De la difficulté de gérer une compagnie, une très petite entreprise

Martine Cendre et toute son équipe (Etat d’Urgence) ont joué vendredi en huit un spectacle sur les migrants. Tout le monde dit que « c’est bien ». On leur souhaite de tourner beaucoup même si par les temps qui courent, c’est difficile de trouver des dates. Les programmateurs n’ont plus d’argent et le peu qu’il leur reste, il le consacre aux plus connus pour remplir leur salle. C’est de bonne guerre mais de très mauvaise augure pour les petites et les nouvelles compagnies (mis à part Julien Gosselin,qui a crevé l’écran dès sa première apparition à Avignon (pas n’importe où).
Pour donner la chance à un spectacle de tourner, il faut être sûr qu’il s’agit  d’un spectacle qui plait aux programmateurs et il faut le jouer à Avignon, au mieux bien sûr dans le in, mais encore faut il y être programmé, sinon dans le off. C’est ce qu’on fait cette année avec l’aide de la région et le spectacle de Lucien Fradin, Eperlecques, qui, n’en doutons pas, va faire un tabac. Tout cela demande de travailler avec peu d’acteur-e-s au plateau parce que ça diminue les coûts, sur les lignes comptables les plus onéreuses, les salaires, les repas, les déplacements et l’hébergement. C’est la raison pour laquelle, Gilbert P. administrateur de Hvdz insiste pour faire un prochain spectacle avec tout au plus, six personnes sur scène.

Pour brasser du monde dans les spectacles, il nous reste les écoles, le travail avec les étudiants, comme ce que nous faisons avec les étudiants de Châlons en Champagne, pour la reprise des Sublimes. Dix sept artistes sur la piste, c’est, pour un petite compagnie, en temps ordinaires, à proprement parler, comptablement, une difficulté insurmontable. Il faut savoir prendre des risques mais les conséquences peuvent s’avérer fatales.

À bien y repenser, deux fois (peut être davantage), nous avons risqué la faillite, tenté un coup de poker, pour nous sortir de l’ornière artistique dans laquelle nous nous étions embourbés à l’époque. L’inspiration nous manquait. Alors nous avons décidé de mener des expériences nouvelles (coûteuses) au risque de tout perdre. Cela a donné deux créations, que nous n’avions pas les moyens d’honorer financièrement (nous avons creusé le déficit de la compagnie à la limite du délit), Ivanov et On s’aimait trop pour se voir tous les jours, qui ,toutes deux ont fait le tour du monde, couvert les crédits et remplit les caisses de notre très petite entreprise. Elles ont permis de salarier une vingtaine de comédiens, pendant plusieurs années.

Par la suite, ce fut à l’époque des Sublimes. La compagnie stagnait et à nouveau se trouvait dans un cul de sac artistique, même si nous avions tout en main pour que ça change. Il nous a fallu tenter un nouveau coup de poker. On s’est dit alors qu’on se servirait de tout, danse, cirque, théâtre, arts plastiques pour créer un genre nouveau et politique. Néobrechtien, en somme. Nous avons engagé des artistes québécois, lancé une recherche expérimentale avec onze comédiens, danseurs et acrobates, plasticiens. Nous n’avions pas l’argent pour payer. Nous nous sommes gravement endettés.
Au résultat, les Sublimes ont tourné longtemps et nous avons remboursé nos dettes en quelques mois et mis de l’argent de côté pour les créations futures.

Aujourd’hui, tel que le dirait Woody Allen, il nous faut résolument nous tourner vers l’avenir, pour les quelques années qu’il nous reste à vivre.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.