Avoir le sens de l’ à-propos, c’est aussi reconnaître qu’il manque parfois et qu’il faut »passer » à autre chose. « J’ai un dictionnaire tout à part moi : je passe le temps, quand il est mauvais et incommode ; quand il est bon, je ne veux pas le passer, je le retâte, je m’y tiens. » En moraliste modeste, Montaigne sait qu’il existe des cycles et que tous les « temps » ne se valent pas ; « il faut courir le mauvais et se rasseoir au bon. » Cette vie, écrit Montaigne, » il y a du ménage à la jouir : je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance dépend du plus ou moins d’application que nous y prêtons ». Le bonheur et le courage témoigneraient-ils d’un même effort? « Principalement à cette heure, que j’aperçoive la mienne si brève en temps, je la veux étendre en poids ; je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma saisie, et par la vigueur de l’usage compenser la hâtivité de son écoulement. A mesure que la possession du vivre est plus courte, il me faut la rendre plus profonde et plus pleine.