Entre la nostalgie et l’espoir d’un avenir plus équitable

On refait le monde. On a parlé, par exemple, d’Ikea. On en revient à la ferme pédagogique. Ce que l’on ne voit plus. L’origine des choses. Le début de la chaîne de production. Comment on fait les choses, et comment aujourd’hui on éloigne de nous la production. Porter les œillères sur l’origine des choses nous permet de consommer plus. Plus de produits, plus d’énergie, plus de richesses. Mais la planète n’est que ce qu’elle est et si la finance multiplie les petits pains et les marges aux actionnaires, les richesses de la terre et la force de travail de l’humanité ne sont pas aussi exponentielles qu’ils le voudraient. Esclavage et culpabilité.
On consomme beaucoup et de moins en moins cher. Ikea, C&A et autres H&M. Quel est le prix a payer pour que les pauvres de l’hémisphère nord puissent se donner l’illusion d’être riches ? Trouver plus pauvre, par exemple dans l’hémisphère sud ? On se souvient d’une enquête du journal Libération qui parlait des rabatteurs des grandes usines textiles. Des rabatteurs qui allaient dans les campagnes pauvres de l’Inde pour proposer aux jeunes filles trois ans de travail contre une dot. Trois ans dans les usines du Tamil Nadu, enfermée, avec des horaires et des conditions de travail inhumains. Trois ans d’esclavage contre l’illusion de pouvoir faire un bon mariage, devenir consommateur à son tour. Pensée aussi pour le travail de l’artiste Ursula Biemann sur la frontière américano-mexicaine, Ciudad Juarez, où des milliers de femmes viennent travailler dans les usines d’assemblage électronique. Les Maquilladoras. Au risque de n’être que les engrenages d’une chaîne d’assemblage. Il n’y a qu’un pas qui a été si vite franchi vers la femme objet, exploitation sexuelle, prostitution, assassinats.
On a entendu parler d’un travail de recherche qui avait établi une sorte d’indice « équivalent esclave », c’est à dire que les richesses que l’on consomme sont traduites en force de travail. Un européen moyen aujourd’hui, consommerait plus d’« équivalents esclave » que Louis quatorze lui-même. Le monde capitaliste est conçu de telle sorte que notre frustration grandisse autant que notre richesse et que notre indifférence à l’exploitation dont nous sommes responsables.
On a parlé d’autarcie. De nécessité de réapprendre l’origine des choses. Faire. Aller rencontrer le début de la chaîne. Se poser la question de nos besoins, des conséquences de notre incapacité à affronter nos frustrations de pauvres.
Ici, à Henin-Beaumont, on a entendu parler de made in china plus d’une fois.
L’image serait au fond de la prairie où la jument, les chèvres et les moutons de la ferme pédagogique broutent, derrière le potager, l’enseigne Ikea, immense. La ferme pédagogique comme un bastion de résistance ? Ou comme le musée d’un temps révolu ? Entre la nostalgie et l’espoir d’un avenir plus équitable, plus partageur.

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