Lenteur qui butine, éparse lenteur,
Lenteur qui s’obstine, tiède contre moi.
Etres que nous chérissons, nous vous aimons dans le meilleur
comme dans l’injustice de vous-mêmes, hasardeusement, tels de
cahotants papillons.
Le rossignol, la nuit, a parfois un chant d’égorgeur.
Ma douleur s’y reconnaît.
Le rossignol chante aussi sous une pluie indisciplinable.
Il ne calligraphie pas l’arrogante histoire des rossignols.
Plus ce qui nous échappe semble hors de portée,
plus nous devons nous persuader de son sens satisfaisant.
Quand nous cessons de nous gravir, notre passé est cette chose
immonde ou cristalline qui n’a jamais eu lieu.
Les chiens rongent les angles. Nous aussi.
On ne peut se retirer de la vie des autres et s’y laisser soi.
Les arbres ne se questionnent pas entre eux, mais trop rapprochés,
ils font le geste de s’éviter. De la chênaie s’élance trois fois l’appel
du coucou, l’oiseau qui ne commerce pas. Pareil au chant votif du météore.
C’est le peu qui est réellement tout. Le peu occupe une place
immense. Il nous accepte indisponibles.
Nous contenons de l’insecte dans les parcelles les plus endurantes
de nous-mêmes ! Suppléant qui réussit où nous échouons.
J’étais une tendre enclume qui ne cherchait pas à s’occuper.
Sur les êtres de l’ailleurs pèsent tous les soupçons. Leurs actions
n’apparaissent pas conséquentes aux murs de l’ici-bas journalier.
Qu’est-ce que nous réfractons ? Les ailes que nous n’avons pas.
En retenant sa salive, en se taillant un chalumeau dans le tuyau
d’un froid roseau, on deviendrait dune à écouter la mer.
René Char – Extrait de « La Nuit Talismanique »