Il y aura des traces. Comme dans le boue devant la base 11/19. Chaque pied y inscrit sa trajectoire, si insignifiante fût – elle. On n’y reviendra plus forcément, on oubliera peut – être un peu, mais il y aura des traces au plus profond.
Il y a des visages, de ceux qui ne nous marquent pas d’habitude parce qu’on ne s’y arrête pas.
Le visage d’une jolie jeune fille croisée sur la route alors qu’on rentrait d’une lecture.
Le visage de Bertha vu sur les images de la vidéo sans son, beau visage.
Le visage mi étonné mi goguenard des gamins du collège qui finissent par venir dire du Beckett et du Harms.
Il y a des détails, les lunettes et les bijoux de Berthe, impeccable. Berthe qui brille de bienveillance pour ceux qu’elle accueille chez elle, la Leffe bue chez Marie – France et Bernard, les cafés toujours prêts à l’EPAA et long à passer à la médiathèque, il y a le client de Paulo tout heureux de nous recroiser dans la rue, amical comme si on se connaissait depuis des années.
Il y a les mots, les histoires, enjolivées peut – être, mais la pudeur du populo, qui comme dit la maman de Sarah faut pas raconter les misères. Alors il y a les bonheurs, les fêtes, les ducasses, les enfants, les ptits bouts et les ptits peu : on était plus solidaires, on se parlait, on était 29 nationalités, on avait du travail, dur, mais du travail, les lever à 3h / 4h du matin, et la débrouille.
Il y a Jean – Kri, avec son petit sourire en coin qui questionne Nadia : alors c’était mieux avant ? elle a dit Je suis pour le droit à la paresse – mais le travail, comment dire ? – ça donnait une dignité…
On pense à la jeunesse grecque révoltée, trace d’espoir :
Nous sommes ici, nous sommes partout, nous sommes une image du futur