L’histoire au passé et l’histoire au présent

C’est si particulier. On est dans un territoire où on a la sensation d’être dans l’histoire, dans l’histoire du passé autant que dans l’histoire du présent, l’histoire en train de se faire, l’histoire en train de se vivre, l’histoire en train de s’écrire.
On rencontre Alexis, un jeune homme devenu passionné d’histoire et qui va en faire son métier, il est à l’université en Histoire, parce qu’à l’âge de 10 ans, en 2012, il a déterré un obus français enfoui dans son jardin depuis la guerre 14-18. Et avec lui, on parle aussi de 2016 avec l’installation en urgence du centre d’accueil pour 37 hommes soudanais, et de Croisilles, un village qui a déjà accueilli des migrants en 1914, qui venaient de Maubeuge. Pas longtemps après, pendant cette même guerre, ce sont des gens de Croisilles qui ont du partir et qui sont devenus migrants.
Pour faire le « Portrait de Croisilles », on rencontre des habitantes et des habitants de Croisilles, des gens qui font la vie de Croisilles aujourd’hui. Et aujourd’hui, ici, quand on rencontre quelqu’un, forcément, on parle des migrants qui sont accueillis.
En octobre 2016, ce sont 37 personnes qui ont été accueillies. Aujourd’hui, en novembre 2021, c’est plus de 4000 personnes qui ont été accueillies à Croisilles, dans l’ancienne maison de retraite devenue Centre d’Accueil.
Et on comprend qu’on vit des moments qui relèvent de l’Histoire. Et c’est si émouvant, qu’on en a le vertige. On sait que des choses basculent sur notre planète, on sait que les dérèglements écologiques et climatiques provoquent beaucoup de migrations, on sait que cela va continuer, que cela va s’accélérer. On le sait, mais dans d’autres territoires, parfois on peut ne plus y penser, ça peut rester de l’ordre de l’abstraction, et on peut repousser le moment de regarder en face les chamboulements du monde. Mais ici, à Croisilles, c’est concret. Et on ne fait pas que regarder en face les chamboulements du monde, on agit pour trouver comment aider, comment être solidaires, comment être dans l’histoire du présent, comment être vivants aujourd’hui, sur cette planète qui chauffe, comment être vivants en partageant la place des endroits qui restent habitables. Les gens ont mesuré ici à quel point on ne peut continuer qu’en accueillant. Croisilles explore déjà un chemin pour le vivant, un chemin construit avec des pavés d’entraide, être groupés, pour faire face à ce monde aux équilibres fragiles, aux équilibres cassés. Les territoires qui ne le font pas encore, vont devoir apprendre et s’organiser. Et quand on regarde ce qu’il se passe lorsqu’on accueille, on a l’impression de toucher du doigt ce qu’on pressent : un chemin possible est celui de l’entraide et de la solidarité locale.

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