Durer, c’est incessamment se transformer, à la manière d’un « verre d’eau sucrée ». L’eau et le sucre prennent « leur temps » pour former l’eau sucrée. Pas de différence de nature entre le changement d’état et l’existence au sein d’un état, puisque l’état est ce qui se transforme, ce qui ne peut s’isoler, ce qui génère en lui-même une pluralité indéfinie: « La conservation du passé dans le présent n’est pas autre chose que l’indivisibilité du changement. » A chaque instant, le passé est partiellement présent à la conscience. Le présent résulte de la survivance d’une multiplicité d’états passés, de la conservation d’une infinité de vécus. Une « attention infinie » ne saurait distinguer l’Avant de l’Actuel, lesquels résultent de notre détachement, de notre propension à l’oubli: le passé, c’est ce que nous abandonnons du présent. La mémoire est inhérente à notre faculté d’attention à la vie.