Quand on m’a dit : « on va bosser à l’HP d’Etampes » j’ai dit : euhhhhh, vous êtes sur ?
car quand j’étais petit, ma mère me répétait souvent « arrête de faire des bêtises ou tu vas finir chez les fous ! » et à l’époque, les seules images que j’avais, c’était ces vieux reportages en noir et blanc sur des médecins en longue blouse blanche qui passaient des électrodes sur les tempes des patients pour y balancer du courant électrique.
du coup, j’ai préféré visualiser un passage du film de Milos Forman, Vol au-dessus d’un nid de coucou avec Jack NIkolson, où une poignée de patients réunis dans la même pièce, déambulent en peignoir à longueur de journée.
et je me suis demandé ce qu’était la folie pour qu’à ce point on l’enferme, l’étudie, la corrige !
ou plutôt quelle était la normalité, et ses cadres à ne pas dépasser !
quand on me dit : « j’adore le petit grain de folie que tu as dans le regard »
dois-je me sentir différent ?
dois-je me sentir inquiété d’avoir franchie les barrières de la normalité ?
quand ma fille qui se teind les cheveux en bleue me dit : « on m’a pris pour une folle aujourd’hui» !
dois-je lui demander : oui, mais sur une échelle de 1 à 10 à quel niveau jugerais tu cette folie ?
j’ai connu moi-même le besoin d’être suivis, accompagné, analyser
quand dans mon parcours de vie j’ai vu s’envoler une partie de mon passé.
S’éloigner à telle point, qu’il m’était difficile de m’en souvenir, voir même de penser que j’avais tout imaginé !
J’avais l’impression que la vision de mon passé ne collé plus à la réalité !
pour en finir avec cette accompagnement, recherche, déballage de sac bien enfoncé dans un fauteuil molletonné et analyse…
car oui ! c’est surtout l’analyse qui fait peur !
« Le problème vient de votre enfance dans les corons du nord de la France »
ben oui, j’habite le Nord, alors c’est foiré d’avance !
On en a conclu après cette unique séance de psychothérapie que :
si le problème me gênait, il fallait que je trouve la solution
et que si le problème ne me gênait pas, ben il n’y en avait pas
Bref, pas d’bras, pas d’chocolat !
Revenons donc à cette question de normalité.
je découvre à l’HP d’Etampes des gens attachants, pleins d’esprit et de connaissances, de gentillesse et de tendresse.
à telle point que les plus fous ne sont pas forcément ceux à qui l’on pense en premier.
A force de rencontres, je découvre que l’esprit peut parfois lâcher l’être qui l’héberge
et que l’esprit, lui, vit sa propre vie de son côté laissant le corps à l’abandon .
je découvre aussi des gens heureux de vivre leur folie, tout en sachant qu’il sont fous !
cela voudrait-il dire que l’on peut être normal à ce point, que l’esprit lui-même se tromperait dans la compréhension de la normalité,
et en exprimerait une folie.
lors d’un rendez-vous dans une structure spécialisée, des résidents me regardent béats faire pendant 10 mn des photos d’un chat.
Aurais-je franchi la barrière de la normalité sans même m’en apercevoir ?
Aurais-je inversé les rôles ?
Bref, je ne sais toujours pas quelle est la normalité de la folie ou la folie dans cette normalité !