l’ hiver est propice à la méditation

Tu dis que j’étale ma science, je ne suis qu’un pauvre idiot, tu le sais. Je m’accroche à un pseudo savoir qui est plus limité que le bout de mon nez. C’est une bouée de secours quand je me noie dans la piscine de Lillers où j’ai pied, à 12 ans, quand j’apprends à nager. C’est tenter un saut de l’ange du haut du plongeoir, dans cette même et magnifique (dans mon souvenir) piscine de Lillers et faire un plat monstrueux qui vide le grand bassin de toute son eau et laisse apparaître mes cadavres qui gisent sur le ciment du fond du bassin (pas de pull bleu marine). Les cadavres de ceux que j’ai été en attendant de renaître. Mourrais je tant de fois sans sortir de la vie ? (On ne meurt pas, on continue de vivre. L’espèce survivra. Enfin…jusqu’à aujourd’hui l’espèce n’était pas menacée de disparition. Maintenant, elle l’est. Même l’Artique ne fait plus rêver.) Des cadavres de ceux que j’ai été. Tout est enterré aujourd’hui et couvert de gravier rouge. Seules subsistent les cabines de bain. Les hommes n’ont aucun goût. Le souvenir heureux, ce temps plein d’espoir gît par 3,50m de profondeur (dans le grand bain). Rien n’était donc réel. Bientôt j’aurais tout oublié, bientôt tout le monde m’aura oublié. Alors quoi ? Je lis, j’écris, je me ressouviens, je pratique l’anamnèse, je veux contenir le temps, j’avance la peur au ventre, je m’instruis (petitement et à tort et à travers) pour lutter, je remonte les cours d’eau comme les saumons. Apprendre, c’est se ressouvenir (on peut se servir des livres (entr’autre). J’aurais voulu être un pigeon (tu le sais). Prendre de la hauteur, pour mieux comprendre, m’élever. Ou un poisson volant. A toujours baigner dans un même monde, au milieu des gens, on n’a pas la distance qui nous permet de prendre conscience, de savoir vraiment de quoi il retourne. Je cherche malgré mon âge, avancé, à m’individuer, encore. C’est bien tard, je te l’accorde. Je voudrais rattraper le temps perdu. A la recherche du temps perdu. Mais quelle drôle de chose, tous les matins au réveil, quand je me rends compte qu’il va falloir faire avec moi. Hier je me suis fondu dans la nuit au milieu des arbres dont je ne pouvais plus voir la cime, sur des chemins que je distinguais à peine et j’étais bien. Mes pieds tapaient les flaques d’eau boueuse, comme un enfant qui s’amuse, comme si mon corps s’était détaché de moi, enfin. Le génie, c’est l’enfance retrouvée. J’aurais dû mais on se fiche des aurais dû. Je n’ai pas de regrets.

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