Il y a…il y avait…

Avant il y avait une petite boite familiale…

Avant il y avait de bonnes conditions de travail…

Avant il y avait des relations personnalisées…

Avant il y avait de l’entraide…

Avant il y avait des avantages pour les salariés…

Avant il y avait  une banque dans la boite…

Avant il y avait une cantine…

Avant il y avait la charrette du restaurant…

 Avant il y avait le journal interne…

Avant il y avait un esprit d’entreprise…

Maintenant il y a la rentabilité…

Maintenant il y a le bénéfice…

Maintenant il y a la suppression de poste…

Maintenant il y a les grèves…

Maintenant il y a la tristesse…

Et demain?

« La Charrette du Restaurant », c’était quelque chose

La culture de l’entreprise ça voulait dire : les amitiés fortes, la solidarité, les fêtes, le sport, les sorties, la bibliothèque, c’était aussi « Le Journal Interne », qui sortait toutes les semaines, avec les annonces de chacun, avec les transferts de services, les nouveaux matériels… un lien important entre les employés, l’occasion de se rencontrer.
Et puis, à La Redoute, la culture de l’entreprise c’était aussi « La Charrette du Restaurant ». À l’époque où le restaurant était tenu par des employés de La Redoute, tous les jours, « La Charrette du Restaurant » passait de services en services, au moment de la pause de chacun, avec des petits pains et on se retrouvait autour de « La Charrette », un moment important dans la journée, pour lier des liens et rigoler. Mais, depuis que le restaurant n’est plus Redoute, depuis que le restaurant est passé dans les mains de professionnels de restauration, « La Charrette du Restaurant » c’est fini.

Une vie-Redoute, difficile d’en faire le deuil

Christophe est tombé dans La Redoute quand il avait 7 ans, au moment où sa mère a été embauchée à la saisie des commandes. Ensuite il y a travaillé, déjà avant de partir à l’armée, en intérim de vacances, puis après l’armée. Ça a été le service sécurité, l’exploitation informatique, l’équipe de nuit, la qualité textile, le linge de maison, le poste qualité cadeau, le contrôle statistique. Il a passé 29 ans dans l’entreprise. La Redoute, ça a été une grande famille, ça a été tous les amis, ça a été les repas, le sport, les sorties, les vacances. La Redoute, ça a été tous les moments de la vie. D’ailleurs, quand on partait dans n’importe quel coin de France, dans n’importe quel camping, partout, quand on disait on était de La Redoute, on était fier parce que tout le monde connaissait notre entreprise, tout le monde avait le catalogue. On a tout investit dans La Redoute, alors ça a été difficile de supporter la rupture, difficile de partir, difficile de faire le deuil.

Le retour à l’allemande

Le « retour », une vraie culture à la Redoute. Une institution. Beaucoup de clients commandaient plus que nécessaire et retournaient ce qu’ils ne voulaient pas.
Ce qu’on appelait le « retour à l’allemande », c’était un phénomène qu’on avait plus souvent remarqué quand La Redoute envoyait des colis en Allemagne ou en Autriche. Le « retour à l’allemande » donc, c’était un mode de fonctionnement bien particulier : le client, qui choisissait un pull qui existait en trois couleurs, le commandait dans les trois couleurs, et le commandait dans trois tailles pour chaque couleur (sa taille, la taille au-dessus au cas-où, la taille en-dessous au cas-où) et donc il commandait 9 articles, les essayait chez lui, en gardait 1 et retournait 8 articles à La Redoute !

Les enfants au pouvoir

0504-tableau-classe-ecole.jpg

Ce matin on a fait un téléphone arabe : « j’aime bien le théâtre » est devenu « j’aime manger le théâtre avec des brochettes et des merguez grillées ».

J’aime manger le théâtre !! Les enfants au pouvoir !
On leur a demandé ce qui leur venait à l’esprit quand on leur parlait de La Redoute.Des camions, beaucoup de camions, des habits et des chaussures. Et puis des licenciés, des gens qui sont au chômage. Ils ont écrit les mots sur un papier, et ils ont préparé des petites scènes. Le patron vire un employé parce qu’il est trop vieux. Il en embauche un plus jeune, et le jeune livre des habits et des chaussures au vieux qui est au chômage.
La boucle est bouclée ! Avec les enfants ce n’est pas triste, au contraire, ça finit en vaudeville : « Ciel, mon vieil employé ! » dit le patron qui travaille avec son livreur (!).

Un après midi à la Martinoire

On est parti avec Mourad et Camille à la rencontre des habitants du quartier de la Martinoire. A cette heure de la journée, en période de vacances scolaires, les rues sont étrangement vides. Alors on sonne aux portes. Un couple nous reçoit, chaleureusement. Nous expliquent qu’ils vont bientôt quitter le quartier pour la baie de Somme. Leur maison est vendue, les cartons sont prêts, ils donnent tout leur mobilier aux voisins et amis. Pour repartir à zéro, à soixante ans. Après avoir élevé sept enfants, ils veulent penser à eux et prendre comme ils disent « leur indépendance ». Ils nous parlent de la délocalisation, de la disparition programmée des classes moyennes, des pauvres, toujours plus pauvres, de la lâcheté des politiques. Ils se prêtent au jeu du portrait chinois. Puis on a vu le restaurateur de l’Orient Express. Il se désole de la situation de crise à la Redoute : les licenciements  impactent directement son commerce, c’est compliqué d’envisager de rester quand il y a de moins en moins de monde. Un homme nous a dit, la Martinoire, si c’est un plat, c’ est un plat à deux entrées, la Martinoire, si c’était une musique, ce serait les négresses vertes, pour le mélange des genres musicaux. Plein de gens n’ont pas voulu répondre parce qu’ils ne sont pas d’ici.

La sous-traitance

La Redoute sous-traite. Pas seulement son système de livraison ou de conditionnement. Elle sous-traite ses employés, ses ouvriers. Nora nous raconte que quand elle a commencé, en 92, avec sa cousine, elles avaient hâte de se retrouver le lendemain, elles étaient toujours volontaires pour travailler le samedi. Il y avait une bonne ambiance. Quand elles avaient atteint l’objectif de la journée, elles mettaient de la musique et elles discutaient. Et puis, l’objectif est passé de 1400 à 2000 colis par jour… Il y a eu de plus en plus de travail, dans un espace de plus en plus chargé, avec de moins en moins de temps pour le faire. Alors Nora a fini par se casser la clavicule, à force de porter les catalogues et de manœuvrer la « charrette ».
Nora ne regrette pas d’être partie à l’époque. Car La Redoute n’a pas arrêté de sous-traiter ses employés depuis.

Tout se passait dans le meilleur des mondes.

fullsizerender.jpg

Il était une fois Brigitte Flamand et Frankie Beulens.
Il était une fois le récit incroyable de ces deux employées au sein de La Redoute.
C’est en en 1968 que leur aventure commence.
L’une d’abord ouvrière à la correspondance, agent de maîtrise puis cadre, l’autre responsable au service des réclamations qui ensuite a eu  » la chance » d’évoluer en allant au service marketing.
 » L’évolution était possible et très fréquente à l’époque. »

 » La Redoute ? C’était une entreprise familiale ! C’était humain.
On sortait de l’école et les chefs nous maternaient.
On venait travailler avec plaisir, on ne se posait pas la question ! S’il fallait travailler le samedi on venait, on ne regardait pas les horaires, on était pas aux 35 heures et il y avait les,heures supplémentaires obligatoires ! On travaillait et nous décidions nous même du rythme de production. On finissait le travail.
Et puis il y avait la Sainte Catherine, fallait voir les chapeaux ! le club de vélo, la bibliothèque pendant les pauses, une semaine de vacance pour les enfants, des bons naissance.
On était pas des numéros !

Mais ça c’était avant, avant qu’Il n’arrive. Là c’était plus pareil.

Danse la vie, danse

On est décidément très bien à la maison pour tous de la Martinoire. On voit plein de gens à l’intérieur et à l’extérieur. C’est une maison qui brasse du monde et des idées. C’est une maison bien connue par les habitants du quartier et les gens qui travaillent à la Redoute. Ce matin, on a fait du porte à porte, des ateliers avec les jeunes du centre de loisirs et des entretiens filmés. On a eu la visite d’une journaliste du journal la Vie et d’un photographe. Cet après midi, on est allé sur le marché du quartier de Beaulieu, danser et faire des portraits citations. Danser la valse. C’est toujours un peu surréaliste, un peu situationniste mais ça plaît à tout le monde. C’est une façon de montrer qu’on est là, de nouer des contacts et de faire participer les gens au film spectacle. Il y avait peu de commerçants mais ça ne fait rien, tout le monde a dansé. A force de danser et d’entrainer ici et là tout le monde dans la danse, quelque soit le temps et les endroits, on pourrait envisager d’aller danser jusque dans les ateliers de la Redoute.