Avec ou sans public

Nous pénétrons dans l’enceinte du collège de Mondoubleau. Il faut d’abord sonner pour que quelqu’un, invisible, ouvre la porte, parce que les collèges sont fermés à clef, et je me demande si c’était le cas dans ma jeunesse. Les grilles épaisses, les verrous, cela donne malgré tout une ambiance particulière. La cloche électrique retentit avec ce son si spécifique qui annonce le temps de la « récré », et petit à petit le flot des élèves se déverse dans les deux grandes cours. Une foule de collégiens bavardent et s’interpellent joyeusement. Les quatre de HVDZ se mettent en place : Aymeric, Yvon, Françoise et Simon et entament une chorégraphie élégante et silencieuse au milieu de l’une des cours. Et progressivement les élèves aperçoivent les danseurs et se groupent autour d’eux, certains s’assoient en groupe. Les élèves qui étaient dans l’autre cour arrivent petit à petit et rejoignent les autres. Ce qui me frappe surtout, c’est le son d’une foule un peu bruyante qui se calme graduellement et devient attentive, un ensemble d’oreilles qui se met à l’écoute, des yeux qui regardent sans que cela ait été spécialement codifié. Dans cette cour il n’y a rien eu comme un appel autoritaire au silence. Il n’y a pas eu un rideau qui s’ouvre sur une scène comme au théâtre. Ce silence qui se met en place est intense et émouvant car il est spontané, du seul fait de ces quatre danseurs qui évoluent silencieusement au milieu des enfants. Et j’imagine que c’est sans doute là que l’artiste ressent un plaisir profond, quand il offre son corps à l’attention de l’autre, avec le risque de ne pas la rencontrer.
Ensuite c’était le supermarché. Haut lieu de rencontre parfois, et parfois aussi lieu où rien ne se passe. Les quatre de HVDZ ont repris leur chorégraphie au milieu des allées et puis sur le parking désertique. Cette fois, seuls témoins de leur danse, les caddies soigneusement rangés dans leur emplacement faisaient office de public, à part nous veilleurs attentionnés. Et comme pour faire bascule avec l’expérience précédente, j’ai ressenti une terrible impression de vide, l’idée désespérante que « tout est vain ».
Heureusement qu’Aymeric et son bugle nous berçaient d’une mélodie mélancolique. Et que la claire lumière du printemps tout neuf nous éclairait le coeur.
Élisabeth, veilleuse d’ici.

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