Quand les fragments demandent leur espace

Aujourd’hui, on a commencé à paufiner l’exposition. Les articles du blog sont sortis de l’écran pour rejoindre les tirages de Dorine. Les mots ont quitté leur ligne droite pour venir se poser à côté des visages, des gestes, des silences. On n’assemblait pas encore vraiment. On cherchait surtout où chaque chose devait respirer.

Il y avait cette matière particulière entre les mains: des fragments de journées, des phrases écrites après coup, des images prises dans l’instant. Tout parlait déjà, mais rien n’était encore décidé. On déplaçait une photo de quelques centimètres. On changeait l’ordre d’un texte. On essayait sans chercher à fixer. Comme dans le protocole même des portraits turés, rien ne devait être figé trop vite. Il fallait laisser venir.

La scénographie se dessinait lentement. Pas comme un parcours imposé, mais comme une traversée possible. Les photos ne demandaient pas à être encadrées dans un discours. Elles avaient besoin d’espace. D’air entre elles. De silences. Les textes venaient alors comme des reprises, jamais comme des explications. Une phrase posée à côté d’un regard. Un paragraphe face à un corps arrêté dans son mouvement. Chaque rencontre retrouvait une place qui n’était ni centrale ni marginale. Juste juste.

Ce qui se préparait là, ce n’était pas une exposition au sens classique. C’était un dépôt. Un endroit où les traces pouvaient se tenir sans être commentées de force. Dans le protocole des portraits turés, les rencontres ne deviennent pas des événements. Elles restent ce qu’elles ont été: des présences, parfois brèves, parfois intenses, parfois presque ordinaires. La scénographie devait respecter cela. Ne rien dramatiser. Ne rien souligner inutilement. Offrir seulement un espace où ces instants puissent continuer d’exister.

On sentait que le montage de demain serait autrement plus précis, plus décisif. Aujourd’hui, c’était encore le temps du flottement, de l’ajustement sensible. Le temps où les choses se cherchent avant de prendre leur place. Les tables se remplissaient doucement. Les murs commençaient à appeler les images. Les textes attendaient leur voisinage.

Demain, on fixera. Demain, on coupera peut-être. On déplacera encore. On décidera. Mais aujourd’hui était nécessaire. Aujourd’hui, on a simplement laissé les rencontres revenir à nous, une à une, pour voir comment elles voulaient être regardées.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.