Rencontre avec les détenus de la Maison d’arrêt

C’est difficile d’écrire ce soir. On est chargé d’émotions. On a passé une après-midi incroyable. Un peu avant 13h, on s’est retrouvé à la Marnaise pour charger les instruments de musique et la roue Cyr, démantelée en trois bouts. A 13h et des poussières, nous étions tous devant la porte d’entrée de la Maison d’arrêt. Madame Lopez nous y attendait. Quelques personnes venues pour le parloir sont entrées en premier. Puis, au compte-goutte, par petits groupes, nous sommes entrés nous aussi à l’intérieur.

13h30. Sas, portes, portiques, détecteurs rythment le trajet de la porte d’entrée jusqu’au gymnase. Il faut faire vite, bientôt des mouvements auront lieu dans la prison, des allées et venues de détenus, et il faut que nous regagnions rapidement le gymnase. Là, le professeur de sport a installé des chaises en plastique. Les circassiens prennent l’espace, s’échauffent et s’installent. 14h10. Petite répétition de la chorégraphie collective, à peine le temps de remonter la roue Cyr, et déjà les premiers détenus hommes arrivent. Ce sont ceux de la 1ère division. Ceux de la 2ème division vont suivre, quelques minutes plus tard. 14h20. Le public est là. Une cinquantaine d’hommes, de tout âge, attentifs, présents. Tendus, généreux, audacieux, enthousiastes, les circassiens se lancent et jouent! Ils jouent de la musique. Ils jouent entre eux, ils dansent, se portent, jonglent, tournent dans la roue, lancent des regards au public, sourient, hésitent, se reprennent, et donnent toujours plus. A la fin de la présentation une discussion s’engage, c’est un beau moment, chaque groupe est face à face. Le groupe des circassiens, le groupe des détenus. Pas facile de savoir si on a touché ceux assis là-bas, tout au fond… Mais si! ça les a impressionnés, la souplesse, l’agilité. Les mots ne sortent pas facilement, mais les regards parlent. Un monsieur sourit et fait « bravo », avec la tête.

15h00. Les hommes regagnent leurs cellules. 15h15. Les femmes arrivent. Elles sont 20. On a changé la disposition des chaises pour qu’elles puissent s’asseoir en demi-cercle, et être ainsi plus proches de nous. La présentation commence. Rapidement, la musique entraîne tout le monde. Les femmes frappent des mains, rient, applaudissent. La frontière entre acteur et spectateur s’efface peu à peu. Tout s’échange et se partage, dans une grande énergie, d’écoute et de douceur. Les duos de danse, les portés acrobatiques, la roue Cyr s’emmêlent et se répondent, grand écho au désir profond de donner de soi, qui est là, palpable. 15h45. Fin de la présentation, début de la discussion. Les femmes nous disent: « On ne s’attendait pas à ça. On ne s’attendait pas à voir un vrai spectacle ». Elles nous disent aussi qu’elles ont oublié qu’elles étaient détenues. Pendant une petite demi-heure, parenthèse, échappée, évasion. Elles étaient « ailleurs ».

16h30. Retour au QG. On retrouve Guy et Martine. On leur raconte. On essaie de leur raconter. Les mots nous manquent. Alors on prend le temps d’échanger entre nous, de partager cette rencontre, de l’intérieur. C’est feutré, intime et sensible, ce moment ensemble au QG. C’est sincère. Didier nous rejoint et nous écoute. Il aurait aimé être là aujourd’hui mais il donnait une lecture, à Dunkerque. Des textes de Marie Desplechin, sur les saltimbanques. Alors les saltimbanques du CNAC lui racontent ce qu’ils ont vécu. Et le partage continue.

Il continuera demain, avec une matinée de rencontres, encore, au lycée Bayen, à l’IME.

Après-demain, avec une intervention à la maternelle rue Clovis Jacquiert.

Après-après-demain, à l’Entresort, pour les répétitions du spectacle, puis, à 19h, le film spectacle de cette  « Veillée # CNAC »  avec et pour les habitants, de Châlons en Champagne.

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