Aujourd’hui, Camille était là. Et avec Camille, il y a toujours un petit quelque chose en plus, une manière de déposer de la vie même quand elle pense passer inaperçue. On travaillait tous dans la salle, concentrés sur le montage du documentaire, chacun plongé dans son écran, dans ses images, dans ses casques… et pourtant, la vraie bande-son de la journée ne venait pas des ordinateurs.
Elle venait de Camille.
Parce que Camille, quand elle se concentre, elle chante dans sa tête. Sauf qu’elle oublie parfois que sa tête déborde un peu. Alors on a eu droit à tout: des refrains qui surgissent sans prévenir, des « humm » qui marquent le rythme, des débuts de couplets qu’elle lâchait avant de s’en rendre compte, et même un petit décalage épaule-nuque qui accompagnait le tout. Un jukebox involontaire, mais constant.
À un moment, Alexandre a levé les yeux de son écran, mi-sérieux, mi-amusé, comme s’il était en train d’essayer de savoir si c’était un bruit de micro ou la playlist interne de Camille. Martine a souri sans se retourner, parce qu’elle, elle sait déjà reconnaître les « versions brouillons » des chansons de Camille. Thomas a soufflé un rire très discret, celui d’un homme qui tente de remettre de l’ordre dans les mots tandis qu’une voix juste à côté réinvente le chaos musical.
Et pourtant, il n’y avait rien d’envahissant. Au contraire. Ces petits débordements sonores donnaient du rythme à la salle, comme un fil invisible qui reliait tout le monde sans que personne n’ait à parler. On avançait dans le montage, chacun dans son rôle, mais c’est Camille qui donnait la pulsation. Une pulsation un peu bancale, parfois, mais terriblement vivante.
En fin d’après-midi, elle s’est tue d’un coup, absorbée par une série d’images. Et là, paradoxalement, on a tous senti le manque. Le silence tombé d’elle avait quelque chose d’étrange, comme si on avait coupé la radio d’une voiture en plein trajet.
Alors oui, aujourd’hui Camille était là. Et la journée a eu ce quelque chose d’un peu plus drôle, d’un peu plus chaleureux, un peu plus habité. On a monté un documentaire. Elle, sans le décider, elle a monté l’ambiance.
