frédéric lordon (2) -carnets de route-

… Je crois que je suis venu à « l’idée communiste » par inadvertance, en fait, comme si j’avais été victime de mon propre jeu de mots sur la récommune. Récommune est le nom qu’on devrait donner à toute ollectivité productive : car de même que la république est la res publica – la chose publique, c’est-à-dire la chose qui appartient à tout le monde parce qu’elle concerne tout le monde –, une collectivité productive est une enclave de vie partagée et qui, comme telle, appartient à tous ceux qui la partagent – elle est donc une res communa, une récommune. Je voulais ainsi rendre plus facilement audible l’idée que, si nous reconnaissons sans difficulté la démocratie comme forme de la république, il devrait « logiquement » en aller de même pour la récommune productive. Je pense que j’ai toujours été sidéré par le fait que, dans une époque qui se gargarise d’individualisme et de démocratie, nous acceptions si facilement l’idée que l’entreprise demeure régie par des rapports médiévaux : quelques-uns commandent et les autres doivent obéir. Comment une telle incohérence, une telle injustifiable dépossession est-elle à ce point soustraite à la critique ordinaire ? C’est contre cela que l’idée de récommune est construite. Alors, après, il y a comme une irrésistible logique des mots : récommune, ça donne récommunalisme… ou récommunisme. Et c’est là que je me suis aperçu de où j’étais arrivé. Comme par ailleurs ce qu’il y a de plus intéressant dans le débat intellectuel d’aujourd’hui tient aux diverses revitalisations de « l’idée communiste », je me retrouve, de fait, peu ou prou inséré dans ce mouvement mais presque sans l’avoir cherché… Que les forces anticapitalistes aient si peu de réussite politique en une époque où la délégitimation du capitalisme est évidente à un si grand nombre est un paradoxe qui ne laisse pas de m’interroger. Pour dire le moins…

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