l’amour de la sagesse

La compagnie HVDZ et Superstrat naviguent au quatre coins du village. Qui dans les hameaux, qui dans le centre ou chez les gens à la recherche des perles de sagesse. C’est ce que nous avons trouvé chez Pierre Rizan, un ancien instituteur de Chalmazel. Nous l’avons filmé devant un mur de livres. Il était inquiet de ne pas nous voir arriver.
Dans notre grand camion blanc, nous avions des difficultés à rouler sur les petites routes de montagne. Il faut sans cesse changer de vitesse et manoeuvrer pour tourner aux carrefours. Plus on roulait plus le camion semblait souffrir. Il n’était pas question de rater notre rendez vous alors Martine nous pressait d’accélérer. Nous avons frôlé les toits à cause de la hauteur du camion. Nous avons dérapé dans des virages. Les graviers sur les bords des routes se retrouvaient projetés sur les murs des maisons. La bête s’accrochait à la route du mieux qu’elle pouvait. Nous avons plus d ‘une fois fait marche arrière parce que notre envergure nous interdisait d’aller au delà. Martine guidait les marches arrière d’un côté et de l’autre des rétroviseurs. La bête rugissait et de la fumée très noire surgissait du tuyau d’échappement au dessus de la cabine.
Nous somme arrivés à bon port avec une demie heure de retard.
Nous n’avons pas trouvé assez d’excuses pour effacer notre culpabilité d’avoir fait attendre M. Rizan.
En écoutant parler M. Rizan, c’est comme si nous écoutions Sénèque. Il nous dit, moi je crois aux rêves alors j’aime rêver. C’est vrai, on prend le même plaisir à entendre M. Rizan qu’à lire Sénèque, par exemple : L’éloge de l’oisiveté.
« J’ai fait une étude statistique sur le collège quand j’ai pris ma retraite, sur ce que sont devenus les élèves. Je voulais montrer que l’enseignement à la campagne valait celui des villes alors que c’est toujours pas évident dans les mentalités. Les gens à la campagne sont plein d’avenir. J’aimais ce métier et j’aime ce pays. Le pays est très beau. Mais il a aujourd’hui beaucoup changé, en l’espace de soixante ans. Il s’est boisé à foison. Du bois qui s’est imposé parce que les terrains qui étaient entretenus à la main, sont abandonnés… Ce qui est rassurant, je suis un incorrigible optimiste, c’est que les gens qui restent ici comme agriculteur-trices sont des gens qui y croient. Ils et elles vont rester. Ils et elles nourrissent ce qu’il y a de plus extraordinaire, l’utopie… On pratiquait une agriculture archaïque il y a soixante ans et après on s’est mis à produire à outrance. Cette course à la productivité s’est faite au détriment de la qualité des produits. Aujourd’hui on s’aperçoit qu’on va dans le mur, alors il y en a quelques uns qui freinent et réinventent quelque chose de plus naturel. Mais c’est difficile à mettre en place parce qu’il y a des contraintes et qu’il faut vivre de son travail. Alors parfois on abandonne. Ceux qui persistent il leur faut être tenaces. Il ne faut pas être trop préoccupés par l’argent. Surtout que des services publics ont disparu. Ici on pouvait scolariser les enfants jusqu’en cinquième, maintenant c’est tout au plus  jusqu’à la fin de l’école primaire. Moi je crois aux rêves alors ça ne me déplaît pas de rêver. J’aime mieux rêver l’avenir que de le craindre. »

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