la vie te dressera

Annie Ernaux, Les Années, encore…

La langue, un français écorché, mêlé de patois, était indissociable des voix puissantes et vigoureuses, des corps serrés dans les blouses et les bleus de travail, des maisons basses avec jardinet, de l’aboiement des chiens l’après midi et du silence qui précède les disputes, de même que les règles de grammaire et le français correct étaient liés aux intonations neutres et aux mains blanches de la maîtresse d’école.
(…)
Comme toute langue, elle hiérarchisait, stigmatisait, les feignants, les femmes sans conduite, les « satyres » et vilains bonshommes, les enfants « en dessous », louait les gens « capables », les filles sérieuses, reconnaissait les hauts placés et grosses légumes, admonestait, la vie te dressera.
Elle disait les désirs et les espérances raisonnables, un travail propre, à l’abri des intempéries, manger à sa faim et mourir dans son lit.
Les limites, ne pas réclamer la lune, des choses par dessus les maisons, être heureux de ce que l’on a
l’appréhension des départs de l’inconnu parce que, quand on ne part jamais de chez soi, n’importe quelle ville est le bout du monde
l’orgueil et la blessure, c’est pas parce qu’on est de la campagne qu’on est plus bête que d’autres.

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