et de la tension avec les gendarmes mobiles.
Vincent Krakowski s’est rendu sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes du vendredi 13 au lundi 16 avril pour la première fois. Cet ingénieur de formation qui vit dans la Drôme a écrit à Reporterre en expliquant : « C’est en lisant le récit que vous faisiez de ces événements que j’ai ressenti l’envie d’aller voir par moi-même ce qui s’y passait et de soutenir la lutte contre l’impérialisme du gouvernement. » À la suite de son passage sur la Zad, il a souhaité partager son expérience et nous a envoyé son témoignage. Le voici.
Comment décrire ce qui passe sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes ? Comment parler de la complexité du mouvement d’occupation des lieux, des énergies qui s’y déploient, des forces qui s’y affrontent sans tomber dans la caricature ? Certain.e.s y sont venu.e.s pour s’opposer au projet d’aéroport. D’autres pour lutter plus largement contre la prédominance du capitalisme, contre un État jugé non démocratique ou encore contre le patriarcat. D’autres encore pour y trouver un refuge, inventer une autre manière de vivre, de produire, repenser le rapport de l’humain à la nature, réinventer les règles du vivre ensemble… en résumé, pour expérimenter de nouvelles formes de sociétés.
Sur la Zad, on trouve des paysan.ne.s, certain.e.s présent.e.s sur la zone depuis toujours, d’autres venu.e.s plus récemment, dont certain.e.s venant de la ville et n’ayant eu jusque-là que peu d’expérience de la terre (des « néoruraux », comme on les appelle). On y trouve également des communistes et des anarchistes, des gens qui étaient bien insérés dans la société et des marginaux, des pragmatiques, des rêveurs et des rêveuses. Certain.e.s sont éleveurs ou éleveuses, d’autres sont véganes. Certain.e.s possèdent des tracteurs pour leurs activités agricoles, d’autres veulent se passer totalement de pétrole. Certain.e.s veulent exploiter la forêt pour avoir du bois d’œuvre et de chauffage, d’autres refusent de tailler la moindre ronce. Et tout ce monde vit là, ensemble, sur les 1.650 ha que compte la Zad, devant concilier avec les un.e.s et les autres, devant apprendre à lutter ensemble pour ne pas se faire écraser par le rouleau compresseur de l’État. Voilà pour le contexte.
- Sur la Zad, le 23 avril.
Pour ma part, je souhaite surtout partager certaines images qui m’ont marqué lors de mon bref passage de trois jours sur la zone, du 13 au 16 avril 2018, pendant les opérations policières de destruction des habitats construits par certain.e.s zadistes dans la partie est de la Zad.
Très vite, je suis tombé amoureux de la zone
Ce qui m’a tout d’abord frappé sur la Zad, c’est le calme et le caractère bucolique de l’endroit par lequel je suis arrivé, des champs et des bois qui jouxtent la fameuse route D281, dont les « chicanes » sont l’une des raisons évoquées par la préfète pour déloger les habitant.e.s des cabanes longeant cette route. Pas un bruit, si ce n’est le chant des oiseaux, des champs tout vert et fleuris, découpés en petites parcelles séparées par des haies bien fournies. Nous étions alors loin des affrontements qui sévissaient depuis le lundi 9 avril. Très vite, je suis tombé amoureux de la zone, de ce bocage préservé, de la flore qui s’y épanouit sans tenir compte du conflit qui embrase la Zad depuis tant d’années. Le lieu est beau et je m’y suis tout de suite senti bien.
Le jour où je suis arrivé, ainsi que les jours suivants, la ligne d’affrontement se situait sur le chemin de Suez entre le carrefour avec la « route des chicanes », au niveau de Lama sacré, et le carrefour de la Saulce avec la D81. Concrètement à quoi ressemble une ligne d’affrontement sur la Zad ? Des barricades où s’entassent pneus, ferraille, carcasses de voiture, branchages et tout un tas de bricoles, derrière lesquelles se réfugient des zadistes au visage plus ou moins couvert, portant keffieh, masque à gaz, casque antibruit, masque de plongée, toisant les gendarmes postés à quelques dizaines de mètres de l’autre côté des barricades. La plupart du temps, c’est relativement calme. Les gendarmes semblent stoïques, les zadistes chantent, scandent des slogans, invectivent ceux d’en face. Mais c’est un calme éphémère et tout à fait instable. Un projectile tiré par un camp ou l’autre et c’est la pluie de grenades lacrymogènes, assourdissantes, incapacitantes ou de désencerclement d’un côté ; pavés et cocktails Molotov de l’autre.
- Sur la Zad, le 23 avril.
J’ai moi-même fait l’expérience d’un de ces moments où la situation dégénère en quelques secondes. Le dimanche, lors du grand rassemblement sur la Zad qui a attiré des milliers de personnes, alors que nous marchions dans la boue, à travers champs pour « escorter » une structure en bois construite la veille afin de la rapprocher le plus possible du Gourbi, lieu emblématique de la Zad où se trouve le « non-marché », nous étions avec deux ami.e.s en train de discuter avec un gendarme pour comprendre ses motivations à venir ici déloger les zadistes, lorsqu’une percée a été tentée pour traverser le cordon de gendarmes qui nous empêchait de passer le chemin de Suez nous séparant du Gourbi.
Dès que les gendarmes ont vu la masse de gens arriver en courant, ils se sont instantanément repliés et ont déversé sur nous une grande quantité de grenades lacrymogènes (ce qui a bien sûr mis fin à notre conversation avec le gendarme). Première lacrymo de ma vie. Les yeux me piquent, la gorge me brûle, j’ai un goût horrible dans la bouche et ce malgré le masque en papier et la vaine écharpe que je portais. La plupart des gens présents ne sont pas des habitué.e.s à ce type d’affrontement, manquent d’équipement et reculent en courant à la recherche d’un peu d’air frais. Ainsi ne passons-nous pas. On se regarde alors de loin avec les gendarmes, de trop loin pour encore reconnaître en l’autre un être humain. Et à l’égard du camp d’en face, qui s’est soudainement mué en un groupe ennemi quand quelques secondes auparavant nous dialoguons d’être humain à être humain, il n’y a plus que colère, voire haine envers celui qui nous veut du mal.
J’ai adoré l’humour et la créativité des zadistes qui s’incarnent sur la zone par des graffitis et autres pancartes
J’ai également été impressionné par l’énergie déployée par les habitant.e.s de la zone et par leur soutien : le nombre de personnes mobilisées, la capacité logistique de gens semblant à première vue désorganisés, capables de préparer des repas de qualité pour des centaines de personnes avec des cuisines rudimentaires, de construire une énorme charpente en à peine une journée et de la transporter sur un kilomètre, de nuit, à travers champs, sans aucun engin motorisé. Et surtout, j’ai été impressionné par leur volonté. Volonté de continuer à lutter quand la puissance de l’adversaire est démesurée, quand tous les jours ce qui a été construit la veille est (à nouveau) détruit, quand les heures de sommeil se font rares, que le bruit de l’hélicoptère, volant juste au-dessus de nos têtes, nous harcèle jours et nuits, que les muscles sont endoloris par l’effort et les longues marches dans la boue, que soi-même ou les ami.e.s ont été blessé.e.s par les éclats métalliques projetés par les grenades de désencerclement, les tirs tendus de lacrymo ou de Flash Ball.
La destruction du Gourbi version 5 (les quatre premières ayant toutes été détruites par les gendarmes lors de précédents affrontements) le lundi où je suis parti [le 16 avril] m’a mis en colère. Que d’énergie mise en mouvement en vain ! C’était couru d’avance et les zadistes le savaient. Ils et elles le savaient mais ont quand même construit et déplacé cette charpente. Tout était dans le symbole : montrer que rien n’entamera la volonté des habitant.e.s à reconstruire, quelques soient les forces déployées en face pour détruire.
Enfin, j’ai adoré l’humour et la créativité des zadistes qui s’incarnent sur la zone par des graffitis et autres pancartes. En voici quelques exemples :
- « Des collectifs, parce que c’est notre prrrrrojet » (pancarte devant la ferme de la Wardine) ;
- « Ici, permis blindé pas cher » (pancarte posée là où le blindé des gendarmes s’est embourbé) ;
- « Destruction : déjà un million d’euros. (Re)construction : prix libre » (pancarte posée au lieu-dit du Gourbi, à l’endroit du non-marché) ;
- « Nicole Klein m’a radicalisé » (pancarte posée je ne sais plus où, Nicole Klein est la préfète de Loire-Atlantique).
- Sur la Zad, le 23 avril.
Et tous les slogans que nous avons chantés lors du transport nocturne, par 300 personnes, de la charpente (2 tonnes et 10 mètres sur 5 à la base !) devant servir à la version 5 du non-marché au Gourbi pour nous donner du cœur à l’ouvrage :
- « On est plus chaud, plus chaud, plus chaud que le lumbago » ;
- « On monte plus haut, plus haut, plus haut que l’hélico » ;
- « Nicole est étourdie, la charpente va au Gourbi » ;
- « Charpente, debout, soulève-toi ! ».
En terminant ce texte, j’ai une pensée pour toutes celles et tous ceux qui se sont installé.e.s sur la Zad pour lutter contre le projet d’aéroport, mais aussi pour montrer qu’un autre monde était possible, et dont la maison a été réduite en morceaux par des pelleteuses à la demande de l’État. A celles et ceux que l’on présente comme « squatteurs », « casseurs »,« profiteurs du système », qui cherchaient surtout leur place dans cette société dans laquelle elles et ils ne se reconnaissaient pas, vivant de peu de choses, de ce qu’elles et ils trouvaient sur place, de la solidarité qui anime toute la Zad, de la seule force de leurs muscles et de l’intelligence de leur cœur. 2.500 gendarmes, des milliers de grenades, des drones, des hélicos, des camions, blindés et autres pelleteuses, n’était-ce pas exagéré pour expulser cette poignée de rêveurs et rêveuses, pour détruire des habitats uniques en leur genre ?
Trouble infini…
Vendredi matin. C’est le dernier jour. A 14H, on va montrer notre travail à une petite poignée de personnes triées sur le volet pour avoir des retours et clôturer cette période de résidence.
Tout le monde est excité, un peu stressé, faut bien le dire. Troublés, peut-être.
Mais aussi, très content du travail effectué depuis 7 semaines désormais.
HVDZ va être bien triste ou du moins, ému de partir ce soir. Mais on sait qu’on revient en septembre et comme le dit le vieux proverbe: A tout vivant, une fin!