PASCALE – UN RÉCIT DE FERFAY – Partie 2

LE FAMEUX INSTITUTEUR

(Chez Rose-Marie déjà, on avait entendu parlé de lui.)

Pascale : C’est vrai que nous on avait un instituteur très strict. Monsieur Héroguelle, il prenait les garçons sur ces genoux et pan pan pan (moi, ça ne m’est jamais arrivé). Il les prenait par les pieds et il les tenait comme ça.

Guy : Il nous faisait défilé dans la cour, les mains sur la tête, en plein hiver, en t-shirt. Je me souviens, il y avait de la neige, de la glace. Les mains sur la tête, on devait répéter : je suis bête. Je le détestais. Il disait à toute la classe : « vous allez voir, je vais lui demander de réciter sa poésie, et puis je vais l’interrompre et il saura pas reprendre. » Et je commençais ma poésie, il m’arrêtait et de fait je n’arrivais pas à reprendre.

Pascale : Moi, j’ai jamais connu ça. J’étais quand même, on va dire, une bonne élève, une très bonne élève.

Guy : Ben, mi aussi ! Mais il me tapait dessus.

Pascale : Tu te souviens de Joseph Libessard ? Bon, il est décédé. Une fois, on faisait une rédaction, on n’était pas les meilleurs en rédaction, forcément. À la maison, on n’avait pas de livre, on n’avait pas de vocabulaire.

Guy : On mettait des mots en patois.

Pascale : Un jour Joseph Libessard il avait écrit : « Je suis queu dans ch’l’a yure ». Ça veux dire : je suis tombé dans la haie. Ça je m’en rappelle. La yure, c’est la haie. Et l’instituteur, il l’avait ridiculisé devant tout le monde.

Quand je suis arrivée à l’École Normale… chez moi, on parlait patois et on parlait français au lycée… À l’école d’ailleurs on n’avait pas le droit de parler patois, ça je m’en rappelle, quand on traversait la grille, on n’avait plus le droit… Et quand je suis arrivée à la maison après une semaine d’École Normale, je parlais français, et min père il m’a dit : « Eh, m’fill, ichi, on est in mon d’ chez ouvriers. Té parles patois. Té parles pas français. » Alors je parlais patois. Mais au fur et à mesure des semaines, ça n’était plus systématique pour moi.

 

LES LIVRES DES PRIX D’EXCELLENCE, C’ETAIT LES SEULS LIVRES QU’ON AVAIT

Pascale : Nous on n’avait pas de livres. À Noël, il y avait le maire de la commune qui nous offrait des Pif. Et puis on avait nos livres de prix à la fin de l’année. (Je les ai tous encore en haut.) Moi je les lisais, les relisais, les relisais. Et puis je me faisais des histoires, j’imaginais des histoires. Les histoires de fées, les contes. Mais on n’avait que ça. Nos livres de prix. Et puis Guy m’avait offert des livres. Guy ne s’en souvient plus, mais ils sont encore en haut ces livres.

En fait, Guy s’en souvient très bien, mais chacun à sa version.

Guy : Oui, c’était « Croc Blanc ».

Pascale : Je l’ai ’core, il est en haut. Je vais le chercher.

Guy : Croc Blanc, c’était ma sœur qui te l’a offert.

Pascale : Non, Croc Blanc c’est toi. Ta sœur, elle m’a offert Sissi.

Guy : Ah ouais ? Croc Blanc, c’était London.

Pascale revient avec le livre. C’est effectivement le livre de Guy, son prix d’excellence. « Prix d’Excellence Alloucherie Guy »

Pascale, retrouvant une feuille dans le livre : Écoutez, là, je vais vous montrer quelque chose : « Prix d’excellence ! » C’est Guy qui me l’a offert, c’était son prix d’excellence.

On est tous émus. On s’imagine… quand on est enfant, offrir son prix d’excellence à son amie, c’est pas rien.

Nous : Eh ben ! Oh, là, là. Génial.

Guy : Croc Blanc.

Pascale : Voilà, ça c’était Guy. Tu vois, tu m’as offert ton prix d’excellence.

Guy : Tout ça pour devenir acteur, c’est vrai.

Pascale : Croc Blanc et Sissi, ce sont mes deux premiers vrais livres, tu te rends compte ? Moi je n’en avais pas d’autres. Croc Blanc, je l’ai lu, relu. Je n’avais pas d’autres livres, alors j’ai gardé tous mes livres de prix. Oui, là, c’est « Le Vrai Visage de Sissi » c’est Éliane, ta sœur qui me l’a donné.

Pascale : Moi, j’avais pas de livre, t’en avais toi ?

Guy : C’est Éliane qui m’en ramenait.

Pascale : Ah, tu vois, moi je n’en avais pas. Sinon, c’était les livres de la bibliothèque de l’école. Oh… Je vais être rouge écarlate là, je suis pas bien.

Guy : Jack London, c’est une belle histoire.

Pascale : Ah, je les ai lus, relus. Là haut, j’ai gardé tous mes livres de prix, tous mes livre de l’école.

Pascale (s’adressant à nous – Juliette et Isabelle – tandis que Guy écoute) : Guy, quand on était en 5ème, il s’est cassé le bras. Alors tous les jeudis, j’allais passé mon après-midi chez Juliette, parce que je recopiais tous ses cours à la main. Il n’y avait pas de photocopieuse à l’époque. Tu te rappelles ?

À Guy : Et Juliette, elle nous faisait quoi ?

À nous : Guy, il ne s’en rappelle plus.

À Guy : Attention Guy.

Guy : Des crêpes ?

Pascale : Non !

Guy : Des gaufres ?

Pascale : Des gaufres. Des gaufres Juliette. Tu peux regarder dans mon cahier de recettes, c’est écrit les gaufres Juliette.

Guy : Des fines ?

Pascale : Non, c’était des grosses. Ah, j’adorais les gaufres Juliette ? Rien que pour les gaufres Juliette, j’aurais recopié les cours.

Guy : C’est vrai que tu m’avais bien aidé.

Pascale : C’est pour ça que ta sœur elle m’avait remerciée. Elle m’affait offert Sissi. Ta sœur elle habitait Lille à l’époque. Pour nous Lille c’était la grande ville, le bout du monde, à l’époque.

Guy explique : Il y avait une grosse différence d’âge, alors m’a sœur elle était déjà partie de la maison. Y a 14 ans de différence d’âge avec Eliane, et 20 ans avec mon grand frère.

Pascale : Guy il se plaignait tout le temps qu’il était un enfant de vieux. Il se plaignait. Moi, j’étais une enfant de jeune, quand je suis née, mes parents ils avaient 18 ans.

Guy : Quand je suis né, mes parents, ils avaient 45 ans. Toi c’était l’inverse.

Guy redit : Tout ça pour devenir acteur, c’est vrai.

Pascale : Oh, arrête, tu te plais dans ton métier, en plus, tu l’adores.

Guy : Oui.

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